Genre : Action, comédie, science-fiction
Durée : 127’
Acteurs : Ryan Reynolds, Hugh Jackman, Lewis Tan, Emma Corrin, Matthew Macfadyen, Karan Soni, Morena Baccarin, Rob Delaney...
Synopsis :
Après avoir échoué à rejoindre l’équipe des Avengers, Wade Wilson passe d’un petit boulot à un autre sans vraiment trouver sa voie. Jusqu’au jour où un haut gradé du Tribunal des Variations Anachroniques lui propose une mission digne de lui… à condition de voir son monde et tous ceux qu’il aime être anéantis. Refusant catégoriquement, Wade endosse de nouveau le costume de Deadpool et tente de convaincre Wolverine de l’aider à sauver son univers…
La critique de Julien
Attendu comme "le petit Jésus Marvel", "Deadpool & Wolverine" sort les griffes, les flingues et les tenues en lycra moulantes pour espérer sauver quelque peu la tournure descendante du MCU, mis à mal à la suite de la déception commerciale de "Ant-Man et la Guêpe : Quantumania" (de Peyton Reed) et du bide monumental de "The Marvels" (de Nia DaCosta), tous deux sortis l’année dernière. 34ème film de l’univers cinématographique Marvel, et le seul à sortir cette année-ci au cinéma, c’est donc au tournant qu’on attendait de retrouver l’irrévérencieux, vulgaire et immature Wade Wilson, alias Deadpool, dans sa troisième aventure au cinéma, bien qu’il s’agisse de la première sous la bannière Disney après que les studios aient racheté en novembre 2019 la 20th Century Fox, rebaptisée depuis "20th Century Studios" afin d’éviter toute confusion de marque avec Fox Corporation. Et autant dire que Ryan Reynolds, en tant que principal investisseur dans l’affaire, joue avec second degré de la défunte 21th Century Fox et du pétrin dans lequel s’est fourré Marvel Studios avec son multivers. Et fidèle au classement R (les moins de 17 ans doivent être accompagnés d’un parent ou d’un tuteur adulte) des précédents volets, ce qui marque la première production Marvel classée comme telle, "Deadpool & Wolverine" devrait ravir les fans du genre et du personnage de Reynolds, et d’autant plus ceux de Wolverine, toujours joué par Hugh Jackman, malgré la mort de son personnage dans "Logan" (James Mangold, 2017). Et c’est sans compter, de plus, sur la folie de la réalisation de Shawn Levy et des nombreuses surprises et scènes jouissives qui parsèment cette superproduction calibrée pour affoler les compteurs !
"Deadpool & Wolverine", c’est la célébration de l’entrée en fanfare dans le MCU de deux des plus célèbres et appréciés (anti-)super-héros de l’ère moderne, Disney étant désormais capable d’exploiter la figure d’Hugh Jackman en Wolverine "jusqu’à ses 90 ans". C’est du moins ce qu’avance avec beaucoup d’humour noir Deadpool à son complice de survie, lequel se cherche ici, et tente même d’intégrer les Avengers. Sauf qu’il sera recalé, et finira comme vendeur de voitures d’occasion, lui qui n’opère plus en tant que Deadpool, tandis qu’il est même séparé de Vanessa (Morena Baccarin). Six ans plus tard, lors de sa fête d’anniversaire partagée avec ses amis, c’est pourtant le Tribunal des Variations Anachroniques (TVA) qui viendra frapper à sa porte, sous la houlette de M. Paradox (Matthew Macfadyen), afin de lui offrir une place de choix dans l’équipe dont il a tant rêvé, mais sur Terre-616. En effet, étant donné la disparition de la figure "d’ancrage" indispensable de la chronologie de Wilson sur Terre-10005, en la personne de James "Logan" Howlett, son flux temporel va disparaître sur deux siècles. Il n’en faudra pas plus pour que Deadpool vole le Pad Temporel de Paradox afin de voyager à travers le multivers et trouver un variant de Logan afin de remplacer la version défunte de son propre univers, et ainsi d’espérer le sauver...
Dès l’ouverture profanatique, le ton est donné ! Entre deux pas de danse et des poses suggestives sur le titre "Bye Bye Bye" de *NSYNC, Deadpool dézingue un escadron de Minuteurs du TVA avec des armes dont l’origine illustre bien là toute l’impertinence de l’univers du personnage, qu’on vous laissera d’ailleurs tout le loisir de découvrir, et, on l’espère, avec autant de plaisir qu’on en a eu. Une chose est certaine, le sang jaillit ici jusqu’à plus soif, tandis que l’intrigue profite de la capacité de guérison accélérée de ses héros pour se faire mal. Deadpool n’a donc rien perdu de sa verve (pour ne pas dire sa verge), lequel n’est pas surnommé le "Mercenaire à grande bouche pour rien", lui qui ne peut s’empêcher de sans cesse déblatérer des grossièretés et de faire des allusions en tous genres à l’orifice terminal du tube digestif ou autre sphincter. Certes, on sait le personnage pansexuel, mais jamais auparavant Ryan Reynolds n’avait autant assumé ses penchants homoérotiques pour l’anatomie masculine, bien qu’il soit amoureux d’une femme, et d’ailleurs en pleins regrets, tout comme l’est le variant de Wolverine, lequel se définit d’ailleurs comme le pire de tous. De Wolverine, justement, parlons-en, puisque Hugh Jackman arbore ici les traits d’une de ses versions alternatives, nommée Patch, et découverte pour la première fois dans les comics "Wolverine Vol. 2" #1, publié en 1988, écrit par Chris Claremont et illustré par John Buscema. Pas aussi émouvant qu’à l’époque de "Logan", Hugh Jackman fait le job, mais manque tout de même d’éclat, de profondeur, bien que là ne soit pas la question, ni l’intérêt...
Malgré la querelle qui unit leurs personnages, on sent l’amitié entre Ryan Reynolds et Hugh Jackman ici de tous les instants, tant on ressent le plaisir avec lequel les acteurs retrouvent leurs costumes, et s’amusent avec ! Et celui-ci est partagé, étant donné la générosité méta et subversive de l’entreprise, tandis qu’un bon Marvel n’en serait pas un sans quelques caméos savamment gardés. Or, sans ne rien en révéler, on peut dire que la production a fait très, très fort, et auto-parodie les nombreuses récentes déroutes de Marvel Studios, et offre un écrin à certains super-héros iconiques qui attendent encore (depuis la poubelle de Marvel - le Vortex) leur chant de cygne, ou tout simplement d’exister ! Mieux que ça, "Deadpool & Wolverine" réalise ici quelques fantasmes absolus pour les fans du genre, tandis que Kevin Feige et ses collaborations - dont Ryan Reynolds (et sa famille !) - n’avaient jamais aussi bien réussi jusque-là à intégrer l’héritage des "X-Men" de l’ère de la 20th Century Fox dans l’univers Marvel. Alors chapeau bas ! Force est d’ailleurs de constater que Deadpool quitte même le devant de la scène de l’intrigue pour laisser vivre ses héros déchus et pourtant toujours dans nos cœurs, avant de rapidement reprendre du poil de la bête, face à sa multitude de variants. Autant dire qu’on ne s’est toujours pas remis de cette scène de boucherie et de pur fan-service.
Si "Deadpool & Wolverine" pointe ainsi allègrement du doigt le manque de créativité et de prise de risques chez Marvel Studios, il ne peut malheureusement s’empêcher de retomber dans ses travers, à coup de multivers et de pirouettes scénaristiques sans grand intérêt pour le commun des mortels. Pire, son antagoniste (Emma Corrin), tombant ici comme un cheveu dans la soupe, est rapidement sacrifié sur l’autel de l’indifférence, lequel n’est ici qu’un pion servant - heureusement dans son malheur - au duo principal. La direction artistique du film déçoit également à l’égard de l’endroit où atterrissent ses protagonistes, tout en se moquant joyeusement de celui d’un certain "Mad Max" de George Miller, tandis que d’innombrables questions demeurent à l’issue du film, rendant l’impossible... possible, mais sans qu’on ait compris comment. Pourtant, "Deadpool & Wolverine" choisit rapidement de s’éloigner de ses enjeux principaux pour se concentrer sur Deadpool et Wolverine, lesquels, en pleine rédemption, apprennent à s’aimer en tentant de s’entretuer. Il fallait oser. Pourtant, c’est bien connu : "l’amour comment toujours par une dispute"... Et finalement, c’est tout ce qu’on attendait de ce film, lequel nous sert dès lors sur un plateau d’argent un pur moment popcorn porté par deux personnages qui font grandement la paire, et tentent de se (re)faire une place dans "leurs" mondes, qu’ils doivent sauver, ou du moins ce qu’il en reste. Et la rythmique comique et totalement insolente du film sert totalement cet objectif, qui ne déçoit dès lors pas. Bref, "Deadpool & Wolverine" est à prendre pour ce qu’il est, soit une plaisanterie assumée et irrésistiblement sanguinolente dans sa caricature, autour de deux figures emblématiques dont Marvel Studios avait bien besoin, après leur première rencontre ratée dans "X-Men Origins : Wolverine" (Gavin Hood, 2009), et qui devrait leur mettre un bon coup de pied dans le derrière, ce qui ne devrait pas déplaire à Deadpool, jamais ici censuré, ni émasculé par Disney ! Et ça, c’est une belle victoire ! Quant à son avenir au sein de l’écurie, on s’en inquiète déjà...