Synopsis du BIFFF : Dans un futur proche où tirer une chasse d’eau est désormais un privilège de riche, Ernest Holm est un propriétaire terrien dont les champs arides ressemblent plus au désert d’Atacama qu’aux vertes étendues de son enfance. C’est qu’il n’y a plus une seule goutte qui tombe, et les maigres réserves d’or bleu sont aux mains de syndicats peu scrupuleux. La seule chose qu’Ernest arrive encore à irriguer, c’est son gosier avec un tord-boyaux artisanal qui l’aide à oublier ses deux enfants affamés et assoiffés. Pourtant, le bonhomme reste un bon père, prêt à défendre sa progéniture à coups de carabine contre les nombreux maraudeurs, et toujours de bon conseil quand un voisin hésite entre vendre son bébé et se priver d’un bidon d’eau potable. Mais la vraie menace, c’est comme un mirage en plein cagnard : on a du mal à y croire. Surtout quand le danger vient de Flem Lever, grande gueule qui a l’outrecuidance de se taper sa fille et surtout la prétention de refaire le coup de Jack et son foutu haricot magique en plein désert, quitte à liquider beau-papa…
Présentation du BIFFF : Un western futuriste avec du joli scope à la John Ford ! Voilà la proposition pour le moins intrigante de Jake Paltrow (oui, le petit frère de…) dans son premier long-métrage. D’une élégance indéniable, cette fable post-apocalyptique qui lorgne autant vers le thriller que vers la sonnette d’alarme écolo réunit le (décidément) très doué Michael Shannon (Bug, Take Shelter) et Nicholas Hoult, qui n’en a pas fini avec le désert puisqu’on le retrouvera à l’affiche de Mad Max : Fury Road !
Acteurs : Elle Fanning, Kodi Smit-McPhee, Michael Shannon, Nicholas Hoult
Oserais-je un mauvais jeu de mots au sujet de ce film qui se déroule sur fond de terres arides ? Voilà un excellent cru de ce 33e BIFFF !
Dès le début du film, j’y ai vu des analogies avec The Rover de David Michôd, présenté en séance de minuit à Cannes en 2014. Contrairement à d’autres critiques, j’avais beaucoup apprécié ce western violent et nihiliste. Young Ones ne l’est pas autant. Ils ont cependant deux points communs. La vengeance, en premier lieu. Moteur du film pour The Rover (et qui fit dire à certains "tout cela pour ça !") seconde et réfléchie, pour le film du quadragénaire Paltrow ( frère cadet de Gwyneth !). Ensuite, dans l’un et l’autre film, il y a une crise passée dont on ne sait pas grand-chose, mais qui est probablement de type écologique et économique. C’est en sous-bassement de l’intrigue, mais sans plus. Nous ne sommes pas dans un thriller écologique ni dans un "survival". Il y a clairement un problème de sécheresse et d’eau, mais nous ne sommes pas en situation apocalyptique où il faudrait quitter la planète, comme dans Interstellar, mais dans une période de sécheresse comme on peut le vivre actuellement, par exemple, en Californie.
Tout comme dans The Rover, il y a eu une modification des structures politiques et de gouvernance. Ici les États ont retrouvé de strictes frontières et ceux-ci sont impuissants face à des sociétés qui gèrent des situations critiques comme bon leur semble et de façon mafieuse parfois (dans ce cas, la gestion du pompage et de la distribution de l’eau). Par ailleurs dans Young Ones la sécheresse a entrainé de nombreux cas de stérilité.
Tout cela se trouve donc en toile de fond, mais n’est ni explicité ni développé. En effet le réalisateur s’attache à ses personnages. Comme une pièce de théâtre ou plutôt comme une tragédie grecque, le film se déroule en trois actes, clairement annoncés à l’écran et centrés sur autant de personnages, leurs itinéraires et interactions. Ernest Holm, le père (Michael Shannon) est le premier, suivi de Flem Lever, le futur gendre (Nicholas Hoult) et enfin Jerome Holm, fils du premier, joué par le jeune Kodi Smit-McPhee.
Le premier acte fait donc place au père de famille qui a racheté à crédit des terres arides ayant l’espoir qu’elles seront un jour productives et dès le début du film, il nous est dit qu’elles le seront. Ernest a deux soucis : son alcoolisme et son épouse, en hôpital, paralysée et tributaire d’une armature qui l’aide à se déplacer un peu en quittant son fauteuil roulant. Il s’en sent coupable ou responsable sans que le récit nous en dise beaucoup plus. Il vit de marchandage d’alcool frelaté avec les ouvriers de la société de forage sise au-delà des montagnes.
La deuxième partie met le focus sur Flem. Il a très mal agi et en subira des conséquences, mais de façon paradoxale, sa mauvaise action ou plutôt l’une de ses mauvaises actions (par rapport à son beau-père, mais aussi par rapport à Robbie qui tente de vendre son enfant pour un peu d’eau) va permettre de sortir des terres arides. L’eau qui les irriguera montrera qu’Ernest avait toutes raisons d’espérer.
Enfin, la troisième nous fera découvrir le tout jeune personnage du fils, Jérôme, 15 ans à peine dans l’intrigue, qui va devoir accéder très vite, trop vite à son statut d’homme qui l’amènera à faire de pénibles découvertes qui tournent autour d’un robot de transport tout terrain. Des pièges dont il a fait l’apprentissage dans le passé lui serviront pour se construire un avenir et en clôturer un autre ! Il lui faudra assumer un rôle possible par rapport à sa soeur enceinte sans que le scénario nous ouvre d’autres pistes que des regards échangés et susceptibles d’interprétations multiples.
Outre les thèmes abordés, la focalisation sur trois personnages, j’ai été touché par les situations évoquées (amplification de certaines dont on ne voit aujourd’hui que les prémices) aux plans climatique, sociologique et politique. Les acteurs principaux sont véritablement au service d’un très beau scénario et le très jeune Kodi Smit-McPhee est très prometteur du haut de ses 17 ans au moment du tournage.
Une mention toute particulière pour le robot qui jouera un rôle essentiel dans le film. Nous ne sommes pas dans l’intelligence artificielle, mais sa gestuelle (effets spéciaux, mécanique, motion capture... je n’en sais trop rien) a suscité chez moi une étrange empathie animale !