Genre : Drame
Durée : 117’
Acteurs : Camille Cottin, Sara Forestier, India Hair, Damien Bonnard, Grégoire Ludig, Vincent Macaigne, Eric Caravaca...
Synopsis :
Joan n’est plus amoureuse de Victor et souffre de se sentir malhonnête avec lui. Alice, sa meilleure amie, la rassure : elle-même n’éprouve aucune passion pour Eric et pourtant leur couple se porte à merveille ! Elle ignore qu’il a une liaison avec Rebecca, leur amie commune... Quand Joan décide finalement de quitter Victor et que celui-ci disparaît, la vie des trois amies et leurs histoires s’en trouvent bouleversées.
La critique de Julien
Emmanuel Mouret, ce poète des mots, et de l’amour. Présenté en compétition à la Mostra de Venise 2024, "Trois amies" nous offre une nouvelle variation de ses thèmes de prédilection dans son cinéma, lequel nous régale d’une comédie dramatique où le hasard transitent au sein d’existences, représentées par trois amies très complices, ayant des visions de l’amour différentes. Il y a d’une part Joan (India Hair) qui, malgré le respect et l’affection qu’elle éprouve pour son mari (Vincent Macaigne), n’en est plus amoureuse, elle qui ne peut dès lors plus faire semblant. À l’inverse, son amie Alice (Camille Cottin), elle, vit en couple avec Éric (Grégoire Ludig), sans vivre une histoire passionnée avec ce dernier, tout en étant installée dans une routine sécurisante. Deux conceptions de l’amour qui s’opposent, donc, soit l’une où l’honnêteté est une vertu se hissant au-dessus de tout, et l’autre où le couple ne peut être un lieu de souffrance. Quant à Rebecca (Sara Forestier), vivant à la fois dans l’inconfort professionnel et amoureux, elle cherche justement une stabilité, laquelle a une liaison secrète avec le mari d’Alice. Comédie dramatique, "Trois Amies" songe dès lors les tonalités des relations amoureuses et le ressenti des choses de la vie de ces trois femmes, lesquelles vont voir leurs sentiments respectifs chamboulés par un drame commun...
Rythmé, d’une part, par les va-et-vient et rencontres entre ses personnages dans différents lieux, ainsi que par la bande originale classique de Benjamin Esdraffo épousant la variété de ses thèmes, "Trois Amies" est d’emblée raconté par la voix-off d’un narrateur, Victor (Vincent Macaigne), laquelle nous emmène dans le passé, avant de revenir dans le présent, tandis que l’intrigue, elle, s’étend finalement sur plus de deux années, alternant entre périodes aussi bien condensées que dilatées, en fonction des évènements. Le film, aussi bavard, sentimental et mélodramatique soit-il, se permet pourtant une parenthèse onirique où se confondent la vie et la mort, le rêve et la réalité. Aidé à l’écriture par la scénariste Carmen Leroi, Emmanuel Mouret, fidèle à lui-même, nous offre alors une balade au sein d’une amitié complexe et imparfaite, mais solide et sans ressentiment. C’est dès lors là un parti-pris, étant donné que ces femmes se mentent (et se trahissent), sans pour autant ne jamais s’en vouloir, ou tout simplement culpabiliser. Il faut dès lors accepter cette idée, laquelle pourrait être pourtant difficile à vivre dans la vraie réalité. Après tout, le film renvoie bien au miroir du couple où chaque membre est persuadé que l’autre en est très amoureux, alors qu’ils se donnent juste le change... Mais comment dès lors être honnête sans blesser celui qu’on aime, mais peut-être pas de la même manière que lui ? Cette question, au centre de "Trois Amies", bouscule dès lors ici la vie de ses trois femmes, à des moments de leurs existences tournent en rond, sans forcément trouver de réponse, tel qu’il en est pour le personnage d’India Hair, Joan. Pourtant, un évènement peut bousculer leurs histoires d’amour, et tout changer, ou (ré)éveiller des sentiments enfouis, pour ainsi prendre un nouveau chemin, mais toujours en gardant ici un socle amical intact...
Délicat dans sa manière de filmer les émotions fortes et les peines de cœur de ses personnages, Emmanuel Mouret garde toujours ici une distance entre ceux-ci et nous-mêmes, pour ne pas forcer ainsi nos propres émotions. Cette manœuvre, à double tranchant, offre alors de la pudeur à ces histoires et à ses protagonistes, mais à l’inverse peut freiner notre empathie envers ces derniers, Joan, par exemple, pleurant les mains sur son visage, ou le dos tourné. Difficile ainsi d’entrer profondément dans leur intimité, bien que la résonance de ce qui se joue à l’écran nous touche, elle, en plein cœur. De même, sans jamais juger, ni manichéen dans sa vision des sentiments amoureux et de ce que la vie peut nous offrir ou non, Emmanuel Mouret ne choisit jamais la faciliter au sein de ces vies, de même que les hasards ne font pas toujours bien les choses...
Longue conversation dans la complexité des relations amoureuses et de l’amitié, mais teintée d’une irrationalité venant joliment appuyer toutes leurs possibilités, entre beautés et douleurs, "Trois Amies" est un joli et lent film à réserver cependant aux inconditionnels du cinéma de son auteur. Et cette promenade est évidemment portée alors par des actrices et acteurs en pleine harmonie avec leurs personnages modernes, à l’image de Sara Forestier, de retour au cinéma après avoir quitté les plateaux de tournage pendant trois années, après avoir été giflée par un acteur sur l’un d’eux, en 2018. Et l’on comprend que celle-ci a retrouvé de la bienveillance sur celui de "Trois Amies", tant ce film, aussi doux que dur, tend à comprendre l’humain avec ses forces et ses faiblesses, sans jamais l’agresser...