Genre : Drame, fantastique, thriller
Durée : 90’
Acteurs : Lanna de Palmaert, Emilie Dequenne, Stéphane De Groodt, Lily Dupont, Emmanuelle Galabru, Tania Garbarski...
Synopsis :
Alors qu’Emma, 16 ans, est admise dans l’unité de soins intensifs de l’hôpital, ses parents attendent anxieusement des nouvelles du médecin. Étrangement, Emma est pleinement consciente du monde qui l’entoure mais incapable de communiquer avec lui. Pour comprendre ce qui se passe, Emma doit enquêter sur son passé et démêler le mystère entourant sa soudaine hospitalisation. Petit à petit, elle va être confrontée à la dure réalité de ce qui lui est arrivé.
La critique de Julien
Après ses comédies "Faut pas lui Dire" (2016) et "Adorables" (2020), la réalisatrice belge passe à la troisième avec "TKT (T’inquiète)", un drame dont on entend beaucoup parler sur la toile depuis le début de sa promotion, laquelle s’était d’ailleurs intensifiée avec une tournée francophone d’avant-premières dans le cadre des derniers WeLoveCinemaDays. Sur le thème brûlant d’actualité du (cyber-)harcèlement, la cinéaste prend ainsi un virage à 180° avec son nouveau film, lequel est sans (aucun) doute son plus réussi. Il y est alors question d’Emma (Lanna de Palmaert), une adolescente de 16 ans se retrouvant plongée dans le coma sans comprendre pourquoi. Alors qu’elle est reliée à un respirateur et que ses parents (formidables Emilie Dequenne et Stéphane De Groodt) attendent des nouvelles de son état, la demoiselle, comme bloquée dans une sorte d’entre-deux mondes, va devoir remonter le temps, et retrouver la mémoire. Or, il s’avère qu’en posant une main sur les proches, Emma va revivre les événements passés, en tant que témoin, ce qui va dès lors l’aider à reconstituer le fil de son histoire, le puzzle de son drame, pièce après pièce, et de mettre ainsi un mot derrière ce qui lui est arrivé...
La première bonne idée de "TKT (T’inquiète)" est très certainement d’aborder ce drame par le prisme du cinéma fantastique. Ainsi, plutôt que d’emprunter le chemin d’une intrigue linéaire et conventionnelle, Solange Cicurel un point de vue ludique, dans l’optique où elle invite le spectateur - au même titre que son personnage principal - à poser un regard sur les événements ayant mené au terrible drame. Inspirée par le livre "Tout ira bien" (2022) d’Elena Tenace, sa démarche empathique aboutit dès lors à une prise de conscience de la manière insidieuse et malsaine avec laquelle le harcèlement peut en venir à détruire la personne qui en est la victime. Plutôt court (moins d’une heure et demie), le film se vit alors avec la même urgence que celle d’Emma, c’est-à-dire celle de trouver une issue à son, à ce fléau. Pour cela, un seul mot d’ordre : parler ! C’est d’ailleurs le message principal de ce film qu’on vous invite à découvrir avec vos adolescents, vos élèves, car il est un réaliste et - triste - exemple de la rapidité avec lequel le harcèlement peut fracasser une vie, et d’autant à l’ère où les réseaux s’en mêlent, et enveniment davantage les choses. Ainsi, même si une remarque, une blague ou encore une moquerie peut paraître anodine pour celui ou celle qui l’émet, celle-ci pourrait être interprétée légitimement comme blessante ou menaçante pour celui qui la reçoit, d’autant plus s’il y a répétitions, et même s’il s’agit d’ami(e)s. L’effet de groupe et l’intimidation n’y sont pas non plus pour rien...
Si la mise en scène originale avec laquelle Solange Cicurel aborde son sujet est très efficace et pertinente, l’écriture, elle, n’est pas toujours des plus nuancées. Ainsi, on aurait ainsi apprécié davantage de moments d’introspection vis-à-vis des nombreuses révélations faites. Car finalement, tout va ici très vite, sans qu’on ait forcément le temps d’analyser chaque situation. Pourtant, il y a bien des choses à (re)dire des comportements de chacun, et même de celui d’Emma, qui n’est pas une adolescente à qui l’on ne doit rien reprocher. D’ailleurs, l’autre très bonne surprise du film est de ne pas assimiler ni de stéréotyper un profil-type propice au harcèlement. Car la demoiselle, en plus d’être jolie et pétillante, est extrêmement populaire dans son lycée. Pourtant, c’est bien elle qui va doublement se retrouver emprisonnée dans un engrenage extrême duquel elle ne pourra s’échapper. Et Lanna de Palmaert étincelle dans son rôle, et cela avec autant de spontanéité propre à la jeunesse qu’elle interprète que d’innocence et de complexité, dont celle, justement, de ne pas oser parler lorsque ça ne va pas ; les victimes pensant à tort qu’elles ne pourraient pas être aidées... Pourtant, il y a toujours quelque chose à faire, à l’image des réconfortants parents d’Emma, joués par les touchants Emilie Dequenne et Stéphane De Groodt, lesquels doivent composer avec le refus de leur fille de communiquer, laquelle les rassure ainsi avec ses "TKT", lesquels sont devenus des leitmotivs de toute une génération... Or, pour Solange Cicurel, "quand vos enfants vous répondent "T’inquiète", inquiétez-vous !" C’est pour cette simple et bonne raison que son film mérite qu’on s’y intéresse et qu’on s’en rende compte, lequel touche de manière à la fois cinématographique et sans prétention la question du harcèlement scolaire. C’est en tout cas un honnête et percutant moyen de lancer la discussion, le débat avec les plus jeunes, de décortiquer ce phénomène de société, pouvant aboutir, selon Sciensano (2024), à la première cause de décès chez les jeunes, tandis qu’un décès sur quatre en Belgique, chez les 15-24 ans, est dû à un suicide...