Ne dépliez pas le bloc ci-dessus si vous préférez ne pas trop en savoir...
Synopsis court : Au cours d’un trop long été, Jimmy, un enfant de 13 ans que les circonstances forcent à devenir trop vite adulte, se cogne aux limites de sa petite ville et de sa vie heurtée, entre une mère à la dérive et un beau-père qui la tient sous sa coupe.
Acteurs : Pierre Deladonchamps, Angelica Sarre, Patrick d’Assumçao, Jules Gauzelin.
Mise à jour : Le film est sorti en DVD le 16 février 2016.
Ce sont deux jeunes acteurs inconnus qui sont au centre de ce film, entourés de deux autres qui eux ne sont pas "inconnus" puisque Pierre Deladonchamps et Patrick d’Assumçao ont joué dans le dernier film d’Alain Guiraudie, L’Inconnu du lac. Les deux jeunes enfants, en particulier le cadet, demi-frère, ont une extraordinaire présence à l’écran. Il n’empêche que nous nous focalisons sur l’ainé qui doit assumer beaucoup trop tôt son rôle et prendre la responsabilité que ni sa mère si son beau-père ne prennent ou veulent prendre. On se plaira à détester ce dernier et l’acteur (Pierre Deladonchamps) arrive à rendre son personnage totalement détestable. A tel point que le spectateur risque de perdre de vue que le salaud n’est peut-être pas lui. Comme en est-il arrivé là, tirant le diable par la queue, volant, se droguant, battant sa compagne, et la prostituant même contre son gré ? Parce qu’au détour d’une émission radio il est question d’un homme politique pas vraiment net (Jérôme Cahuzac), un "criminel en col blanc" en quelque sorte. Cela passera probablement inaperçu, mais il serait dommage de perdre de vue ce... point de vue sur l’humain que le réalisateur porte à notre connaissance : invitation à ne pas juger trop vite : selon que vous soyez puissant ou misérable.
Le casting a permis de dégager deux enfants, sans expérience du cinéma et qui grâce au réalisateur et à son équipe réduite, réussissent à rendre avec beaucoup de vérité cette expérience de vie dans une ville entre campagne et monde industriel (le tournage a eu lieu à Dombasle). A ces jeunes, criants de vérité- ainsi qu’un petit nombre d’acteurs professionnels - se joignent de nombreux habitants du lieu de tournage.
Filmé au format 1.85, Une enfance suscite l’émotion, la réflexion, interroge sur les conditions de vie dans le quart-monde, sur l’usage de la drogue, l’air de rien, sans appuyer exagérément là où cela fait mal, sans pathos excessif, jusqu’à la résolution de la tension qui se fera dans un hors champ qui laisse les interprétations ouvertes. Si le film n’est pas autobiographique, il "dit" quelque chose de son réalisateur : "Il était d’une façon directe ou indirecte question de moi, tout le temps et partout. La scène finale du tennis, lorsque l’entraîneur dit à Jimmy que lui aussi tournait autour des courts quand il était enfant, est totalement autobiographique. Je traînais alors autour des terrains, plein d’une envie de jouer, comme j’ai commencé à peu près au même âge à tourner autour du cinéma, espérant un jour pouvoir en faire. La dernière réplique « tu vois maintenant c’est moi qui joue ! » est presque une métaphore. Je n’osais pas rêver de cinéma et, aujourd’hui, c’est moi qui me retrouve derrière la caméra. Ce gamin, quelque part, j’ai compris que c’était moi et qu’il fallait que ce soit moi qui lui tende la main. Pour l’inviter à entrer dans le court, dans la vie, dans le cinéma. Pour que la boucle soit bouclée. Je me suis tendu la main par-dessus le temps.".