Genre : Thriller, drame
Durée : 109’
Acteurs : Nicole Kidman, Antonio Banderas, Harris Dickinson, Sophie Wilde, Jean Reno, John Cenatiempo...
Synopsis :
Romy est une brillante femme d’affaires, a un mari aimant et deux filles qu’elle adore. Mais cette existence bien ordonnée vole en éclats avec l’arrivée de Samuel, un stagiaire aussi séduisant qu’insolent. Alors qu’elle cède peu à peu à son charme, Romy en découvre de plus en plus sur elle-même et sur ses désirs intimes. Mais jusqu’où est-elle prête à perdre le contrôle ?
La critique de Julien
Présenté en compétition à la dernière Mostra de Venise où Nicole Kidman a reçu la Coupe Volpi de la meilleure actrice, "Babygirl" est le troisième métrage de l’actrice, réalisatrice et scénariste néerlandaise Halina Reijn, et le premier de ses films à sortir dans nos salles, son précédent métrage et film d’horreur satirique "Bodies Bodies Bodies" (2022) étant pourtant sorti aux États-Unis, où il a remporté plus de quatre fois la mise de son maigre budget de production (soit trois millions de dollars). De quoi rassurer ainsi les investisseurs et lui ouvrir les portes d’Hollywood, bien que Halina Reijn coproduise "Babygirl" avec sa société de production Man Up Films, avec l’aide, notamment, des studios A24, comme ce fut déjà le cas pour son précédent film. Dans ce thriller érotique, l’actrice australienne Nicole Kidman se déshabille donc, face à Harris Dickinson, pour un dangereux jeu de domination sexuelle. Elle y incarne alors une PDG d’entreprise de technologie new-yorkaise et, lui, un stagiaire dont elle s’occupera du mentorat. Sexuellement insatisfaite avec son mari metteur en scène de théâtre (Antonio Banderas), lesquels sont parents de deux adolescentes, Romy cédera alors (facilement) aux suggestions et propositions (indécentes) du jeune homme (de 30 ans son cadet), à l’assurance déstabilisante, réalisant ainsi ses fantasmes et désirs sadomasochistes (très) refoulés, elle qui simule lorsqu’elle fait l’amour avec son mari. Or, si elle a beau avoir le pouvoir hiérarchique et dicter les règles au sein de son entreprise, c’est bien son partenaire mâle dominant qui possédera le pouvoir, au sein de leur relation. En effet, il ne lui suffirait que d’un coup de fil pour anéantir la carrière et la famille de sa patronne...
Inspirée par le cinéma de Paul Verhoeven et d’Adrian Lyne, Halina Reijn questionne la part de désir tabou qui pourrait sommeiller en chacun de nous, et en l’occurrence, ici, chez une femme. Mais est-ce que cela fait pour autant d’elle un monstre ? La cinéaste complexifie d’autant plus le portrait de son anti-héroïne, faisant alors d’elle une femme s’étant projetée dans une carrière d’hommes, soit une femme forte, respectée et intimidante, mais avec des désirs contradictoires, comme le fait, par exemple, d’aimer se faire humilier pendant le rapport sexuel. "Babygirl" joue alors avec le feu et la soumission inversée, confrontant ce qui n’était au départ qu’un jeu sexuel à la question tendancieuse du consentement. Et si, du fait de son pouvoir, Romy avait ainsi profité de son stagiaire pour assouvir ses envies ? Et si celui-ci défendait cet argument pour faire tomber celle qu’il a mise à quatre pattes devant lui, lequel semble d’ailleurs très fort pour dompter les chiens ? Finalement, tout peut aller très vite dans les sociétés actuelles post-#MeToo, et n’importe qui peut ainsi tomber de son piédestal en moins de temps qu’il ne faut pour le dire...
À 57 ans, Nicole Kidman se met donc à nu, ose laper du lait dans une coupelle, et surtout se regarder dans le miroir, laquelle joue d’ailleurs ici de sa somptueuse silhouette élancée, elle dont le visage a été remodelé par le botox et la chirurgie, son personnage se refaisant d’ailleurs ici une petite beauté face caméra. Et autant dire que l’actrice est ici de tous les plans, et semble faire entièrement confiance en celle qui la dirige, ainsi qu’en ses partenaires de jeu. Aidé par une coordinatrice de l’intimité, le couple formé par l’actrice et Harris Dickinson (vu l’année dernière dans "The Iron Claw" de Sean Durkin ou "Scrapper" de Charlotte Regan) ne se refuse dès lors rien, même si l’ensemble des scènes de sexe reste plutôt subjectif, et finalement très sage, tout comme l’est, dans l’ensemble, ce métrage. D’ailleurs, "Babygirl" n’a pas grand-chose de sulfureux en lui, et encore moins de féministe, mais plutôt de coquin, voire de libérateur, à mesure que son personnage principal parvient enfin à jouir avec un partenaire, plutôt que seule, sur la moquette... Dommage que la mise en scène de Halina Reijn, froide et calculée, ne perde jamais, à son tour, le contrôle, parallèlement à l’univers des entreprises technologiques et bureaucratiques dans lequel elle nous plonge, sans trop l’égratigner...