Synopsis : Biopic de l’artiste contemporaine Margaret Keane. Dans l’Amérique des années 50, une artiste femme a peu de chance de percer, c’est pourquoi Walter réussit à convaincre Margaret de lui accorder la paternité de son oeuvre, lui permettant d’acquérir une renommée internationale. Mais Margaret finit par regretter son choix et reprendre ses droits.
Acteurs : Amy Adams, Krysten Ritter, Christoph Waltz, Jason Schwartzman, Terence Stamp, Danny Huston, Andrew Airlie.
Tim Burton nous propose ici son deuxième biopic, après Ed Wood. "Ne me faites pas les yeux doux, faites-moi de grands yeux", pourrait dire le réalisateur. En effet, cet univers n’est pas neuf chez lui : voyez les deux illustrations ci-dessous (Beetlejuice, 1988 et Frankenweenie, 2012) quasiment distantes d’un quart de siècle !
Big Eyes s’inspire donc d’une histoire vraie ; je l’ai découverte en même temps que le film (tout comme les œuvres picturales concernées). J’aime beaucoup Burton et les univers de ses films. Ce dernier m’a donc plu avec toutefois certaines réserves qui m’empêchent de le mettre sur un piédestal. C’est que Big Eyes oscille entre deux eaux, ou plutôt deux yeux : deux regards, deux approches de cette usurpation qu’il est bien difficile de mettre ensemble. C’est en particulier le changement de rythme à partir du dernier tiers qui me pose question.
A l’actif du film, une belle reconstitution de la fin des années 50, début des années 60. Celle-ci, associée à la palette de couleurs rend bien compte de ces années (au moins dans la façon dont je les fantasme) : il m’est arrivé de penser à la série Mad Men mais également à Wes Anderson pour le choix des couleurs.
En revanche, ce qui m’a moins emballé, c’est notamment la dernière partie du film, lors du procès à Hawaï.
C’est un peu too much ! Alors que l’on connaît la personnalité de l’ex-mari, Tim Burton donne l’impression d’en rajouter pour que l’on comprenne bien (ou bien pour laisser le "gosse" jouer en lui ! ) mais c’est inutile, le spectateur a compris depuis longtemps !
Et le tableau final - ...finalement attendu ! - était à lui seul suffisant.
Il fallait et il suffisait de...
Un ami cinéphile réagissait sur ce point : "D’après ce que j’ai lu c’est assez fidèle à la réalité (il refuse de peindre, dit qu’il à mal au coude, etc.), même le numéro où il joue l’avocat lui-même est apparemment fidèle (sometimes true is stranger than fiction) et j’ai trouvé ça très drôle et la salle a beaucoup rit (alors que le reste du film est plutôt dramatique), j’ai trouvé cette rupture de ton sympa."
Je ne partage pas cet avis. En effet, la rupture de ton, l’aspect comique (qui part d’une bonne intention probablement : décrédibiliser M. Keane et son insupportable faconde) vient se poser en porte-à-faux par rapport aux enjeux du film : non seulement l’usurpation de l’identité et des oeuvres de l’artiste, mais aussi la subordination de la femme par rapport à l’homme ainsi que l’ambiguïté de cette relation. Sans celle-ci il est probable qu’il n’y aurait jamais eu de notoriété ni d’oeuvres à montrer pour la postérité ! D’une certaine façon, le réalisateur "ouvre les yeux" des spectateurs sur cette réalité-là et j’aurais aimé qu’il garde ce fil conducteur plutôt que de le déforcer grâce à l’humour.
Ceci écrit, Burton nous offre un film largement au dessus du lot des productions américaines, film qui mérite donc plus qu’un "coup d’oeil" !