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Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews sur la radio RCF Bruxelles (celle-ci n’est aucunement responsable du site ou de ses contenus et aucun lien contractuel ne les relie). Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques et en devient le principal rédacteur depuis 2022.

Mehdi Idir et Grand Corps Malade
Monsieur Aznavour
Sortie du film le 23 octobre 2024
Article mis en ligne le 1er novembre 2024

par Julien Brnl

Genre : Biopic

Durée : 134’

Acteurs : Tahar Rahim, Lionel Cecilio, Tigran Mekhitarian, Marie-Julie Baup, Bastien Bouillon...

Synopsis :
Fils de réfugiés, petit, pauvre, à la voix voilée, on disait de lui qu’il n’avait rien pour réussir. A force de travail, de persévérance et d’une volonté hors norme, Charles Aznavour est devenu un monument de la chanson, et un symbole de la culture française. Avec près de 1200 titres interprétés dans le monde entier et dans toutes les langues, il a inspiré des générations entières.

La critique de Julien

On vous parle d’un artiste, que les moins de vingt ans ne peuvent que connaître... Aznavour, né Aznavourian, disparu depuis 2018, et pourtant toujours en haut de l’affiche... Pour leur troisième réalisation cinématographique en commun, Mehdi Idir et Grand Corps Malade s’attaquent là à l’un des monstres sacrés de la chanson française (et internationale ; n’ayons pas peur de dire !), Charles Aznavour. Et ce n’est pas un hasard si le duo lui dédie aujourd’hui un biopic, Aznavour les ayant lui-même choisis de son vivant, alors que ses fils Mischa et Nicolas Aznavour (nés de son mariage avec la Suédoise Ulla Thorsell, tout comme Katia) planchaient sur un projet de film biographique sur leur père depuis pas mal de temps. Une affaire de famille, donc, puisque le coproducteur du film, Jean-Rachid Kallouche, n’est autre que l’époux de Katia Aznavour, lequel s’est, lui, lancé - après une carrière d’humoriste - dans la production de films avec le premier film dudit duo, "Patients" (2017), lequel avait d’ailleurs beaucoup plu à Aznavour. Projet de longue date, ce film biographique devait voir le jour bien plus tôt, mais Aznavour, décédé le jour où l’équipe devait lancer la production de "Monsieur Aznavour", a finalement mis entre parenthèses ce projet, pour se consacrer alors à "Une Vie Scolaire" (2019). Mais le voici, ce "Monsieur Aznavour", rendant un bel hommage, et dans la plus pure tradition du biopic, au grand homme, auteur-compositeur-interprète, acteur et écrivain qu’était Charles Aznavour...

94 ans d’une vie en 133 minutes de film. Comment dès lors résumer la vie d’un artiste le temps d’un film ? Mission impossible, vous direz-nous, à moins de centrer sa caméra sur une infime partie de son existence, comme l’a récemment fait le cinéaste Reinaldo Marcus Green avec l’histoire de Bob Marley, dans "One Love" (2024), sans forcément plus de réussite... Or, souvent les films biographiques frustrent les fans, ou tout simplement les spectateurs, et cela par la simple et bonne raison des choix qui sont entrepris pour assumer cette folle idée de réussir à condenser une carrière en un laps de temps très court. Et quand bien même l’immense respect et l’admiration dont font preuve ici Mehdi Idir et Grand Corps Malade dans leur démarche envers Monsieur Aznavour, leur film peine à s’élever plus haut que les standards du genre.

Penchant leur caméra sur quelques bribes de la jeunesse d’Aznavour, sur ses années de pauvreté et de galère artistique, sur les nombreux obstacles qu’il a rencontrés dans la société de l’époque en tant que fils d’apatrides, mais aussi suite à son physique (nez, taille) ou sa voix voilée, mais qu’il a surmontés grâce à sa ténacité et sa détermination, "Monsieur Aznavour" n’en oublie pas non plus de mettre en scène sa famille, laquelle a souvent été négligée au profil de la priorisation tourmentée qu’il ait fait de son art (ses nombreux carnets rouges d’écriture donnent le tournis), en guise de vengeance sur le mépris qu’il avait jadis subi. Enfin, le film nous emmène, hier encore, sur sa période aux côtés de Pierre Roche (Bastien Bouillon) ou d’Édith Piaf (Marie-Julie Baup), tout en nous offrant, bien évidemment, son immense succès rencontré dès les années 60, avec l’écriture de ses plus gros tubes, histoire de les entendre en salles...

Divisé en chapitres portant le nom de certains de ses célèbres titres ("Les Deux Guitares", "Sa Jeunesse", "La Bohême", "J’me Voyais Déjà", "Emmenez-Moi"), ce qui nous montre combien ces derniers ont nourri sa vie (sans forcément être autobiographiques), le film de Mehdi Idir et de Grand Corps Malade se veut fidèle et très documenté quant à la vie du chanteur (on a même droit ici à des images du génocide arménien), ses réalisateurs ayant notamment lu ses deux autobiographies, écouté ses mille deux cents chansons (!), regardé ses interviews ou encore le film "Le Regard de Charles" (Marc di Domenico, 2019), soit une compilation d’images réalisées par Charles Aznavour lui-même tout au long de sa vie, alors narrée par Romain Duris. Les réalisateurs n’inventent donc rien, bien aiguillés par la famille d’Aznavour, mais préfèrent ici plutôt brasser, romancer, que de se concentrer. Et ce ne sont pas les apparitions furtives et inutiles de personnalités comme Sinatra, Johnny Hallyday, François Truffaut, Gilbert Bécaud, Charles Trenet qui prouveront le contraire...

Ambitieuse réalisation dotée d’un énorme budget de production, permettant dès lors une reconstitution d’époque aux petits oignons, "Monsieur Aznavour" n’a pourtant pas l’étoffe de Charles Aznavour, en témoigne une réalisation trop sage, réalisée dans le sens du poil, heureusement portée par un Tahar Rahim très impliqué, singeant l’artiste jusqu’à ses moindres gestes et mimiques, si caractéristiques. Touchant, l’acteur est très convaincant, investi, inspiré par son propre parcours et honnête dans son interprétation, même s’il ne ressemble définitivement pas à l’artiste qu’il interprète (malgré les prothèses et le maquillage). Il n’y a qu’à en voir les images d’archives d’Aznavour sur scène pour s’en convaincre, lesquelles mettent d’ailleurs ici un point d’honneur au film, en dernier acte de foi des réalisateurs, prouvant leur incapacité à se suffire. Mais ça, face à toute leur bonne volonté et à leur tendre hommage rendu, ça ne veut plus rien dire du tout...



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