Genre : Thriller psychologique, horreur
Durée : 102’
Acteurs : Mia Goth, David Corenswet, Tandi Wright, Matthew Sunderland, Emma Jenkins-Purro, Amelia Reid-Meredith, Alistair Sewell...
Synopsis :
En 1918, alors que la Première Guerre mondiale est en cours, Pearl (Mia Goth) habite dans une pension de famille en pleine campagne. La jeune femme se sent piégée et isolée dans cette ferme familiale où elle doit s’occuper de son père malade et comateux tout en supportant sa cruelle mère. Pearl rêve d’une vie glamour comme dans les films qu’elle regarde. Néanmoins, une série d’événements va doucement la faire sombrer.
La critique express de Julien
C’est ce 31 juillet 2024 que sort sur nos écrans le troisième volet tant attendu de la trilogie de Ti West, "MaXXXine", lequel fait suite au premier film de celle-ci, "X", sorti il y a deux ans. Slasher ruiné plantant son intrigue en 1979, et cela en plein avènement du porno, lors d’un tournage clandestin réalisé dans une propriété rurale du Texas, et cela à l’insu de ses propriétaires qu’il valait mieux ne pas déranger, le film de Ti West était un hommage référencé au film "Massacre à la Tronçonneuse" (1974) de Tobe Hopper, avec sa photographie léchée, ou encore ses effusions de sang mesurées. Mais surtout, la mystérieuse actrice Mia Goth y jouait un double rôle, soit, d’une part, celui de Maxine Minx, une jeune demoiselle aspirant à devenir actrice, mais commençant par la case "porno" et, d’autre part, celui de Pearl, l’antagoniste féminine, et donc métamorphosée à l’occasion à l’aide de prothèses et d’un étonnant travail de maquillage, puisqu’il s’agissait d’une dame âgée. Lors de la sortie du film, nous étions alors impatient d’en découvrir le second volet, "Pearl", d’ailleurs tourné dans la foulée de "X", lequel racontait justement la genèse dudit personnage, nous permettant ainsi de découvrir comment elle a pu devenir un monstre enviant la jeunesse, la beauté et la réussite, et toujours sous les traits Mia Goth. Tandis que sort donc au cinéma "MaXXXine", dans lequel nous retrouverons donc le même personnage décrochant enfin le rôle de ses rêves dans le Los Angeles des années 80, tandis qu’y rôde un tueur de starlettes, nous nous devions d’écrire quelques mots sur "Pearl", lequel n’avait injustement pas trouvé de distributeur chez nous, ce qui est, et restera à jamais incompréhensible. Quoi qu’il en soit, si The Searchers avait distribué chez nous "X", c’est carrément chez Universal Pictures que se retrouve "MaXXXine", lesquels se sont donc rendu compte du potentiel de cette saga, après être donc passé à côté de "Pearl"...
Se déroulant en 1918, il est donc question des origines de Pearl dans ce thriller psychologique, soit d’une jeune demoiselle qui vit avec ses parents immigrés allemands dans leur ferme au Texas, tandis que son mari, Howard, sert pendant la Première Guerre mondiale. Pearl doit alors s’occuper de son père infirme et paralysé (Matthew Sunderland), tandis que sa mère (Tandi Wright), très stricte, la sermonne constamment, l’obligeant ainsi à prendre soin de son père et de la ferme, tout en évitant au maximum de sortir à l’extérieur, étant donné la pandémie de grippe espagnole. Sauf que Pearl rêve de devenir une star de cinéma, ce que sa mère désapprouve au plus haut point. Mais surtout, la demoiselle, isolée et instable, montre des signes inquiétants de troubles mentaux, elle qui maltraite en cachette son père, se masturbe avec un épouvantail, ou tue les animaux de la ferme afin de les donner à manger à un alligator. Et sa rencontre avec un projectionniste (David Corenswet), sa relation en tout bien tout honneur avec sa riche belle-sœur Mitsy (Emma Jenkins-Purro) ou encore une audition ne vont pas arranger son cas...
Tout ou presque est malaisant dans "Pearl", et tout ou presque est réalisé de manière à faire ressortir le pire de l’être humain dérangé dans cette intrigue, c’est-à-dire le pire de Pearl, une fille qui rêve de quitter sa ferme, et de ne pas finir comme sa mère, peu en importe les moyens, elle qui va pourtant voir son rêve hollywoodien lui claquer la porte au nez, et le puritanisme américain oser lui répondre qu’elle n’est pas assez "américaine", ni blonde... Pourtant, la photographie à l’ancienne d’Eliot Rockett, agrémentée d’un CinémaScope Technicolor des plus chaleureux et d’airs du "Magicien d’Oz" de Victor Flemming dégagent ici un parfum de nostalgie et d’échappatoire chatoyant, qui font autant rêver finalement que le fait Pearl, avant de violemment trébucher, et de perdre le contrôle.
Manipulatrice mentale malgré elle, le personnage de Mia Goth est de tous les plans dans le film de Ti West, lequel est une lente descente aux enfers pour le protagoniste de l’histoire, qui fait peine à voir, étant donné qu’il s’agit aussi de l’antagoniste. Difficile alors de se mettre dans la peau de cette fille enragée, macabre et déstabilisante. Car si sa seule présence dérange ses interlocuteurs narratifs, qu’en dire du spectateur ? Et si, de plus, rien ou presque ne semble naturel dans "Pearl", mais bien provoqué, au regard des comportements de Pearl, force est de constater qu’ils sont servis par une actrice au sommet de son art, qui aurait dû recevoir l’Oscar de la meilleure actrice pour son interprétation. Sauf que l’Académie snobe encore les films horrifiques, ce que n’avait pas manqué de faire remarquer Mia Goth à l’époque, après que de nombreuses pétitions du public aient vu le jour, afin de rendre justice à son exceptionnelle performance, qui nous hante encore...
Tétanisante, l’actrice se livre ici à un jeu comme on en voit peu. Il suffit de voir ce long monologue d’une durée de huit minutes (son interlocutrice étant hors-champ, laissant d’autant plus de place au malaise), où Pearl fend l’armure et se confesse, où ses délires et son déni s’estompent (enfin), pour alors laisser place à ce qu’elle est, acceptant dès lors son sort, qu’on lui connaît dans "X". Mais chacune de ses apparitions crie ici au désespoir, chacune de ses mimiques retient notre attention, chacun de ses sauts d’humeur nous terrorise. Nous n’aimerions tout simplement pas la côtoyer ni croiser son chemin, d’autant que tous ceux qui croisent le sien signent là leur arrêt de mort. Muse de Ti West, l’actrice est dès lors l’atout majeur de "Pearl", elle qui s’y donne corps et âme, de là à se demander si Pearl n’est pas réelle ! Mia Goth aime, danse, chante et rêve, mais elle crie aussi, pleure, étouffe, brûle, empale, hache et tranche dans ce film. Et celui-ci finit d’ailleurs en apothéose totale, sur le visage tendu de son personnage, où la caméra la fixe du regard pendant plus de deux minutes, sans que l’actrice ne cligne (à peine) des yeux, et où son sourire et ses larmes s’entrechoquent dans un dernier élan d’espoir, mélangé à de la désillusion... Si Pearl n’est pas une star, Mia Goth, elle, l’est, et nous offre là une prestation cathartique totalement habitée, de là à créer en nous l’effroi, mais surtout une forme de stupéfaction. C’est pour des prestations transcendées comme la sienne qu’on aime le cinéma ! Et savoir qu’on va retrouver l’actrice dans les prochaines heures dans "MaXXXine", et cela toujours devant la caméra de Ti West, nous comble d’une joie ébranlante et incommensurable. Vivement la suite...