Synopsis : Vincent , trentenaire dans la force de l’âge est champion de tir au fusil à 300m. Il mène une vie tranquille de la classe moyenne d’aujourd’hui : couple somnolent, travail routinier et projets d’un avenir radieux freinés par des traites bancaires… Cet équilibre plus précaire qu’il n’y paraît va être bousculé par un père malade envahissant et malveillant que Vincent est obligé d’héberger le temps de lui trouver un nouveau point de chute. Plus que jamais le stand de tir et sa discipline permettent à Vincent d’échapper à ce quotidien de plus en plus pesant. C’est sur un stand qu’il va faire la rencontre de Renaud, un quinqagénaire à l’allure sympathique qui va lui proposer un contrat un peu particulier.
Acteurs : Reda Kateb, Ludivine Sagnier, Johan Heldenbergh, Tchéky Karyo, Laure de Clermont-Tonnerre, Pascal Demolon, Emmanuel Bonami.
Premier long métrage du réalisateur qui est également aux commandes du scénario, la genèse du film est due à l’un des scénaristes qui a été marqué par une séance de tir dans un documentaire datant d’une cinquantaine d’années, Tokyo Olympiade (Tôkyô orinpikku) réalisé par Kon Ichikawa. Au vu du film et du résultat, on peu comprendre cette origine. En effet, le rendu des scènes de tir, qu’elles soient "réelles" ou en stand de tir, est impressionnant. Ces scènes sont filmées (parfois) en très gros plan, en ralenti, avec le focus sur l’arme, le tireur et ses protections auriculaires - avec en contrepoint la disparition ou l’étouffement de la musique. Toutefois, nous ne sommes pas dans un film documentaire, même si Reda Kateb a suivi des cours pratiques et théoriques et a été entraîné par un expert de tireurs du GIGN formateur. C’est à un véritable drame que nous convie Fred Grivois avec des premiers et seconds rôles hors pair.
En premier lieu, Reda Kateb (Vincent), surtout, et (un peu) Ludivine Sagnier (Delphine) jouent le rôle du couple qui se trouve entraîné dans une spirale de dettes, la faute à "pas de chance". En effet, le rôle de Vincent est si dense qu’il écrase inévitablement celui de l’épouse.
En deuxième place, il faut relever le rôle magistral de notre compatriote, Johan Heldenbergh (Alabama Monroe) qui joue ici son premier rôle en français. Il est troublant, fascinant et finalement inquiétant (voire flippant) dans ce rôle de "bon pote" qui tel un janus bifrons finit par montrer son vrai visage, celui d’une courroie de transmission pour des commanditaires d’assassinats. L’enjeu du film n’est pas tellement dans le fait de savoir si Vincent deviendra ou pas un tueur à gages, ni les conséquences d’éventuels atermoiements, mais plutôt dans l’évolution des divers protagonistes et de leurs relations. Ainsi, plus que les problèmes financiers, certes présents et nécessaires à l’évolution de l’intrigue, le réalisateur développe deux axes majeurs : la dégradation du couple, d’une part, et la "possession" de Vincent. Il est véritablement entre les mains de Renaud qui tire les ficelles. Sous un visage d’abord angélique, on découvre ensuite un être sordide et calculateur.
Enfin, il faut relever deux autres rôles. Celui d’Armand, le père de Vincent, très bien joué par Tchéky Karyo qui donne corps à cet homme qui a brûlé la chandelle par les deux bouts, à tel point qu’il sera un des éléments de la dégradation de la situation financière du couple, et qui devient un grain de sable dans la délicate harmonie de celui-ci. Autre deuxième rôle, Pascal Demolon, qui incarne JP, le patron et entraîneur de la salle de tir.
On pourra regretter des aller-retour inutiles en Belgique, prix à payer pour obtenir les financements du cinéma aujourd’hui (le pays et/ou la région, province, ville, veulent bien co-financer, mais il faut venir tourner une (petite) partie chez nous !) [1]. C’est cependant bien secondaire face à un thriller psychologique interprété de façon magistrale.