Genre : Drame
Durée : 107’
Acteurs : Tilda Swinton, Julianne Moore, John Turturro, Alessandro Nivola, Juan Diego Botto, Raùl Arévalo...
Synopsis :
Ingrid et Martha, amies de longue date, ont débuté leur carrière au sein du même magazine. Lorsqu’Ingrid devient romancière à succès et Martha, reporter de guerre, leurs chemins se séparent. Mais des années plus tard, leurs routes se recroisent dans des circonstances troublantes...
La critique de Julien
"The Room Next Door", c’est le premier film tourné en langue anglaise par Pedro Almodóvar, lequel est basé sur le roman "What Are You Going Through" (2020) de Sigrid Nunez. Traitant du sujet tabou du suicide assisté, le cinéaste reçu pour ce film le prestigieux Lion d’or à la dernière Mostra de Venise, soit à la fois une première pour un film espagnol et pour un film d’Almodovar qui, s’il avait déjà été récompensé aux Oscar du cinéma pour "Tout sur ma Mère" (meilleur film en langue étrangère, 1999) et "Parle avec elle" (meilleur scénario original, 2003), n’avait jamais encore remporté le prix suprême dans un grand festival. "La Chambre d’à Côté" (pour son titre francophone) raconte alors l’histoire de retrouvailles entre deux amies qui s’étaient perdues de vue, tout en ayant travaillées dans le passé pour le même magasine. Il y a, d’une part, Ingrid (Julianne Moore), autrice de romans angoissée par la mort et, d’autre part, Martha (Tilda Swinton), une ancienne reporter de guerre quant à elle habituée à défier la mort, et s’apprêtant à affronter une autre guerre, elle qui est atteinte d’un cancer. Bien que recevant un nouveau traitement, ce dernier se révèlera incurable, tandis qu’elle décidera de mettre fin à ses jours via l’achat de pilules d’euthanasie sur le Dark Web. Entretenant une relation compliquée avec sa propre fille (pour qui elle est une parfaite inconnue), Martha demandera dès lors de l’assistance à son amie pour l’accompagner "dans la chambre d’à côté"...
Fervent défenseur de bien des causes, dont celle du suicide assisté, Pedro Almodóvar avait notamment déclaré, lors de la réception de son prix à Venise, le "droit fondamental" que représente pour lui ce choix, pour tous les humains, lesquels sont, d’après lui, libres de vivre et de mourir lorsque la vie leur est insupportable". Un message que porte dès lors son film, alors que son metteur en scène n’en est pas à son premier scénario adapté. Or, malgré le poids de celui-ci, l’extravagant cinéaste y apporte son style, faisant d’ailleurs une nouvelle fois ici confiance à ses fidèles collaborateurs, notamment pour le montage avec Teresa Font, ou la musique avec Alberto Iglesias. Mais en plus de réaliser ici son premier métrage anglophone, Pedro Almodóvar s’est entouré du directeur de la photographie Eduard Grau, collaborant dès lors avec lui pour la première fois, et prenant ainsi la place de José Luis Alcaine. Pour autant, Grau parvient à donner corps et vie au langage cinématographique almodovarien, au travers duquel on reconnaît, au détour d’une toile, d’un fauteuil, d’un pull ou d’une coupe de fruits, la palette colorimétrique chère au réalisateur, de même que dans cette somptueuse maison de campagne, dans laquelle Martha a décidé de se retirer de la vie lorsqu’elle l’aura, elle, décidée. Que dire alors de la beauté naturelle de ses actrices et de leur jeu, portant, d’autant plus, la beauté et l’esthétisme du cinéma d’Almodóvar ? Sans doute pas grand-chose, tant elles cristallisent l’image et les enjeux de ce drame très particulier...
Si la patte d’Almodóvar illumine dès lors "The Room Next Door", la chaleur apportée au récit vient pourtant contrebalancer le froid du corps qui s’y meure, autour du sujet sensible et controversé de l’euthanasie, elle qui, en Europe, "constitue (...) une importante question de société. Avec des lois très variées, allant d’une autorisation totale à sa criminalisation en toute circonstance" (Source : "Quels pays autorisent l’euthanasie en Europe ?", www.touteleurope.eu, consulté le 31/01/25). Sans s’en rendre compte, Almodóvar s’éloigne alors quelque peu de la force émotionnelle qu’aurait pu entraîner son sujet. De plus, sa mise en scène, très bavarde, s’étire dans les méandres psychologiques de ses personnages, qui plus est socialement favorisés. Et ces dédales - dont la relation mère/fille - prennent alors le dessus sur la souffrance physique que dénonce Almodóvar, tout comme le fait indirectement l’ampleur visuelle du film. Et lorsque la lumière au bout du tunnel pointe alors ici le bout de son nez, celle-ci apparait de manière trop abrupte, voire égoïste pour toucher, loin de l’idée qu’on s’était finalement faite de l’assistance au suicide, tandis que l’issue de l’intrigue vire du côté de l’enquête policière, et soulève (enfin) la question qui fâche, sans pour autant aboutir... Dommage.