Genre : Comédie policière
Durée : 96’
Acteurs : Laurent Stocker, Delphine Baril, Charlotte Laemmel, Jonathan Cohen, Philippe Rebbot, Romane Bohringer, Nora Hamzawi, Vincent Dedienne, Aymeric Lompret, Juana Acosta...
Synopsis :
Léa et Christine sont obsédées par l’affaire Paul Bernardin, un homme soupçonné d’avoir tué toute sa famille et disparu mystérieusement. Alors qu’elles partent enquêter dans la maison où a eu lieu la tuerie, les médias annoncent que Paul Bernardin vient d’être arrêté dans le Nord de l’Europe...
La critique de Julien
Après "Apnée" (2016) et "Oranges Sanguines" (2021), d’ailleurs tristement resté inédit chez nous, Jean-Christophe Meurisse nous dévoile sa nouvelle folie intitulée "Les Pistolets en Plastique", au titre, d’après son auteur, "un peu surréaliste, un peu cadavres exquis". Dans cette comédie policière extrêmement décalée, le cinéaste avait envie de pointer du doigt la fascination du public à consommer la presse sordide, à l’image de l’affaire Xavier Dupont de Ligonnès, ce père de famille nantaise faisant l’objet d’un mandat d’arrêt international pour être le principal suspect des assassinats de cinq membres de sa famille, dont sa femme et quatre enfants, morts entre le 3 et le 6 avril 2011. Alors que la presse s’affole dès que des éléments de l’enquête refont surface, et suscite donc du spectacle, Jean-Christophe Meurisse s’est emparé, lui, de l’arrestation, à tort, le 11 octobre 2019 à l’aéroport de Glasgow de Guy Joao, un préretraité de chez Renault vivant à Limay, lui qui rejoignait son épouse écossaise. Joao ayant été confondu avec "l’homme le plus recherché de France", cela avait alors soulevé un emballement médiatique pour le moins absurde, mettant en exergue la dépendance de la presse aux sources policières, et son aveuglement pour faire la une. Et pour Jean-Christophe Meurisse, pas de doute, le vrai Dupont de Ligonnès a du bien se marrer, lui qui, peut-être, "buvait des jus de goyave alcoolisés en se faisant une petite pépée en Amérique du Sud"... C’est en tout cas ce qu’il met ici en scène dans son film, bien que le tueur présumé s’appelle ici Paul Bernardin...
Dans "Les Pistolets en Plastique", c’est au Danemark qu’un homme (Gaëtan Peau) sera arrêté après qu’un policier en toc (Anthony Paliotti) l’ait identité comme étant Paul Bernardin (Laurent Stocker), soit un homme ayant tué toute sa famille, et mystérieusement disparu depuis. Le faux Bernardin, lui, n’est alors pas prêt pour la série d’interrogatoires qu’il va subir... En parallèle, Christine (Charlotte Laemme) et Léa (Delphine Baril), deux enquêteuses du web et ménagères récemment récompensées pour leurs recherches sur Bernardin pendant leur temps libre, vont resserrer la vis dans leur propre quête, et effectuer un véritable parcours (éthylique) du combattant pour tenter de rencontrer ce Paul Bernadin présumé. Et toute ressemblance avec les sœurs Papin, Christine et Léa, qui étaient deux employées de maison ayant assassiné au Mans leurs patronnes en 1933, n’est pas non plus fortuite...
On ne va pas nier qu’on a beaucoup rigolé devant cette comédie, jouée avec énormément de fantaisie par un casting qui n’a pas peur du ridicule, les comédiennes Delphine Baril et Charlotte Laemmel en tête, elles qui viennent du théâtre, et font d’ailleurs partie de la troupe "Les Chiens de Navarre" que Jean-Christophe Meurisse met lui-même en scène, lesquelles ont ainsi l’habitude d’improviser. Drôle, le film, à la façon d’une œuvre chorale, enchaîne alors des séquences hallucinées, voire lunaires, au désordre anar, entre humour et horreur constants. On s’amuse encore de cette scène où les deux enquêteuses du dimanche sonnent à la porte de la voisine de Paul Bernadin, afin de pouvoir passer par le jardin de cette dernière afin de pénétrer dans celui de la famille de l’homme recherché, avant que celle-ci (Lula Hugot) ne se lance dans un irrésistible et savoureux monologue à l’accent prononcé, refaisant alors le monde, ses minorités et populations diverses, en accompagnant les dames... Mais ce n’est qu’un exemple parmi d’autres, tant "Les Pistolets en Plastique" nous donnerait presque à voir une succession de sketchs, façon caméras cachées, mais au sérieux, tout en ne s’y prenant pas trop, au sérieux, autour donc de l’intrigue de départ.
Dommage que le fil de l’histoire, lui, s’étiole finalement dans l’invraisemblable et la surenchère, ce qui dénote d’ailleurs quelque peu avec l’aspect innocent, naïf et, de prime abord, inoffensif de ses personnages, mais révèle la part morbide et fascinatoire des Français pour ladite affaire. Or, celle-ci n’a sans doute pas encore fini de faire couler beaucoup d’encre, voire de sang, à l’image de ce qui se passe dans cette comédie aussi détricotée que réjouissante, particulièrement burlesque, désopilante, mais aussi embarrassante par ses excès de zèle trash et glauques, et pas (du tout) nécessaires. Mais ne gâchons pas notre plaisir devant cette réalisation loufoque, qui charme par ses démences, ses dialogues et la singularité de ses personnages, joués par des acteurs au cordeau.