Synopsis : L’histoire d’Eddie Mannix, qui a travaillé dans les années 50 pour les plus grands studios hollywoodiens.
Acteurs : Scarlett Johansson, Channing Tatum, George Clooney, Ralph Fiennes, Tilda Swinton, Josh Brolin, Frances McDormand, David Krumholtz.
A la sortie de la vision presse, je dis à un confrère et ami critique : "nous avons vu un film mineur des frères Coen...". Avant même de pouvoir exprimer le silence des points de suspension, il me répond qu’il vient de voir un des meilleurs, si pas le meilleur des films d’Ethan et Joel. Il n’avait pas tort sur certains points, car Hail, Caesar est un bon film, très jubilatoire et qui ravira les cinéphiles par son côté référentiel. Toutefois, l’intrigue, l’histoire, est seconde (pas secondaire), par rapport aux très nombreuses scènes qui émaillent le film d’autant de gags qui égratignent le milieu du cinéma en général.
Il y a donc une différence avec d’autres films, tels No Country for Old Men (2007) ou True Grit (2010) ou Miller’s Crossing (1990) (mais Ethan n’est pas crédité au générique). Pour ceux-là, l’histoire est un élément constitutif essentiel du film. Ce n’est pas le cas ici. Certes, il y a une trame de fond, l’histoire d’Eddie Mannix [en] (1891-1963), un "fixeur" qui réglait les problèmes de certaines stars en gérant les aspects délicats ou douteux de leur vie privée. Le film n’aborde pas l’affaire qui a marqué l’acteur George Reeves (1914) et qui se serait suicidé en 1959 alors qu’il avait une liaison avec Toni, l’épouse de Mannix. Le film ne se présente pas non plus comme une "histoire vraie", ce qui est le cas, de façon paradoxale certes, dans Fargo ou les génériques de début et de fin affichent des éléments contradictoires. Il y a bien entendu un fil conducteur : la disparition d’une star Baird Whitlock (George Clooney) dont le spectateur omniscient sait, lui qu’il a été enlevé. Par qui ?
Hail, Caesar est surtout l’occasion de découvrir de nombreux tableaux, des saynètes qui nous en mettent plein la vue en nous faisant découvrir l’avers et le revers de la vie de certaines stars. Ainsi Hobie Doyle (Alden Ehrenreich) spécialisé dans les westerns, rodéos et cascades à cheval, mais dont les dialogues sont réduits à quelques onomatopées, voire à siffler son cheval est choisi pour jouer un rôle où les dialogues sont d’importance. C’est que le gars est beau, séduit les femmes, et que les producteurs l’imposent à un réalisateur, Laurence Lorenz (Ralph Fiennes). Nous assistons à des "dialogues" jubilatoires entre celui-ci et l’acteur parachuté.
Le spectateur médusé, aura l’occasion de découvrir le tournage d’un péplum, une cellule communiste (combattante ?), des actrices exaspérantes, une monteuse avec une étonnante cravate, Channing Tatum face à un sous-marin et à son chien, Tilda Swinton dans le double rôle de journalistes, les soeurs Thora et Thessaly Thacker que tout oppose, un ballet de marins qui dansent entre eux... Le second degré est sans cesse présent tout au long du métrage, la critique d’un système et de ceux qui y participent, la dérision, l’autodérision aussi des acteurs seront au rendez-vous. Bien plus, le film est à ce point "référencé" que plusieurs spectateurs risquent de ne pas y découvrir de nombreux éléments liés à l’histoire du cinéma. Un seul exemple qui se déroule lors d’une scène de natation avec de nombreuses nageuses qui exécutent des tableaux visuels de toute beauté, filmés depuis le plafond. La scène est l’occasion de découvrir l’actrice principale tout sourire pendant le tournage et, toutes dents dehors, enragée, juste après le "cut". Là aussi on vous laisse la surprise à l’écran... mais le cinéphile y verra aussi les fameux spectacles de Busby Berkeley dont les chorégraphies sont célèbres dans l’histoire du septième art.
Alors, certes l’histoire (dont on sait l’importance au cinéma) passe au second plan, mais le plaisir du spectateur et en particulier de celui qui connaît bien l’histoire du septième art devrait le mener au... septième ciel. Occasion de découvrir des acteurs et actrices au top de leur interprétation joyeuse sans se prendre un instant au sérieux. Nous sommes ici, et pour le meilleur, dans la veine de films comme The Big Lebowski (1998) O’Brother (2000) et Intolérable Cruauté (2003) qui ont pour vocation de nous faire rire avant tout et de bien rire ! Ajoutons, pour conclure, que les frères Coen, juifs, manient avec bonheur l’humour religieux, y compris lors de scènes "chrétiennes" dans certains films.
Bande-annonce :