Genre : Comédie musicale, aventure, film familial
Durée : 106’
Acteurs : Rachel Zegler, Gal Gadot, Andrew Burnap, Ansu Kabia...
Synopsis :
"Blanche-Neige" des studios Disney est une nouvelle version du classique de 1937 en prises de vues réelles. Avec Rachel Zegler dans le rôle principal et Gal Gadot dans celui de sa belle-mère, la Méchante Reine. Cette aventure magique retourne aux sources du conte intemporel avec les adorables Timide, Prof, Simplet, Grincheux, Joyeux, Dormeur et Atchoum.
La critique de Julien
Disney poursuit le recyclage en prises de vues réelles de ses classiques d’animation. Après le semi-échec commercial de "La Petite Sirène" (Rob Marshall, 2023) et avant "Lilo et Stitch" attendu pour mai prochain, les studios aux grandes oreilles s’attaquent au personnage de Blanche-Neige, d’après leur premier long métrage d’animation "Blanche Neige et les Sept Nains" (David Hand, 1937), lui-même basé sur le conte éponyme (1812) des frères Grimm. Et autant dire que le film de Marc Webb n’est pas prêt à se faire que des amis, lui qui ressemble à une pomme empoisonnée, en plus d’avoir connu une production très compliquée...
(Pas toute) Blanche-Neige et les sept nains (en images de synthèse)
On ne peut pas dire que la production de ce remake fut un chemin de croix, mais plutôt un vrai cauchemar. Or, dès le choix de l’actrice pour incarner Blanche-Neige, les dés étaient tristement jetés. En effet, les origines latino-américaines de l’actrice principale Rachel Zegler pour incarner la célèbre héroïne du conte de fées ont été au cœur d’une controverse suite à sa couleur de peau, ne correspondant pas avec la (très) pâle Blanche-Neige. Les conservateurs ont dès lors crié à une énième version woke des studios Disney d’un de leurs grands classiques, tout comme l’Afro-caribéenne Halle Bailey avait subi les mêmes foudres suite à son rôle d’Ariel dans le précité "La Petite Sirène". La question raciale fut donc au centre de nombreuses discussions aux États-Unis, étant donné que les studios Disney souhaitaient également, au départ, engager des personnes atteintes de nanisme pour incarner ses sept nains. Sauf qu’ils se sont ravisés suite aux propos (2022) de l’acteur Peter Dinklage, pointant ainsi du doigt des stéréotypes véhiculés sur sa pathologie par Disney, alors que ces studios se veulent progressistes. Résultats, Prof, Grincheux, Simplet, Atchoum, Timide, Dormeur et Joyeux ont été transformés en "créatures magiques", en plus d’être réalisés en images de synthèse. Le film de Marc Webb a dès lors raccourci en ce sens son titre à "Blanche-Neige", histoire de ne vexer personne (d’autre). Et ce n’est pas tout, puisque le "sexisme" de l’œuvre originale, basée sur les mœurs désuètes (et européennes) des années 1930, fit également polémique. Son actrice Rachel Zegler, qu’on a pu voir dans "West Side Story" (Steven Spielberg, 2021) et "Hunger Games : la Ballade du Serpent et de l’Oiseau Chanteur" (Francis Lawrence, 2023), a d’ailleurs elle-même déclaré avoir "détesté" » le film de 1937, étant donné le personnage du Prince Charmant, semblable à "un harceleur", embrassant une jeune fille plongée dans un sommeil de mort éternel, et sans son consentement. Et ce n’est pas tout, puisque les prises de positions politiques de ses actrices, soutenant un camp différent dans le conflit israélo-palestinien, ont également fait couler beaucoup d’encre. Un appel au boycott avait donc été lancé, ce dont le film n’avait pas du tout besoin, étant donné un autre de ses soucis, soit son budget de production. Des retards provoqués par la Covid, par la grève SAG-AFTRA et par un incendie sur un plateau de tournage, sans oublier des reshoots et autres réécritures subis par le projet ont, en effet, eu raison de son futur échec commercial, lequel aurait ainsi coûté la bagatelle somme de 269 millions de dollars, tandis que The New York Times avance 350 millions de dollars, sans compter les frais de promotion. Bref, à ce tarif-là, il aurait peut-être mieux fallu ne pas se mettre au boulot !
Un jour Jonathan, mon pilleur, viendra...
Alors que la critique internationale n’y va pas de mainmorte quant à son avis sur ce remake, la question du pourquoi de celui-ci est pertinente, surtout au regard de l’œuvre originale. Certes loin d’être au goût du jour et même de notre époque, le film d’animation de David Hand perd ici toute sa consistance. Réécrit par la dramaturge, scénariste, professeure et auteure américaine Erin Cressida Wilson [1], bien qu’aidée dans sa tâche - sans être créditée - par Greta Gerwig, le "Blanche-Neige" de Marc Webb se révèle totalement inoffensif, et marche sans cesse sur des œufs. Sauf qu’il le fait de manière très naïve et maladroite, tout comme l’est cette version du personnage de Rachel Zegler, elle qui mort la première pomme que lui tend une "vieille dame inconnue", sous prétexte de la nourrir sur son chemin pour secourir Jonathan, un bandit au service du peuple ("qui a faim"), lui qui aurait été emprisonné par la belle-mère de Blanche-Neige. De prime abord, celle-ci n’attend donc pas de prince charmant, elle qui ne le chante d’ailleurs pas, puisque le titre phare "Un Jour mon Prince Viendra/Someday My Prince Will Come" ne figure pas dans la bande originale du film. Exit donc ici le "baiser d’un véritable amour", même si, au final, c’est bien ce dernier qui réveillera, d’un baiser amoureux (et donc consenti ?), la princesse. Dans le rôle-titre, Rachel Zegler peine alors à s’affirmer avec son joli minois, sa coupe de cheveux au carré et la robe, tous deux si caractéristiques du personnage. Pourtant, ses talents de chanteuse nous prouvent qu’elle mérite sa place. Cependant, on la sent bien seule dans son jeu d’actrice, face à des nains réalisés ici en capture de mouvements sur des acteurs non nains, elle qui n’a réellement de partenaire de jeu que le très lisse Andrew Burnap (Jonathan) et Gal Gadot. Celle-ci interprète alors sa vaniteuse et maléfique Méchante reine, courroucée et jalouse de la beauté de sa belle-fille, elle qui n’attend que sa mort pour être la plus belle du royaume. Mais jamais menaçante ni charismatique, Gal Gadot est ici plus reine que sorcière, son écriture restant d’autant plus en surface. "Blanche-Neige" ne se limite alors qu’à une réécriture sans personnalité ni prises de risques, à l’égard de toutes ses controverses. Et si l’on redécouvre quelques emblématiques scènes du dessin animé, c’est malheureusement au sein d’une exécution peu inspirée, et surtout bâclée. Étouffé par les polémiques, Marc Webb nous offre, certes, un spectacle plein de couleur et de féerie, mais ne parvient jamais à rendre grâce au classique duquel il s’inspire, ni à se justifier, outre ses propos sur le partage des ressources, et de l’importance de l’union, qui fait la force.
Miroir magique au mur, pourquoi n’ai-je pas beauté parfaite et pure ?
Si vous souhaitez voir le film, alors c’est en IMAX qu’il faut découvrir "Blanche-Neige", ne fût-ce que pour profiter au maximum de sa bande originale, agrémentée de nouvelles chansons écrites par le célèbre duo Pasek et Paul, lesquels avaient déjà écrit des chansons originales pour le remake d’Aladdin (2019) par Guy Ritchie, pour "Enzo le Croco" (Will Peck et Josh Gordon, 2022) de Sony Pictures, et surtout créé l’entièreté des textes de "The Greatest Showman" (Michael Gracey, 2018), et du chef-d’œuvre "La La Land" (Damian Chazelle, 2016). Ainsi, leur patte se ressent indéniablement sur l’entraînant "Good Things Grow" ou le touchant "Waiting On a Wish". Ces derniers ont d’ailleurs écrit en collaboration avec Lizzy McAlpine le titre "A Hand Meets a Hand", célébrant les papillons dans le ventre de Blanche-Neige et de Jonathan. Aussi, le film comprend trois des huit chansons du film original de Frank Churchill et Larry Morey, comme "Sifflez en travaillant/Whistle While You Work", et l’incontournable "Heigh-Ho", pour la meilleure scène du film. Et si le film pique visuellement aux yeux pour ses abus de fonds verts, ce sont justement les séquences musicales qui tirent leurs épingles du jeu. Mais c’est bien trop peu pour une relecture moderne qui fond comme neige au soleil...