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Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews sur la radio RCF Bruxelles (celle-ci n’est aucunement responsable du site ou de ses contenus et aucun lien contractuel ne les relie). Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques et en devient le principal rédacteur depuis 2022.

Jérémy Clapin
Pendant ce Temps sur Terre
Sortie du film le 03 juillet 2024
Article mis en ligne le 29 juillet 2024

par Julien Brnl

Genre : Drame

Durée : 89’

Acteurs : Megan Northam, Sofia Lesaffre, Catherine Salée, Sam Louwyck, Nicolas Avinée, Roman Williams...

Synopsis :
Elsa, 23 ans, a toujours été très proche de son frère aîné Franck, spationaute disparu mystérieusement 3 ans plus tôt au cours d’une mission spatiale. Un jour, elle est contactée depuis l’espace par une forme de vie inconnue qui prétend pouvoir ramener son frère sur terre. Mais il y a un prix a payer…

La critique de Julien

C’est en novembre 2019 que sortait sur nos écrans "J’ai Perdu mon Corps", le premier film de Jérémy Clapin, alors librement adapté du roman "Happy Hand" (2006, Éditions du Seuil) de Guillaume Laurant, lequel coscénarisait d’ailleurs cette petite perle d’animation, dont on avait parlé en bien sur Cinécure, et cela quelques mois après sa sortie, faute d’avoir pu le voir au moment opportun. César du meilleur film d’animation lors de la 45e cérémonie des César, en plus de celui de la meilleure musique originale pour Dan Levy, tout étant nominé en 2020 pour le Meilleur film d’animation aux Oscar, c’est donc forcément au tournant qu’on attendait son second essai, intitulé "Pendant ce Temps sur Terre", et tourné presque entièrement en prises de vue réelles. Et même si ce dernier est inégal dans ses intentions et dans sa forme, cette nouvelle réalisation est une hypnotisante réussite, pleine de poésie et d’espoir, située à la croisée des genres et de deux mondes, et à voir forcément au cinéma.

Fasciné par l’espace, et dans sa volonté de sortir de sa zone de confort, qui est l’animation, Jérémy Clapin a ainsi imaginé l’histoire d’Elsa (Megan Northam), une jeune femme faisant face à un deuil impossible, soit celui de son frère, mystérieusement disparu au cours d’une mission spatiale trois ans plus tôt. Mais alors qu’elle le sent toujours vivant quelque part, une statue à son effigie se dresse désormais à proximité de l’EPHPAD tenu par sa maman (Catherine Salée), et dans lequel elle travaille, sans véritable but, elle qui erre plus tel un fantôme, coincé entre deux mondes, et dans l’espoir de réponses venues du ciel. C’est justement sur une butte d’où elle contemple quotidiennement les étoiles qu’une vie extraterrestre la contactera, via une sorte de graine à implanter dans l’oreille, et qu’elle trouvera au pied d’une antenne qui surmonte l’endroit. Or, cette intelligence, qui n’est encore rien, jusqu’à ce qu’elle "devienne quelque chose", en attente donc "d’exister", lui proposera de lui ramener son frère sur Terre, mais en échange d’un service, quelque peu immoral...

Dès l’ouverture, "Pendant ce Temps sur Terre" nous subjugue, nous soulève de notre siège de cinéma pour nous faire voyager, en apesanteur, dans une histoire qui semble hors du temps, nous déconnectant ainsi de notre réalité, pour alors nous plonger dans celle d’une demoiselle n’ayant pas les pieds sur terre, et en quête de justice. Jérémy Clapin filme pour cela dans ses premiers plans l’intérieur d’une navette spatiale vide, et cela comme si nous y étions, tandis qu’on peut entendre en voix-off, façon cockpit, celles d’un frère et d’une sœur qui communiquent entre eux, malgré les milliers de kilomètres qui les séparent. Et force est de constater que le cinéaste n’en a pas oublié ici l’animation, puisqu’il parsème son récit de scènes animées alors imaginées par son anti-héroïne, depuis son monde intérieur, laquelle y échange ainsi avec son frère, tels des personnages de dessins animés, elle qui dessine d’ailleurs dans un carnet les personnes qu’elles croisent au quotidien, dont ses patients très âgés. Au détour de certains plans rapprochés sur son visage nous faisant changer de lieu une fois qu’elle tourne le regard, ou basculant dans l’animation, Jérémy Clapin nous immerge dans un univers en suspens, où les sons d’interférences radio, de vents qui caresseraient presque notre peau, ou encore la sublime musique d’ambiance métaphysique, sensorielle et organique de Dan Levy (du groupe The Dø, pour sa seconde collaboration avec Jérémy Clapin) nous font vivre "Pendant ce Temps sur Terre" comme une expérience de tous les instants. Ovni de cinéma, tunnel énigmatique que l’on traverse auprès de son personnage principal, et foisonnant d’autant plus d’une originalité impactante dans son écriture, ce film est une nouvelle pépite de son réalisateur, décidément très prometteur...

Entre réel et imaginaire, la demoiselle en question n’appartient dès lors à aucun monde, tandis on se prend aussitôt d’empathie pour sa solitude infinie, traversée par le chagrin, et cela face au néant que représente pour elle la perte de son frère, duquel le corps reste introuvable. Vue dans "Les Passagers de la Nuit" (Mikhaël Hers, 2022) dans le rôle de la fille de Charlotte Gainsbourg, Megan Northam se révèle absolument bouleversante dans son rôle, voire fantastique, à l’égard de ce film, entre drame intime et film de science-fiction, alors d’une intelligente et fascinante économie. D’ailleurs, son metteur en scène laisse libre recours au spectateur d’interpréter les échanges entre Elsa et la soi-disant vie extraterrestre. Est-elle réelle, ou n’est-elle que le fruit que de son imagination ? Invente-t-elle cette mission pour faire son propre deuil ? Quoi qu’il en soit, "Pendant ce Temps sur Terre" nous laisse voir et imager, grâce au subtil travail du hors-champ, de magnifiques et véritables moments de genre, alors bercés par le cinéma de Kubrick, de Tomas Alfredson ou encore d’Andrei Tarkovski. Enfin, saluons aussi ici les prestations toutes en tendresse de nos compatriotes Catherine Salée et Sam Louwyck, dans le rôle des parents d’Elsa, lesquels font tout pour maintenir leur fille en éveil, dans le monde réel, afin qu’elle réapprenne à vivre pour elle, et non pas pour son frère, qu’il soit mort ou vivant, aux confins de l’univers...

Créatif, malgré la contrainte, "Pendant ce Temps sur Terre" est donc une invitation à l’évasion, à l’évocation, mais également à la rudesse du monde actuel, et à sa violence, à laquelle doit et devra d’ailleurs faire face Elsa. Or, Jérémy Clapin, à trop vouloir dire de choses en lien avec notre époque, finit par s’égarer. D’ailleurs, le film s’octroie de manière presque impromptue des scènes gores qu’on n’avait pas vues venir, et pas forcément nécessaires à l’harmonie de l’histoire qui est au cœur du récit, tandis que le déroulé de celle-ci ferme volontairement les yeux sur les conséquences de certains actes d’Elsa, ce qui pêche en matière de réalisme. Qu’importe, l’aspect science fictionnelle du film lui pardonne ses errances, cependant jamais vaines, entre onirisme, sacrifices humains et dérives émotionnelles des plus profondes.



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