Genre : Thriller, science-fiction
Durée : 97’
Acteurs : Sophie Thatcher, Jack Quaid, Lukas Gage, Rupert Friend, Megan Suri, Harvey Guillén...
Synopsis :
Le week-end d’un couple en escapade avec des amis dans une cabane isolée dégénère en chaos à la suite d’une révélation à l’égard d’une invitée...
La critique (sans spoilers) de Julien
Coproduit par Zach Cregger, le réalisateur et scénariste remarqué pour "Barbarian" (2022), "Companion" est le premier film écrit et réalisé par Drew Hancock, ayant jusque-là travaillé pour des séries, dont "My Dead Ex" (2018), qu’il a cocréée. Tandis qu’il vient d’être engagé pour écrire un remake du film culte "The Faculty" (Robert Rodriguez, 1998), le cinéaste nous offre ici un surprenant thriller horrifique teinté de science-fiction et d’humour noir, pour autant qu’on se préserve de toute sa promotion. En effet, "Companion" fait partie de ces films dont il vaut mieux ne rien savoir (sur leur intrigue) afin de se laisser pleinement surprendre, et dès lors de les apprécier pour tout ce qu’ils ont à nous offrir. Or, le studio de production - New Line Cinema - et de distribution - Warner Bros. Pictures - ont décidé de vendre la mèche dès la promotion de leur film, en témoignent son synopsis (que nous avons volontairement modifié ci-dessous) et sa bande-annonce, qui en montre - pour le coup - beaucoup trop. On vous déconseillera, dès lors, de la regarder. Qu’à cela ne tienne, pas besoin de révéler les tenants et aboutissants de "Companion" pour vous dire tout le bien qu’on en pense (sans donc spoiler).
Porté par l’acteur Jack Quaid (fils de Meg Ryan et Dennis Quaid), ayant explosé depuis la série Prime Video "The Boys" (lequel on retrouvera en mars prochain dans le film "Novocaine" de Dan Berk et Robert Olsen), ainsi que par l’actrice Sophie Tatcher, vue récemment dans "Le Croque-Mitaine" (Rob Savage, 2023) et "Heretic" (Scott Beck et Bryan Woods, 2024), "Companion" met d’emblée en scène le coup de foudre entre Iris, une jeune femme peu sûre d’elle et incapable de mentir, et Josh, dans une épicerie, racontant qu’elle se souvient particulièrement de ce jour où elle l’a rencontré, ainsi que de celui où elle l’a tué (!). On les retrouvera ensuite sur le chemin d’un week-end entre amis, dans une maison isolée au bord d’un lac, appartenant à un richissime propriétaire russe avec qui ils ont sympathisé. Mais Iris appréhende de retrouver les amis de Josh, elle qui, très renfermée, se sent jugée et terriblement remplaçable. Comme si elle avait anticipé la chose, tout ne se passera pas comme prévu, elle qui essayait justement de faire bonne figure, et d’être la petite copine modèle...
Distillant de malins indices dès ses prémisses avant de révéler assez rapidement son principal twist à l’issue de son premier acte, Drew Hancock semble alors s’amuser avec l’écriture de son film, lequel s’avère être un divertissement aussi quantitatif que qualitatif. Car le cinéaste embarque assez rapidement ici le spectateur dans une succession de péripéties à nombreux rebondissements, découlant, justement, des conséquences d’une douloureuse révélation pour qui la concerne, emportant dès lors avec elle notre empathie. Si on ne s’y attendait dès lors pas, le film éclabousse avec un certes aplomb la bluette domestique et amoureuse préalablement préinstallée, et cela de manière aussi impitoyable, toxique que réjouissante. "Companion" débouchonne dès lors au tire-bouchon électrique tout ce qui a de plus abominable dans les rapports de force subordonnés au sein du couple, dans l’avidité et les dynamiques de pouvoir, ou encore dans l’exploitation technologique dans tout ce qu’elle a de plus nuisible dans son utilisation, loin de toute éthique. Le fil aborde plus étroitement la question de la dépendance affective ou encore de la quête d’autonomie, ici par le biais de cette jeune femme qui se retrouvera malmenée par sa condition, ce qui permet notamment au film un sous-texte à la fois social et conjugal, faisant état de la soumission, de l’irrespect et la conformité au sein de relations amoureuses, et de l’émancipation et de la quête d’indépendance qu’ils appellent...
Si le film augmente ainsi son échelle d’intelligence en cours de route malgré quelques facilités et la rapidité de son exécution, sa féroce efficacité réside aussi dans son parfait équilibre entre les genres, lequel, lorsqu’il ne met pas ses personnages dans une situation embarrassante et, dès lors, cocasse, emprunte des codes gores du cinéma horrifique à bon escient, tandis que la science-fiction se marie ici parfaitement à l’ensemble. Mais on n’en dira rien, histoire de ne pas gâcher le plaisir ressenti lorsqu’on a ouvert les yeux. Dans son style, le film de Drew Hancock nous a d’ailleurs curieusement fait penser - à son avantage - à "Wedding Nightmare" (Tyler Gillett et Matt Bettinelli-Olpin, 2019 - dont une suite est en préparation), soignant également son esthétique rose-bonbon, alors entachée de sang (sur les mains). Et quand on vous dit que son metteur en scène semble s’être particulièrement amusé avec son film, force est de constater que celui-ci a pensé son intrigue comme foisonnante de détails jamais laissés au hasard, et parsemée de scènes hallucinatoires générant autant l’effroi que l’euphorie. Sans révolutionner, "Companion" se regarde dès lors comme un thriller rusé bien plus profond qu’il n’y paraît, faisant d’ores et déjà partie des petits plaisirs cinématographiques de l’année.