Genre : Comédie dramatique
Durée : 102’
Acteurs : Leila Bekhti, Jonathan Cohen, Sylvie Vartan, Milo Machado Graner, Lionel Dray, Joséphine Japy, Jeanne Balibar, Anne Le Ny...
Synopsis :
En 1963, Esther met au monde Roland, petit dernier d’une famille nombreuse. Roland naît avec un pied-bot qui l’empêche de se tenir debout. Contre l’avis de tous, elle promet à son fils qu’il marchera comme les autres et qu’il aura une vie fabuleuse. Dès lors, Esther n’aura de cesse de tout mettre en œuvre pour tenir cette promesse. A travers des décennies d’épreuves et de miracles de la vie, ce film est le récit d’une histoire vraie, drôle et bouleversante, celle d’un destin incroyable et du plus grand amour qui soit : celui d’une mère pour son enfant.
La critique de Julien
"Ma Mère, Dieu et Sylvie Vartan", c’est l’adaptation du roman éponyme de Roland Perez paru en 2021 aux éditions Les Escales. Célèbre avocat et animateur de radio et de télévision française, ce dernier a alors raconté son incroyable histoire dans cette autobiographie, lui qui est né avec la malformation congénitale du pied-bot, ce qui l’a empêché de marcher les premières années de sa vie. Mais grâce à la détermination de sa mère, aux prières de cette dernière, et à la musique de Sylvie Vartan (!), le miracle a eu lieu. Arrivé entre les mains d’une productrice avant sa sortie, son manuscrit a vite vu ses droits rapidement être acquis, tandis que Gaumont s’est aussitôt intéressé au projet. C’est donc seulement trois ans après sa sortie que son adaptation débarque dans les salles, comme si la mère de Roland Perez avait finalement continué "de tirer les ficelles de là-haut". Et c’est au Festival du Film de Comédie de l’Alpe d’Huez que les producteurs de Gaumont ont invité le réalisateur et scénariste québécois Ken Scott ("Starbuck", 2011 et "L’Extraordinaire Voyage du fakir", 2018) à lire ce roman, lequel a eu le coup de foudre. Bref, les planètes se sont alignées, Ken Scott qui nous livre ici un mélodrame familial, intime et universel, raconté sur cinq décennies...
J’ai un (double) problème...
Au travers de son récit, Roland Perez a souhaité rendre hommage à toutes les mères du monde, ainsi qu’à souligner l’importance que peuvent avoir les artistes - à un moment donné - dans la vie d’individus. Et c’est bien évidemment ce que fait ici le film de Ken Scott, lequel lorgne entre le drame et la comédie. Divisé en deux parties, la première étant racontée sous forme de flash-back lors de l’écriture dudit livre et la seconde au "présent", "Ma Mère, Dieu et Sylvie Vartan" met en scène le double combat d’une mère (Leila Bekhti) pour libérer son fils (Jonathan Cohen) de son handicap, et celui d’un fils pour s’affranchir de cette mère, terriblement aimante, mais surtout très envahissante, du genre de celles qui prennent les décisions pour tout le monde. Comment dès lors faire comprendre à une telle mère, à qui l’on doit tout, qu’on a alors besoin d’espace, sans que la culpabilité nous envahisse à notre tour ? C’est là tout l’enjeu de ce film, entre amours inconditionnels et délicate émancipation...
Le plus beau pour aller... à l’école
Se déroulant à Paris, majoritairement dans les décors d’un appartement de HLM bigarré du 13ème arrondissement, dans une famille juive sépharade des années 1960 à 2010, "Ma mère, Dieu et Sylvie Vartan" se regarde comme une fresque dans laquelle le spectateur pourrait facilement se projeter, étant donné sa familiarité avec nos vies, dans le sens où les fondements de son intrigue résident dans la vie d’une famille, et une relation maternelle, à toute épreuve. Et c’est un bel exercice que de retrouver les amis à la ville Leila Bekhti et Jonathan Cohen dans la peau de ces personnages principaux. Touchant, tiraillé et à contre-emploi, Jonathan Cohen s’en sort à merveille dans son rôle, même si son physique ne colle pas toujours avec la timeline narrative de son personnage. En effet, on ne croît aucunement à Cohen dans la peau de Perez à 27 ans, alors qu’il en a 44. Et se raser ne sert à rien ! Heureusement, les maquillages sont plus subtils quand ils sont appliqués sur le protagoniste de Leila Bekhti. Celle-ci joue alors rôle fort de cette femme dévouée à ses enfants, frôlant parfois la déraison, niant la vérité, sans jamais avoir prononcé le mot "handicapé", et manipulant tout le monde, mais toujours "au service" de ceux-ci. En témoigne d’ailleurs les promesses et beaux discours qu’elle déblatéra avec force de conviction face aux services sociaux, représentés ici par Madame "la saleté" Fleury (Jeanne Balibar). En effet, elle refusait que son fils aille à l’école s’il était incapable d’y aller seul, à pied, attendant ainsi qu’un miracle se produise, à force de prières. Pour le même prix, Roland aurait donc très bien pu être séparé de ses parents, et appareillé à vie. Sauf que les prières de sa mère furent entendues, Roland Perez ayant subi un révolutionnaire traitement, alors long de dix-huit mois, alité. Et c’est à ce moment-là que Sylvie Vartan est "entrée en piste". Après tout, il fallait bien pour Roland s’occuper, et être éduqué, au risque d’être donc séparé des siens. Aidé par ses cinq frères et sœurs dans la tâche, c’est alors les yeux rivés sur ceux de Sylvie Vartan (alors au sommet de sa gloire) et ses textes qu’il a appris à lire et à écrire. Autrement dit, la chanteuse a fait entièrement partie du traitement de Roland Perez, laquelle l’a indirectement accompagné durant sa guérison, tandis que toute sa famille connaissait ses chansons par cœur à force de les entendre. Mais leur histoire ne s’est pas arrêtée là...
Liaison fatale ?
Quel incroyable parcours qu’est celui de Roland Perez, diplômé en droits, devenu avocat d’acteurs, d’animateurs et de producteurs, puis comédien, ou encore animateur de programmes télévisuels et radiophoniques. Désormais amis de longue date avec Sylvie Vartan, la vie a donc fait que ces deux-là se rencontrent, Perez ayant d’ailleurs été son avocat. Sauf que Sylvie Vartan ne savait encore rien de son histoire à ce moment-là, ni du rôle qu’elle avait jouée dans sa vie, Roland Perez étant tétanisé à l’idée que son idole croit qu’il avait tout manigancé pour l’approcher, alors que c’est finalement une interview qui l’a mené à elle, et au travers de laquelle Sylvie Vartan apparaît d’ailleurs rajeunie ... D’ailleurs, jusqu’à la mort de sa mère, Roland Perez n’avait jamais parlé ouvertement de son handicap, si ce n’est à son amie Sophie Davant (Ariane Massenet), lui qui a ainsi, avec son roman, "eu envie de raconter cette histoire pour lui rendre hommage, ainsi qu’à toutes les mères invisibles qui se battent pour leur enfant". En ce sens, le film de Ken Scott parvient à illustrer cette volonté, malgré quelques fulgurances, et limites. Pas facile, en effet, de raconter près d’un demi-siècle de vie en un peu plus de nonante minutes, le scénario du cinéaste effleurant souvent les autres sujets qu’il aborde, tel que la relation paternelle de Roland Perez, ou le drame amoureux qu’il a vécu. Parfois, le montage du film donne d’ailleurs l’impression de combler l’écart entre ses lignes directrices, et cela de manière maladroite, et dès lors frustrante. Qu’à cela en tienne, "Ma mère, Dieu et Sylvie Vartan" est un joli et très plaisant film à suivre, lequel ressemble à la vie, avec ses bonheurs, malheurs et combats quotidiens, et surtout les amours et rencontres qui la jalonnent. Un film dédié à toutes les mères, et à toutes celles qui nous inspirent.