Synopsis : Luc Jacquet met en scène l’aventure de Claude Lorius, parti en 1957 étudier les glaces de l’Antarctique. Il nous raconte l’histoire d’une vie extraordinaire de science et d’aventure, consacrée à percer au plus profond des glaces de l’Antarctique les secrets bien gardés du climat.
Cela semblait bien a priori et après quelques minutes, ce ne l’était plus du tout. Dommage, car j’espérais beaucoup de ce dernier film de celui qui nous avait offert La marche de l’empereur. Ce ne sont plus les manchots qui sont à l’honneur, mais un homme, Claude Lorius, né en 1932, un des témoins, acteurs, cheville ouvrière des recherches sur l’évolution du climat, les cycles climatiques, l’importance des gaz à effet de serre. Ceux qui sont climato-sceptiques devraient, semble-t-il voir ce film et ceux qui voient dans l’évolution du climat sous l’influence humaine une question essentielle, devraient, eux, découvrir la passion d’un homme, scientifique, depuis ses premières intuitions jusqu’à leur concrétisation dont nous découvrons de jour en jour les conséquences, quasi inéluctables.
Hélas, hélas, cela ne passait pas. Ce n’est pas le documentaire en lui-même, mais sa forme et sa mise en oeuvre qui sont en jeu ici ! Dès les premières images, je me suis dit que le film méritait le format Imax (nous étions dans une petite salle avec un petit écran également). Ensuite, ce furent des images d’archives, très bien restaurées (et certaines au format 16 mm). Grâce à celles-ci, le réalisateur (re)construit une histoire. Et ce n’est pas un problème pour moi, car, comme je l’ai déjà dit et écrit à propos de plusieurs documentaires il ne faut pas confondre réalité et vérité (à ce titre on peut jeter la quasi-totalité des évangiles !). On se rend très bien compte que certaines scènes sont "pédagogiques" construites et filmées dans un tel but. Par exemple quand on voit la carotteuse en action (selon le même principe que celui utilisé dans des ruches ou fourmilières "artificielles" dans certains reportages animaliers). Mon malaise se situait ailleurs : le film était plombant, ennuyeux et outre que nous étions plusieurs au bord de l’assoupissement, j’ai songé à plusieurs reprises à des émissions de télévision scolaire des années 60 ! Je me disais qu’il serait bien difficile de "vendre" ce film à mes lecteurs et auditeurs et qu’il allait tout droit pour une case de télévision Arte, dans le creux de la nuit à 4h du matin ! Outre cela, il y avait le commentaire du film, non pas confié à Claude Lorius, mais à Michel Papineschi. Derrière cette voix, il y a Robin Williams et Tony Shalhoub (qui joue Adrien Monk)... et la notoriété du doubleur écrase alors le projet, en s’ajoutant à l’emphase, au didactisme et au caractère pompier de cette relecture d’images du passé. L’intégration d’images d’aujourd’hui avec un Claude Lorius, très contemplatif dans les montages ajoute encore un effet de décalage qui ne convainc pas !
Le film a été présenté hors compétition en clôture du Festival de Cannes, ce qui a suscité des controverses. De celles-ci à la réception critique, d’enthousiaste à très mitigée, on pourra en savoir plus en lisant la page Wikipedia consacrée à ce "documentaire". Au sortir de la projection presse, ce furent les mêmes différences de perception entre nous. Depuis une très grande admiration pour cet hommage à un homme qui a consacré sa vie à défendre une intuition, ses idées et une noble cause qui mérite amplement d’être proclamée au monde, jusqu’à d’autres qui diront simplement "Sujet intéressant mais traité d’une façon beaucoup, beaucoup trop didactique".
Je suis plutôt de ceux-là ! Soit le film veut se présenter comme "défense d’une cause juste", ce qu’il semble être, mais l’utilisation des images d’archives (même restaurées et sonorisées) est si plombante qu’elles ne donnent aucune envie de découvrir l’importance des enjeux. Soit, il s’agit de présenter le combat d’une vie, mais c’est paradoxalement si ennuyeux que si cela passait à la télévision le spectateur risque bien de changer très vite de chaîne.
Je trouve la cause si noble que je rêve d’un autre film (qu’il s’agisse de présenter l’homme et/ou la cause qu’il défend). Ainsi, insérer les images d’archives en illustration de questions posées depuis les dix dernières années. En réponse à des questions essentielles et à des doutes illégitimes, montrer quelques images du passé pour découvrir la source des interrogations. J’aurais développé les extraits d’émissions de télévision où l’on interviewe Claude Lorius plutôt que de ne reprendre quelques bribes de phrases et je les aurais mises en miroir ou en situation pour interroger l’aujourd’hui (par exemple, à l’image de ce que fait, dans la fiction et pour un tout autre sujet, Derek Cianfrance avec Blue Valentine. En outre, le réalisateur utilise la pellicule 16mm pour les images du passé et le numérique pour aujourd’hui ! Certes il n’y a que six ans de différence entre le présent et le passé de la narration, mais cet artifice technique ajoute encore au jeu de miroir entre les attentes, promesses et la réalité actuelle.
Autant préciser que les échanges (courtois) entre critiques furent nombreux à la sortie de la salle et témoignaient de réceptions et perceptions différentes, voire contradictoires.
Ma note tournerait dans les 19/100 mais je ne veux pas vous enfermer dans ma déception et en attendant de mettre un lien vers la critique éventuelle d’amis enthousiastes, en voici déjà un vers l’article plus qu’enthousiaste de Raphaël Jullien sur le site Abus de ciné !