Genre : Drame, aventure, film historique
Durée : 173’
Acteurs : Pierre Niney, Bastien Bouillon, Anaïs Demoustier, Anamaria Vartolomei, Laurent Lafitte, Patrick Mille, Vassili Schneider, Julien De Saint-Jean, Pierfrancesco Favino...
Synopsis :
Victime d’un complot, le jeune Edmond Dantès est arrêté le jour de son mariage pour un crime qu’il n’a pas commis. Après quatorze ans de détention au château d’If, il parvient à s’évader. Devenu immensément riche, il revient sous l’identité du comte de Monte-Cristo pour se venger des trois hommes qui l’ont trahi.
La critique de Julien
Quand la démesure du divertissement francophone rencontre la mesure de l’écriture. On ne présente plus "Le Comte de Monte-Cristo" d’Alexandre Dumas (écrit en collaboration avec Auguste Maquet), publié entre 1844 et 1846, soit l’une de ses œuvres les plus importantes et mondialement connues, avec notamment "Les Trois Mousquetaires" (1844). Or, après de nombreuses adaptations pour la télévision et le cinéma, c’est au tour d’Alexandre de La Patellière et de Matthieu Delaporte de porter ce récit à la croisée des genres, avec ses puissantes histoires d’amour, son édifiante trahison, et sa quête rédemption justicière. Et c’est même avant le début du tournage du diptyque "Les Trois Mousquetaires (d’Artagnan et Milady)" de Martin Bourboulon sorti l’année dernière - qu’ils ont écrit - que les cinéastes ont annoncé le projet de se lancer, à leur tour, dans l’adaptation du "Comte de Monte-Cristo", mais à condition seulement d’obtenir l’accord de leur futur acteur principal ; Pierre Niney. Et autant dire que l’acteur est ici au firmament de sa jeune carrière, dans la peau de ce personnage mythique d’homme, prêt alors à tout pour faire justice lui-même, et ainsi se venger de ceux qui l’ont accusé à tort d’être un conspirateur bonapartiste, et donc éloigné de sa belle Catalane, Mercédès. Et tandis qu’il fut présenté en Sélection officielle hors compétition au dernier Festival de Cannes, ce film dantès-que mérite bien toutes les louanges qu’il en a reçu, et sans doute bien plus encore.
Disons-le d’emblée. Des réalisateurs du "Prénom" (2012) et du "Meilleur Reste à Venir" (2019), nous ne nous attendions pas à une telle maestria de mise en scène, au service d’une histoire parfaitement écrite, et incarnée au cordeau par une symphonie d’acteurs en accord avec les personnages d’Alexandre Dumas. Produit par les audacieux producteurs Dimitri Rassam et Ardavan Safaee des (deux dernières parties des) "Trois Mousquetaires" (une troisième est d’ailleurs en chantier), ce "Comte de Monte-Cristo" est d’ailleurs mené est par une grande partie de l’équipe de ces derniers, à savoir le costumier Thierry Delettre, le décorateur Stéphane Taillasson, le chef opérateur Nicolas Bolduc, ou encore la monteuse Célia Lafitedupont. Il n’est dès lors pas étonnant d’en retrouver la qualité de ses aînés, tout en atteignant ici un niveau encore jamais égalé auparavant en matière de cinéma et spectacle français, réalisé pour près de 43 millions d’euros, lequel devrait réconcilier (on l’espère) ceux qui en sont hermétiques.
Épique, l’histoire d’Edmond Dantès est de celles qui nous emmènent à bras-le-corps dans leur élan de bravoure et de dévotion à toute épreuve, au sein de cette incroyable histoire de survie, puis de vengeance millimétrée. Fidèle au matériau d’origine, tout en prenant quelques intelligences libertés, "Le Comte de Monte-Cristo" installe et construit dès lors de celle-ci tout le long de ses presque cent-quatre-vingts minutes, s’étalant sur quinze années. Le montage du film nous permet alors d’entretenir sans cesse ses enjeux, tandis que le Edmond Dantès de Pierre Niney prépare son chemin de croix personnel, cherchant à briser le cœur de ceux qui ont brisé le sien, lequel s’entourera pour cela avec stratégie, afin de révéler la machination que lui et ses alliés ont subie. Or, la richissime manipulation qu’il mettra en place relève ici d’une prophétie, tant celui qui se fait appeler le comte de Monte-Cristo (du nom de l’île italienne où il a découvert le trésor des Spada, après que son érudit ami l’abbé Faria, rencontré durant son enfermement au château d’If, lui en ait révélé les coordonnées) est prêt à faire payer le prix de son malheur et, qui sait, reconquérir Mercédès, et réaliser également son rêve de devenir (enfin) capitaine...
Mené tambour battant par Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte, "Le Comte de Monte-Cristo" parvient dès lors à nous faire retenir notre souffle, et cela au fur et à mesure que la providence se réalise pour Dantès. Mais surtout, c’est toute la révélation tentaculaire de son plan qui nous emporte. D’ailleurs, si Pierre Niney excelle d’un bout à l’autre, se terrant pour mieux revenir à la surface, sous son masqué et son interprétation totalement habitée et surprenamment dosée, lequel n’en fait dès lors jamais de trop, l’ensemble du casting qui l’entoure est d’autant plus exceptionnel, et donc à mesure de son jeu. Anaïs Demoustier (Mercédès de Morcerf), Bastien Bouillon (Fernand de Morcerf, ami de Dantès et cousin de Mercédès), Laurent Lafitte (Gérard de Villefort, le procureur du Roi à Marseille) et Patrick Mille (le baron Danglars, marchand et ex-marin) épatent respectivement dans la peau de la dulcinée de Dantès et de ses antagonistes, lesquels ont conspiré ensemble pour lui faire porter le chapeau. Mais ce sont surtout ici les jeunes acteurs qui brillent, et révèlent toute l’étendue du projet du Comte, lesquels sont liés, d’une manière ou d’une autre, à ces mêmes antagonistes. Anamaria Vartolomei (vue dans "L’Événement" d’Audrey Diwan), sous les traits d’Haydée, et Julien de Saint Jean (découvert l’année dernière dans "Le Paradis" de Zeno Graton), ici dans la peau du Prince Andréa Cavalcanti, portent ainsi sur leurs ailes le poids de la vengeance de leur sauveur, mais lesquels sont, quelque part, leur bouc émissaire. Et force est de constater que le film réussit à faire vivre ces personnages, et à répondre à leurs souffrances et amours personnels, tandis que Vassili Schneider (Albert de Morcerf) - qui n’est autre que le benjamin des frères Schneider-, lui, est très certainement la plus belle surprise du film, tétanisant d’émotion dans son rôle d’éperdu amoureux, et victime collatérale de la passion et de l’obsession dévorantes d’Edmond Dantès.
Bien que l’on connaisse donc bien cette histoire, et qu’il ne s’agisse finalement que d’un blockbuster francophone, "Le Comte de Monte-Cristo" fait partie de ces films parfaitement exécutés, malgré l’ampleur du projet, et le risque de se casser les dents vis-à-vis du mastodonte auquel il se risque. Mais Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte, leurs acteurs et toute l’équipe artistique derrière ce projet pharaonique rendent les lettres de noblesse à l’œuvre d’Alexandre Dumas à toute une nouvelle génération de spectateurs, qui leur donnera sans doute l’envie d’y plonger ou d’y replonger, ou certainement de revoir ce film.
"Et de un. Et de deux.", tel que s’en ira Edmond Dantès, alors que sa revanche arrive à son apothéose, et la tension à son comble, et dès lors notre plaisir de spectateur à son paroxysme. Oui, ce "Comte de Monte-Cristo" fera sans aucun doute partie des meilleurs films de l’année, ou en tout cas des plus aboutis, et risqués. On en ressort dès lors avec la sensation d’en avoir eu (bien plus que) pour son argent, étant donné la bouffée d’aventure et d’émotions fortes et palpitantes qu’il nous a offertes. Digne successeur du roman d’Alexandre Dumas, cette adaptation moderne redynamisera encore un peu plus le regain d’intérêt pour les films de cape et d’épée, d’après le patrimoine littéraire francophone traversant les époques, et passionnant encore les foules. Et c’est tant mieux ! Alors ne vous privez pas, car c’est ce qu’on appelle là du cinéma, vibrant et grandiose, venant d’autant plus de ce côté de l’Atlantique !