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Michael Gracey
Better Man
Sortie du film le 22 janvier 2025
Article mis en ligne le 26 janvier 2025

par Julien Brnl

Genre : Biopic, film musical

Durée : 131’

Acteurs : Robbie Williams, Damon Herriman, Alison Steadman, Steve Pemberton, Kate Mulvany, Anthony Hayes...

Synopsis :
L’ascension du célèbre chanteur/compositeur britannique Robbie Williams, de ses premiers succès avec le groupe « Take That » aux bons et moins bons moments de sa carrière solo en passant par ses problèmes personnels d’addiction aux drogues.

La critique de Julien

Voilà déjà sept ans que le réalisateur australien Michael Gracey avait connu un énorme succès (à retardement) dans le monde avec "The Greatest Showman", soit une extravagante comédie musicale mettant en scène Hugh Jackman dans la peau de Phineas Taylor Barnum, alias P.T. Barnum, le créateur (controversé) du cirque Barnum, tout en étant accompagné à l’écran d’un excellent casting, dont Zendaya, Michelle Williams, Rebecca Ferguson, Zac Efron ou encore Keala Settle. Fort d’un fantastique bouche-à-oreille, le film avait également profité de sa bande originale, signée Benj Pasek et Justin Paul, laquelle avait rencontré un succès d’autant plus grand que celui du film [1], et caracolée en tête des meilleures ventes d’albums dans le monde en 2018, comptabilisant aujourd’hui plus de 7,5 millions d’unités vendues, battant d’ailleurs des records au Royaume-Uni, puisqu’elle est devenue là-bas la bande originale restée numéro 1 le plus longtemps depuis 50 ans. Bref, un phénomène (qu’on écoute encore) ! Bien qu’il ait mis en scène le documentaire musical pour Amazon Prime Video "Pink : All I Know So Far" (2021), c’était donc au tournant qu’on attendait la nouvelle réalisation du cinéaste Michael Gracey, lequel a donc un certain goût prononcé pour la comédie musicale, et surtout le sens de la mise en scène. Or, qu’elle ne fut pas notre grande surprise d’apprendre qu’il allait s’attaquer à un biopic sur l’artiste britannique Robbie Williams ! Et celle-ci le fut d’autant plus lorsqu’on apprit qu’il serait joué par... un signe anthropomorphe ! Oui, vous allez bien lu ! Nommé aux Oscar dans la catégorie des meilleurs effets visuels, "Better Man" débarque alors sur scène et défonce tout sur son passage, tout comme son sujet principal a déjà pu le faire par le passé...

Généré par effets spéciaux numériques via la capture de mouvements, ledit singe n’est - qu’on se le dise - pas joué par Robbie Williams lui-même, mais bien par l’acteur Jonno Davies, bien que le chanteur raconte, en voix-off, son parcours, pour le moins compliqué. C’est donc sous des airs audacieusement simiesques que l’on découvre l’histoire de Robbie Williams, lequel s’est toujours défini comme un personnage peu évolué, d’où l’idée assez originale, et risquée, d’apparaître, non pas sous les traits d’un acteur qui lui ressemblerait, mais bien sous ceux d’un singe, faisant souvent la grimace. Et ce biopic est d’autant plus risqué qu’il s’agit là d’un blockbuster indépendant, produit pour pas moins de 110 millions de dollars. Or, quand on connait l’impopularité du chanteur aux États-Unis, on comprend que les majors aient refusé de porter le projet, alors que Robbie Williams n’a, de plus, plus connu de succès commercial d’envergure (du genre de ceux dont on se souvient des titres exploités en radio) depuis - osons le dire - l’album "Intensive Care" (2005), malgré les demi-succès de "Rudebox" (2006), "Reality Killed the Video Star" (2009), de "Take the Crown" (2012) ou de "Swings Both Ways" (2013), sans compter sur la sortie de compilations diverses. Mais force est de constater que même en Grande-Bretagne, le public ne voulait pas de ce biopic, lequel n’a débuté qu’à la cinquième place du box-office lors de sa sortie, n’y comptabilisant actuellement qu’un peu plus de 7 millions de dollars de recette. Pire, aux États-Unis, le film vient de quitter l’affiche après - à peine - cinq semaines d’exploitation, dont seulement deux en "wide", soit sur une large combinaison de salles (1291 tout au plus, contre souvent plus de 4000 pour les plus grosses productions américaines), tout en n’engendrant que 1,98 million de dollars de recette sur le territoire américain. Autrement dit, "Better Man" s’apprête donc à signer l’un des plus gros échecs commerciaux de l’Histoire du cinéma. Alors certes, on reconnait que le parti-pris visuel fut imprudent, et peut déconcerter, refroidir ou même faire fuir, mais ni le film de Michael Gracey ni Robbie Williams ne méritent ce four astronomique. Et on vous explique pourquoi il faut aller voir "Better Man", et se faire son propre avis...

Singeant la pochette officielle de son premier album studio "Life thru a Lens" paru en septembre 1997, soit deux ans après que Robbie Williams ait quitté le groupe Take That (alors en pleine gloire), tout en étant passé également par une cure de désintoxication, "Better Man" tire, lui, son titre de la chanson du même nom extrait de l’album "Sing When You’re Winning" (2000), et revient ainsi sur les succès et déboires personnels de l’artiste. Or, si ce biopic devait ressembler dans l’âme à un autre, c’est bien à "Rocketman" (Dexter Flechter, 2019), consacré à Sir Elton John. Sauf que Robbie n’est pas son ami Sir Elton John, et n’a pas non plus hérité de sa carrière, mais bien de ses conseils (notamment lorsqu’il consommait déjà de la drogue résultant de la dépression qu’il vivait au sein de Take That). Le film suit alors le déroulé de la vie accélérée de l’artiste, débutant par son enfance passée dans la ville industrielle de Stoke-on-Trent (où il a vécu diverses humiliations). L’intrigue nous présente ensuite sa relation fusionnelle avec sa grand-mère Betty (Alison Steadman) laquelle croyait en lui, au contraire de son père, Peter Williams/Conway (Steve Pemberton), lui qui, après le divorce avec sa mère (non mentionné dans le film), s’est éloigné de son fils pour se tourner vers une carrière de comédien stand-up et de chanteur. Bien qu’il l’ait initié au monde du spectacle, étant fan de grands artistes tel que Sinatra, son père avait pourtant tendance à rabaisser son fils et à lui faire comprendre qu’il ne pourrait avoir la carrière de ses idoles. Mais avec, d’une part, son sens du spectacle, son humour et, d’autre part, sa persévérance et sa confiance effrontée, Robbie Williams a su saisir les opportunités qui s’offraient à lui, tout en souffrant de l’absence de son père et de son influence sur lui, elle qui se répercutera tout au long de sa vie sous diverse forme, dont la maladie mentale, le manque d’estime de soi (très métaphorisée dans le film), la dépression, bien que la léthargie causée par de l’andropause dont il souffre puisse aussi causer ses troubles.

C’est par le biais d’un casting qu’il intégrera ainsi le groupe Take That produit par Nigel Martin-Smith, avec lequel l’ambiance n’était pas au beau fixe, et avec qui Robbie essuiera des problèmes en justice (ignorés dans le film) suite à sa consommation d’alcool et de cocaïne, mettant en danger le groupe ; Robbie n’y trouvant pas sa place. On adore d’ailleurs ici les petits commentaires piquants et plein d’ironie du chanteur à l’égard de ses partenaires de groupe, dont au leader, Gary Barlow, lequel écrivait majoritairement les chansons du groupe, et touchait donc la plus grande part du gâteau. Puis Robbie s’est lancé en solo grâce à sa rencontre avec le producteur Guy Chambers, auquel Robbie doit certain de ses plus grands succès, tels que "Angels" (1997) ou "Feel" (2002), tandis qu’il rencontrera Nicole Appleton, chanteuse du groupe pop All Saints, elle qui avortera de leur enfant pour le bien de sa carrière, suite aux pressions de son label. Tandis qu’il en rêvait depuis tout jeune, le film, tel "Bohemian Rhapsody" (Bryan Singer, 2018), se termine alors par un concert, Williams performant au festival de Knebworth, devant 125 000 spectateurs (il y a même joué trois soirs d’affilée, soit du 1er au 3 août 2003). Mais s’il est un biopic plutôt classique dans ce qu’il raconte, au contraire de sa manière de le faire, "Better Man" est surtout une lettre ouverte de rédemption d’un homme à toutes les personnes à qui il a pu faire du mal, ou avec qui il a pu mal agir...

Robbie n’est pas tendre avec lui-même, et assume tout ce qu’on peut lui reprocher, dont sa personnalité, qu’il considère comme infâme, du fait notamment de son alcoolisme et de sa toxicomanie tout au long de sa vie. Et c’est tout ce que nous montre Michael Gracey dans son film, commenté par l’artiste lui-même. Sa mise en scène épouse d’ailleurs la frénésie dans laquelle a plongé le chanteur au début de sa carrière, représentée ici au travers de séquences très chargées ne cachant rien à la chose. Malheureusement, outre un message dans le générique de fin invitant les personnes souffrant de dépression à ne pas rester seules, "Better Man" reste en surface des addictions de l’artiste, sans citer frontalement leurs noms. Tout est donc ici suggéré par l’image en matière de conséquences des excès sur sa vie, et sur celles de ses quelques proches. Aussi, le montage effréné du film ne permet pas de s’attarder sur ses différents passages de vie significatifs. Difficile, en effet, de résumer une belle partie de la carrière d’un artiste sur un peu plus de deux heures, même si "Better Man" ne brasse, au regard de l’intrigue, que la période de temps allait de l’enfance de l’artiste audit concert de 2003. Et s’il n’y avait sans doute qu’un metteur en scène pour l’adapter, c’est bien Michael Gracey, et son exubérance débordante. Car on le sent ici une nouvelle fois passionné de musique, et ressentir le besoin de faire transpirer les corps au travers de celle-ci. Le faux plan-séquence tourné à Regent Street sur le titre "Rock Dj" en est d’ailleurs le meilleur témoin du film. Ainsi, le réalisateur parvient à faire vivre certains des plus grands titres de la carrière de Robbie Williams au sein de son histoire, et de manière anachronique (par exemple, le titre "Feel" (2002) est entendu au début du film, soit durant l’enfance du chanteur). Cela est, une fois de plus, un intéressant parti-pris venant contrebalancer avec le biopic classique, ce qui appuie donc, par la même occasion, l’émotion de la narration. Dommage seulement qu’une toute petite dizaine de ses titres soient ici entendus (et réenregistrés pour les besoins du film avec certaines paroles ajustées), ce qui reste très peu, et dès lors frustrant pour une discographie... Aussi, si on avait pu penser que Michael Gracey, avec un énorme budget de production, aurait pu faire des merveilles, force est de constater que son film se retrouver littéralement noyé par ses ambitions...

Si les effets numériques en capture de mouvements autour du personnage principal sont réussis, mais n’impressionnent aucunement comparativement à ceux du récent "La Planète des Singes : le Nouveau Royaume" (Wes Ball, 2024), Michael Gracey ne parvient que très rarement à nuancer et mesurer ses idées de mise en scène. Autrement dit, le cinéaste en fait de trop, tandis qu’il préfère manifestement les CGI aux décors naturels. Et ceux-ci sont beaucoup trop nombreux, tandis que la sombre et peu nette photographie d’Erik A. Wilson n’est pas des plus sensationnelles, les nombreux fonds verts gâchant la beauté de l’instant. "Better Man" se vit dès lors à deux-cents pourcents, au regard de la vie tumultueuse de l’artiste, de ses dépendances et démons quotidiens, sans prendre le temps pour l’introspection, si ce n’est dans sa dernière partie, en net décallage. Mais c’est bien celle-ci qui est la plus réussie, soit celle où Michael Gracey ralentit le rythme (magnifique séquence sur "Angels"), calme le jeu et que Robbie Williams débute son salut, et entreprend ainsi sa réconciliation avec lui-même, faisant notamment de ses différentes versions antagonistes de lui-même - qu’il peut voir dans la foule ou le public lors de concert - de nouvelles sources d’inspirations, tandis qu’il demandera pardon aux siens. Et c’est sans doute là le plus beau geste de ce biopic, soit pour l’artiste de passer par une autre forme d’art - qu’est le cinéma - pour guérir des plaies, l’artiste, et son irrévérence narcissique qu’on lui connaît (et qu’il assume en tant que "plus grand performeur"), réaffirmant, au passage, son envie d’inspirer et de divertir. Et c’est là tout à son honneur, même si le bide monstrueux du film risque, malheureusement, de faire l’effet inverse, et de faire mal à son égo. Heureusement, la sortie de "Better Man" a permis de le réinstaller confortablement une quinzième fois sur la première marge des meilleures ventes d’albums au Royaume-Uni avec la bande originale du film, ce qui lui permet d’égaler les Beatles, preuve que sa musique n’est pas près de quitter nos oreilles, le film nous d’ailleurs donnant l’irrésistible envie de réécouter sa discographie. Et c’est là finalement l’essentiel pour tout artiste, dont Robbie Williams, lui qui, s’il a déjà interprété "My Way" (adapté du titre composé par le français Jacques Revaux), va pouvoir poursuivre le sien, avec le soutien de ses fans, lequel n’a, selon lui, avec toute humilité, "jamais été acquis". Deviendrait-il un homme meilleur ?



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