Genre : Drame
Durée : 102’
Acteurs : Hélène Vincent, Josiane Balasko, Ludivine Sagnier, Pierre Lottin, Sophie Guillemin, Malik Zidi, Paul Beaurepaire...
Synopsis :
Michelle, une grand-mère bien sous tous rapports, vit sa retraite paisible dans un petit village de Bourgogne, pas loin de sa meilleure amie Marie-Claude. A la Toussaint, sa fille Valérie vient lui rendre visite et déposer son fils Lucas pour la semaine de vacances. Mais rien ne se passe comme prévu.
La critique de Julien
Et si, après "Mon Crime" (2023), François Ozon en avait mis un autre en scène, ou du moins une tentative ? Dans le bien nommé "Quand Vient l’Automne", Hélène Vincent interprète Michelle, une grand-mère vivant seule dans un village de Bourgogne, pas loin de chez son amie de longue date, Marie-Claude (touchante Josiane Balasko, à contre-emploi). C’est d’ailleurs avec cette dernière qu’elle partira en forêt à la cueillette de champignons, elle qui souhaite en cuisiner pour la venue de sa fille Valérie (Ludivine Sagnier) - qui semble lui en vouloir de quelque chose - et de son petit-fils Lucas (Garlan Erlos), s’apprêtant d’ailleurs à passer le congé scolaire chez sa grand-mère. Sauf qu’après en avoir mangé, Valérie se retrouvera à l’hôpital, intoxiquée, refusant dès lors que Lucas reste chez sa mère, "ne pouvant plus lui faire confiance"... Inspiré par un repas de famille (lorsqu’il était petit) organisé par l’une de ses tantes, et à l’issue duquel tout le monde avait été très malade après avoir ingéré des champignons fraîchement cueillis et cuisinés par celle-ci, François Ozon revient à du cinéma plus dépouillé et, qui plus est, à un scénario original avec ce drame intimiste et familial, lequel semble emprunter la voie du thriller. Mais les apparences sont souvent trompeuses, à l’image trouble de la "mamie gâteau" que semble être le personnage d’Hélène Vincent...
Tourné l’automne dernier dans le département de la Nièvre, "Quand Vient l’Automne" se révèle à mesure que le passé du personnage tristement solitaire d’Hélène Vincent nous est dévoilé. C’est l’histoire d’une mère de famille dont les choix de vie n’ont pas facilité la propre vie de sa fille, laquelle se comporte aujourd’hui de manière très abjecte avec sa mère, tout en étant elle-même à cran et nerveuse en raison de son divorce. Entre elles, il est aujourd’hui davantage question d’héritage plutôt que de partage, ce qui affecte profondément Michelle, ayant quant à elle peur de devenir sénile. Heureusement que celle-ci peut compter sur son amie Marie-Claude, laquelle est elle-même tracassée par la libération anticipée de son fils Vincent (Pierre Lottin), condamné pour avoir "fait des bêtises", mais craignant qu’il ne retombe dans ses travers. À défaut d’avoir ainsi sa fille et son petit-fils à ses côtés, Michelle prendra dès lors Vincent sous son aile, tel un enfant qu’elle n’a pas eu, tel un fils qui pourrait l’aimer...
En suggérant par l’usage de ses hors-champs et de non-dits autour de ses personnages, François Ozon traite ici du poids des rancœurs, étant donné l’héritage familial avec lequel doivent vivre une mère et sa fille. Cette dernière a d’ailleurs toujours vécu dans la honte de sa mère, n’ayant jamais réussi à lui pardonner ses choix passés, elle qui a pourtant tout fait pour offrir la meilleure vie possible à sa fille, peu en importe la manière. Il est donc également question ici de transmission manquée, d’actes manqués, lesquels se répercutent sur la relation conflictuelle et incomprise qu’entretiennent cette mère et sa fille, jusqu’à ce que les raisons de celle-ci ne viennent frapper à la porte du quotidien de son petit-fils...
Ambigu, le personnage d’Hélène Vincent, jamais trop explicite, entre dureté et fragilité, porte dès lors en lui un immense sentiment de culpabilité, paradoxalement rythmé par ses silences quotidiens, et vérités enfouies. Or, sans jamais juger ni se prononcer, François Ozon nous laisse justement maître de notre propre opinion sur ce personnage profondément seul, et complexe. Face à elle, Ludivine Sagnier - qui retrouve le cinéaste vingt ans après "Swimming Pool" (2003) - s’avère particulièrement troublante dans la peau d’une femme terne dont la vie lui échappe, rongée par ses démons. Or, si celle-ci peut paraître violente dans ses propos à l’égard de sa mère, c’est sans doute pour des raisons qui lui sont légitimes. Car François Ozon est suffisamment malin et empathique envers ses personnages pour nuancer leurs états d’âme. Ici, personne n’est donc blanc comme neige, en témoigne les couleurs tantôt lumineuses, tantôt ternes de l’automne et des feuilles qui tombent à même le sol, dans un film où ce sont finalement les fantômes des vivants qui aident (davantage que de leur vivant !) ces derniers à se reconstruire, et partir, à leur tour, en paix... Profond et touchant, "Quand Vient l’Automne" manque toutefois de consistance pour figurer parmi les incontournables de son auteur.