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CINECURE
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Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews sur la radio RCF Bruxelles (celle-ci n’est aucunement responsable du site ou de ses contenus et aucun lien contractuel ne les relie). Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques et en devient le principal rédacteur depuis 2022.

Zhang-ke Jia
Mountains May Depart (Shan he gu ren) (Au-delà des montagnes)
Sortie le 23 décembre 2015
Article mis en ligne le 5 décembre 2015

par Charles De Clercq

Synopsis : Chine, fin 1999. Tao, une jeune fille de Fenyang est courtisée par ses deux amis d’enfance, Zang et Lianzi. Zang, propriétaire d’une station-service, se destine à un avenir prometteur tandis que Liang travaille dans une mine de charbon. Le cœur entre les deux hommes, Tao va devoir faire un choix qui scellera le reste de sa vie et de celle de son futur fils, Dollar. Sur un quart de siècle, entre une Chine en profonde mutation et l’Australie comme promesse d’une vie meilleure, les espoirs, les amours et les désillusions de ces personnages face à leur destin.

Acteur : Zhao Tao, Sylvia Chang, Dong Zijian

Après Touch of Sin (2013), Zhang-ke Jia nous revient avec un film, assez long (malgré le fait qu’il soit passé de 131’ à 121’ depuis son passage à Cannes en 2015) qui aborde un thème qui lui est familier : la Chine et son évolution, en mêlant l’intime (la vie d’une femme et de deux hommes amoureux d’elle) et l’évolution de la société chinoise. Il découpe son film en trois actes ou, plus exactement, à mon estime, en un acte avec un prologue et un épilogue.

C’est que le "premier acte" n’est que préambule, même s’il dure près de quarante minutes jusque l’apparition du titre du film à l’écran. Et si nous n’avions pas perçu ce prologue, la "technique" nous le fera comprendre, car nous passons du format 4/3 au format 16/9, tout comme nous évoluons du passé (1999) au "présent" (2014). L’épilogue, lui changera également de format et de calendrier pour nous projeter en 2025, au format CinémaScope et sur un autre continent, l’Australie et une autre langue, l’anglais (que le réalisateur dit ne pas maîtriser).

A travers les itinéraires entrecroisés de plusieurs destins - un très classique triangle amoureux - nous sommes confrontés à l’évolution d’une Chine en pleine mutation où se confrontent les gens du peuple et une nouvelle catégorie de chinois possédant richesse et culture. Ceux-ci pouvant, à l’aide de l’argent écraser les moins nantis et également fasciner. Ce sera le cas pour Tao (Tao Zhao, l’épouse du réalisateur) qui préféra l’homme qui rêve dollars plutôt que yens et qui, plus tard, donnera ce nom à son fils plutôt qu’un prénom chinois. On se doute bien que ce sera le mauvais choix et nous verrons l’évolution des uns et des autres et de leurs sentiments. La partie future en Australie en dit long sur les rêves/cauchemars et sur l’identité chinoise (ou plutôt la perte d’identité et de culture). Faut-il revenir au pays ? Qu’et-ce qu’un père, une mère ? Qu’est-ce qu’être amant et fils ?

Il est possible que certains codes culturels m’échappent pour appréhender parfaitement le film, ainsi les explosions, la chute d’un avion, le charbon qui tombe d’un camion et d’autres éléments peuvent avoir (ou pas) un sens qui m’a échappé. Cela ne préjuge pas des qualités du film dont certains estiment qu’il méritait une Palme d’Or cannoise, mais plutôt de ma difficulté à en saisir toutes les subtilités.

Pour aller plus loin (cliquez...)

Le réalisateur précise :
"Il y a eu un temps de maturation très long, Mountains May Depart vient en partie de séquences accumulées durant le tournage des films précédents. Depuis 2001, lorsque j’ai eu ma première caméra numérique, mon chef opérateur Yu Lik-wai et moi avons beaucoup circulé, en filmant un peu au hasard. Nous avons tourné des images qui n’étaient pas exactement des tests, plutôt des notes, sans savoir ce qu’on en ferait. Il y a 4 ans, nous avons fait plus ou moins la même chose avec une nouvelle caméra, beaucoup plus perfectionnée, l’Arriflex Alexa. La mise en relation de ces deux ensembles d’images, à 10 ans d’intervalle, m’a donné l’idée du film. J’ai été frappé à quel point les images de 2001 me semblaient lointaines, comme venues d’un monde disparu. Je me suis demandé comment j’étais moi-même à cette époque, et si j’étais capable de renouer avec celui que j’ai été il y a si longtemps… dix ans qui semblent un gouffre."

Quant aux deux chansons qui rythment le film, Zhang-ke Jia signale
"La chanson de Pet Shop Boys a été extrêmement populaire en Chine dans les années 90, quand j’étais à l’université, à une époque où des discothèques ouvraient un peu partout. Dans les boîtes de nuit et dans les soirées, Go West était la chanson qui passait systématiquement à la fin, et qui réunissait tout le monde dans une danse collective. On ne se demandait pas trop ce que désignait l’Ouest, ça pouvait être la Californie (qui pour nous est à l’Est) ou l’Australie comme les personnages du film. Quant à la chanson en cantonais, Take Care, c’est un morceau de la chanteuse Sally Yeh. Elle est une star de la cantopop, mais la chanson elle-même est peu connue. Je l’aime beaucoup, je l’écoute souvent. La musique populaire m’a toujours beaucoup intéressé, ces chansons m’ont aidé à comprendre la vie et elles sont un très bon témoignage de la mentalité collective, elles racontent la société. A nouveau, je suis frappé par la disparition, dans les chansons récentes, des sentiments forts, de l’engagement fidèle envers quelqu’un ou quelque chose qui était si présent auparavant. J’ai d’ailleurs publié un article sur le sujet : on a toujours des chansons d’amour, mais qui s’attachent plus au physique, et à l’instant. Au contraire, Take Care porte sur l’idée qu’une séparation est sans doute en cours, mais que ce qui a été vécu de fort ne sera pas effacé".



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