Genre : Horreur, thriller
Durée : 96’
Acteurs : Katie Douglas, Aaron Abrams, Carson MacCormac, Kevin Durand...
Synopsis :
Quinn et son père emménagent dans l’ennuyeuse petite ville de Kettle Springs. Il y règne une atmosphère étrange, surtout depuis la fermeture de l’usine locale. Les adultes souhaitent retrouver la prospérité d’autrefois et faire respecter les traditions. Les jeunes ne cherchent qu’à s’amuser. Un soir, un psychopathe déguisé en Frendo le clown, la mascotte de la ville, apparaît au cours d’une fête clandestine dans les champs de maïs, armé jusqu’aux dents. Quinn et ses nouveaux camarades de classe vont vite comprendre qu’il n’est pas venu pour rigoler...
La critique de Julien
Produit pour un budget d’un million de dollars, "Clown in a Cornfield" a créé la surprise aux États-Unis en offrant à l’indépendant IFC Entertainment Group son plus gros week-end d’ouverture. En quelques jours, il avait ainsi rapporté sept fois sa mise, ce qui est déjà beaucoup pour un film d’horreur aussi peu inspiré. Or, le feu de paille n’a pas duré : en à peine plus d’une semaine, le film a sombré dans les abysses du box-office, passant de 2 277 à seulement 250 salles lors de sa seconde semaine, avant d’être relégué un mois plus tard en sortie digitale sur Shudder ; plateforme appartenant au même distributeur. Pourtant, ce slasher clownesque, rempli de second degré et truffé de clins d’œil au genre, semblait taillé pour séduire les adolescents en mal de frissons. Mais son bouche-à-oreille désastreux a vite étouffé l’enthousiasme initial, bien loin de l’effet d’un grain de maïs éclatant sous la chaleur. Cependant, le résultat commercial reste à la fois modeste et rentable ; un pari remporté donc haut la main pour son distributeur, mais qui aurait tout aussi bien pu se limiter à une sortie en streaming. Réalisé par le discret Eli Craig, déjà derrière "Little Evil" (2017) sur Netflix, le projet confirme d’autant plus que le film a attiré la curiosité des distributeurs occidentaux, même s’il risque de perdre une partie de son jeune public dans son vaste labyrinthe de maïs mouillé...
Popcorn, sirop de maïs et bain de sang
L’affaire était déjà mal engagée dès la campagne promotionnelle francophone du film, la traduction du titre - "La Nuit des Clowns" - trahissant à elle seule l’une des surprises du film. Adapté du roman éponyme d’Adam Cesare (2020), déjà suivi de "Frendo Lives" (2022) et bientôt de "The Church of Frendo", le film s’adresse donc clairement aux adolescents. En effet, on y suit Quinn (Katie Douglas), une adolescente un brin rebelle qui, un an après la mort de sa mère par overdose, s’installe avec son père Glenn (Aaron Abrams) dans la petite ville de Kettle Springs, où celui-ci devient le nouveau "doc"/médecin. Jadis prospère grâce à l’usine de sirop de maïs Baypen, la ville décline depuis l’incendie volontaire qui l’a détruite, ternissant son image. Chaque année, ses habitants perpétuent pourtant la Fête des Fondateurs, mettant à l’honneur leur mascotte, Frendo le Clown. Mais alors que Quinn tente de s’intégrer auprès d’une bande de jeunes que le shérif (Will Sasso) observe d’un œil méfiant, une série de meurtres ciblés viendra frapper la jeunesse locale, tous signés par un mystérieux individu portant le masque de Frendo. Les vieilles rumeurs que Quinn aura à peine découvertes prendront alors une dimension bien plus terrifiante, que "La Nuit des Clowns" nous propose de découvrir, du popcorn (tiède) à la main...
Décapitation en demi-teinte
Si l’on pouvait s’attendre à un navet en bonne et due forme, force est de constater qu’il n’en est rien : Eli Craig parvient, avec son budget modeste, à livrer un film d’horreur qui ne semble jamais fauché. La mise en place de Kettle Springs et de son contexte s’avère réussie, révélant le fossé générationnel, les tensions sociales et le déclin du secteur manufacturier américain. Dommage que ce dernier propos soit vite encombré par une suite d’idées peu abouties, voire incohérentes, notamment en ce qui concerne les motivations de Frendo qui, si elles sont troublantes, ne tiennent aucunement la route. On croit néanmoins furtivement à cette petite ville déprimante, tandis que la psychologie de l’héroïne bénéficie d’un minimum de développement. Mais on ne peut pas en dire autant de ses irritables camarades connectés, réduits à de parfaites victimes idiotes pour un clown assoiffé de sang. "Quelle nuit déroutante…", peut-on entendre dire l’héroïne, au cours de cette fameuse nuit des clowns, témoin d’un baiser - prévisible - entre deux personnages (pour la dose woke obligatoire, mais bienvenue, surtout en pleine Amérique profonde). Sauf que pour le spectateur amateur de cinéma de genre, il n’en sera rien : Eli Craig ne parvient jamais à dépasser une certaine banalité dans son horreur, sans véritable climax une fois le point de bascule - à moitié surprenant - atteint. Une improbable dose d’humour noir situationnel tente alors de subvertir le genre (cf. le vieux téléphone à cadran), sans y parvenir sur la longueur, malgré un certain rythme d’exécution, contrebalançant d’autant plus avec l’horreur pure... Bref, si "Clown in a Cornfield" en a plus sous le masque qu’attendu, son manque de tension réelle et d’audace formelle ne justifie pas de dépenser autre chose qu’une soirée ciné DTV pluvieuse (et automnale !) entre amis, laquelle laissera en bouche ce goût sec et décevant d’un grain de popcorn à moitié éclaté, menaçant plus vos dents que vos nerfs.
