Synopsis : François, policier aigri ne supporte pas plus son travail que sa vie conjugale. Mohammed veut quitter sa cité par tous les moyens. Ester n’arrive pas à accepter sa condition de fille adoptée. Christian veut laisser son village et la boulangerie familiale dans laquelle il travaille. Tous vivent entre Paris et la province. En l’espace de vingt-quatre heures, leurs destins vont se rencontrer, puis basculer, révélant pour chacun ce qu’il se refusait de voir.
Acteurs : Bruno Solo, Salim Kechiouche, Djena Tsimba, Benjamin Ramon, Karina Testa, Astrid Whettnall, David Murgia.
Etre est un film "choral". Il croise ou tisse pour nous les destinées de onze personnes pendant une journée. Certaines se connaissent par leurs liens affectifs ou professionnels. D’autre ne devront leur rencontre, voire leur confrontation qu’au hasard. Unité de temps donc, unité de lieu (en principe, si l’on accepte que des scènes tournées en Belgique - à Liège notamment - se déroulent à Paris), mais pas forcément unité d’action.
Cela commence par une course poursuite, un policier (excellent Bruno Solo à contremploi) et un jeune "voyou". Chacun sort son arme. La caméra quitte les deux protagonistes. Un coup de feu dans la nuit. Que va-t-il se passer et pourquoi ai-je guillemété "voyou" ? C’est que tout nous donne à penser qu’il s’agit d’une petite frappe et que le policier est dans son droit. Mais, nous n’en saurons rien. Nous retournons dans le temps, une quinzaine d’heures plus tôt. Ce n’est pas tant un "flashback" qui nous sera proposé ; c’était plutôt un "flasforward" qui inaugurait le film.
Celui-ci nous mènera à la rencontre de 11 personnes à travers de multiples facettes qui à travers les rencontres, les échanges, certains choix de vie ou le hasard, conduiront à la scène d’ouverture. Difficile d’en dire plus sans trahir le récit qui est construit comme un puzzle ou un kaléidoscope. Certains plans sont très courts, d’autres durent quelques minutes. Mais nous naviguons de l’un à l’autre sans pouvoir nécessairement trouver une cohérence. Ce ne sera qu’à la fin que les clés de lecture nous permettront de comprendre comment on en est arrivé là.
Le procédé n’est pas nouveau. Je songeais ainsi à 11:14(Greg Marcks, 2004) découpé en cinq parties. Au fur et à mesure de l’avancement du film, le spectateur arrive à saisir comment on en est arrivé au "début" du film à 11h14 (en fait 23h14, car c’est la nuit) où un cadavre tombe sur le pare-brise d’une voiture. Il y a cependant une très grande différence dans "Etre". Nous ne suivons pas successivement chacun des 11 protagonistes, mais de façon éclatée, en puzzle comme je l’ai écrit ci-dessus. Le risque dans ce genre d’exercice est de perdre la densité de certains personnages en cours de route. Ce risque, on le frôle parfois sans que cela soit cependant catastrophique.
Le film est donc une heureuse surprise dans le cinéma francophone et nous pouvons nous réjouir de son ancrage belge. Ainsi, le casting compte quarante-sept comédiens belges sur les cinquante-six du film ! A ce sujet et pour tout ce qui a trait au tournage de ce premier long métrage de Fara Sene, je vous invite à lire cet excellent article de David Hainaut sur le site de Cinergie.
Enfin, pour la petite histoire, regardez bien la camionnette d’un boulanger (censée être parisienne) pour y découvrir durant moins d’une seconde un numéro de téléphone... bien liégeois !