Synopsis : 1980, Sud de l’Espagne. Deux adolescentes sont assassinées dans une petite ville située dans une région de marécages, près de l’embouchure du Guadalquivir. Deux détectives aux méthodes très différentes sont chargés de l’enquête. Ils vont devoir mettre leurs différences de côté pour tenter d’arrêter le meurtrier le plus vite possible.
Acteurs : Javier Gutierrez, Raùl Arévalo, Antonio de la Torre, Nerea Barros, Adelfa Calvo, Jesús Carroza, Jesús Castro.
Mise à jour : Le film a obtenu le prix du meilleur thriller lors du 33e festival du BIFFF.
Un film de transitions...
Nous sommes en 1980. Franco est mort depuis cinq ans et il y aura bientôt le putsch militaire avorté du 23 février 1981. L’Espagne est en transition entre son franquisme dictatorial et une démocratie naissante et elle est donc très fragile. Un monde ancien n’a pas encore disparu et ses soubresauts sont toujours bien présents ; ils empêchent le développement de la démocratie toujours au berceau.
Nous sommes aussi aux rivages, à Guadalquivir une transition entre la terre et l’eau. Dans cette enclave, on cultive du riz, mais on y trafique aussi. Pendant ce temps, la radio, en bruit de fond, nous fait entendre les bribes de combats jamais terminés. Au même moment, les ouvriers agricoles se révoltent contre les patrons qui les exploitent.
Nous sommes aux frontières entre la terre et le ciel. Les plans inauguraux, nous montrent le paysage, idyllique, vu du ciel. Les oiseaux - qui fascinent l’un des enquêteurs - font d’une certaine façon le lien entre ce lieu de la pureté et des espoirs et la fange dans laquelle il faudra plonger pour tenter d’arriver à bout de quelques-unes des turpitudes humaines qui gangrènent la région. Ces vues aériennes sont splendides et plusieurs images nous montrent le sol, parfaitement dessiné et coupé au cordeau. Dès que nous sommes sur terre, nous voici confrontés à la noirceur humaine. La beauté des images s’oppose à la noirceur ou l’ambiguité plus ou moins marquée des individus.
Entre True Detective et Twin Peaks
Dès le début du film dont je ne dévoilerai rien de l’intrigue (si tant est qu’elle soit capitale !) j’ai eu l’impression de me retrouver dans les univers des séries True Detective de Nic Pizzolatto et Twin Peaks de David Lynch. Nous découvrons deux policiers que tout oppose. L’un appartient à l’ancien monde et il s’enracine (ou pas ?) dans un passé trouble qui sera révélé à son collègue, jeune père et partisan des combats pour la nouvelle démocratie, par un homme de presse proche des caniveaux. Nous sommes dans la fange ! L’ambiance est toujours trouble, il y a des choses connues mais dont on ne parle pas. Il y a des affaires qu’il ne faut donc pas révéler (et aujourd’hui encore, il y a des cadavres qu’il ne faut pas déterrer en Espagne) et les collusions du pouvoir avec des personnages au passé trouble et troublant.
Il y a ces adolescentes aux prises avec des adultes (mais pas toujours) qui les martyrisent et les mènent à la mort, tout cela, pour un objectif, en quelque sorte (que l’on comprendra à la vision du film !). Dans une société aux mains des riches et des puissants, il y a des pauvres qui croient pouvoir s’enrichir et entrainent les leurs dans le drame. Toutes ces ambiances sont très bien rendues dans ces univers sordides, glauques où l’on peut douter de tout et de tous. L’un des policiers, l’aîné, est en quête d’aventures féminines, l’autre vit en couple, avec un enfant. Si l’un des policiers est violent et l’autre pas, ce n’est cependant pas toujours le cas ; les rôles s’inverseront parfois. Ce couple, joué par Javier Gutiérrez et Raúl Arévalo n’arrive cependant pas à la hauteur de Matthew McConaughey et Woody Harrelson.
A la fin, nous resterons avec nos questions, nos zones d’ombre, dans un face à face où les tensions ne seront pas résolues, où le passé sera toujours présent au risque d’handicaper les lendemains à-venir. Ce film a obtenu 10 Goya. Si vous pratiquez l’espagnol, cet article, avec une vidéo, confirme mes intuitions initiales et le parallèle que je faisais d’emblée avec True Detective !
Présentation "BIFFF" du film...
La présentation du film par le BIFFF garde toujours son style inégalable. Toutefois, si vous préférez ne pas trop en savoir sur le déroulement de l’intrigue, mieux vaut ne pas lire ce qui suit, afin de garder l’effet de surprise.
1980, une communauté insulaire du sud de l’Espagne s’inquiète de la disparition de deux filles à la réputation frivole. Deux flics descendent de la capitale en laissant la transition démocratique à Madrid : non seulement ce vent libertaire serait perçu comme un courant d’air de décadence chez les bouseux, mais nos deux collègues sont tout aussi divisés sur la question. En vieux routard du métier, Juan traîne quelques casseroles franquistes pas très reluisantes ; tandis que le jeune Pedro s’agrippe à son intégrité comme une moule parquée à son bouchot. Pourtant, la découverte des deux cadavres va très vite mettre nos deux loustics au diapason, bien seuls dans un patelin misogyne, rétrograde et pas très net. Leurs soupçons vont se confirmer lorsque, un soir, ils reçoivent la visite inopinée d’un homme saoul et armé qui, dans un élan de confidence éthylique, va les mettre au parfum d’un lourd secret. Le genre de cachoterie qui a permis au village d’économiser un paquet de pierres tombales, si vous voyez ce qu’on veut dire… (Source, site du BIFFF).