Genre : Drame
Durée : 106’
Acteurs : Yvan Attal, Mathieu Kassovitz, Alma Jodorowsky, Chloé Stefani...
Synopsis :
L’histoire vraie de deux petits garçons de 5 et 7 ans qui, abandonnés par leur mère en 1948, s’enfuient dans la forêt. Ils vont y survivre pendant sept années et tisser un lien qui les unira à jamais. Des décennies plus tard, les deux frères quittent tout pour se retrouver. Mais le passé et les secrets les rattrapent, même à l’autre bout du monde.
La critique de Julien
Entre 1945 et 1947, soit lors de l’Après-guerre, on estime que 90 000 enfants se sont retrouvés sans leurs parents, tandis que 340 000 auraient été séparés de leur famille. Or, ce fut notamment le cas de Michel de Robert et de son demi-frère aîné, Patrice, respectivement âgé de 4 et 5 ans et demi au moment des faits, lesquels furent déposés par leur mère (qui était une journaliste parisienne très libre et souvent absente) dans un home d’enfants, à Châtelaillon, pour les vacances d’été. Sauf que personne ne viendra les rechercher, sans que les propriétaires de la pension réussissent à contacter leur mère, avant d’être hébergés durant plus de trois mois supplémentaires en ces lieux. Mais un jour, Patrice découvrit le corps sans vie de l’homme qui tenait la pension, lequel s’était pendu. Après avoir coupé la corde, son corps tomba dès lors par terre, avant qu’une mare de sang ne s’en échappe. Apeuré, et se sentant responsable, Patrice prit la fuite, avec son frère, en direction du bois environnant, alors inextricable, et situé au-delà des Boucholeurs (arrondissement de La Rochelle, près de Châtelaillon), lequel allait devenir leur nouvelle maison, leur nouvel environnement, sans notion de temps, mais durant sept ans, tout en chapardant les potagers et une casse automobile, tandis qu’ils allaient également faire des rencontres à proximité... Après son premier film "Baby Phone" (2017), le réalisateur et scénariste Olivier Casas porte alors à l’écran cette incroyable histoire vraie, ici au sein d’une fiction, avec Yvan Attal (Michel) et Mathieu Kassovitz (Patrice) dans les rôles principaux...
"Frères" joue dès lors sur deux temporalités différentes (et qui s’entrecroisent parfois), soit tout d’abord celle où les deux enfants se sont retrouvés seuls, sans être recherchés (la préfecture ne fut même pas alertée de leur disparition), et ont dû apprendre à vivre à l’état sauvage et sa rudesse, avant d’en apprécier la liberté, la légèreté, cristallisant le manque d’amour entre eux deux, et cela avec fusion, elle qui allait d’ailleurs bien les protéger du froid, et les unir, jusqu’à la mort... Ces événements sont alors racontés sous forme de flash-back depuis le début des années nonante, c’est-à-dire bien des décennies plus tard, alors que Patrice, ayant tout encaissé depuis tout petit, est porté disparu. Michel, s’inquiétant pour lui, quittera alors sa femme et ses enfants pour le rejoindre (avec une capacité à tout abandonner sans se retourner qu’il doit dès lors à sa mère), et cela dans le Grand Nord canadien, sans que personne ne soit encore au courant de leur secret, de leur bonheur passé...
Olivier Casas fait ici le choix de prendre des libertés sur cette magnifique histoire de fraternité, de rédemption, de fatalité, de sacrifice, de culpabilité, mais surtout de liberté, que le retour à la vie "normale" a dès lors bien plus sauvagement brisée que le fait finalement pour les deux enfants d’avoir été abandonnés, lesquels ont alors été découverts par une amie de leur grand-mère, alors qu’ils travaillaient pour un ostréiculteur. Le cinéaste dramatise donc la réalité les faits (à croire sur parole ou non), en imaginant ici un face-à-face quelque peu romanesque entre les deux frères, au Canada, lesquelles se souviennent dès lors de ce qu’ils ont vécu, et ce qui les lie au plus haut point, sans que rien d’autre n’ait, finalement, autant d’importance. Or, comment expliquer les téléphones et ordinateurs portables utilisés par les protagonistes ? De plus, on voit rapidement où veut en venir le film, quitte à tourner en rond. C’est pourquoi il aurait été intéressant de montrer davantage l’après des événements, et cela autrement que par quelques images commentées en voix-off par Michel (Yvan Attal), lors de leur terrible séparation, laquelle est pourtant porteuse de sens, confrontant ainsi la vie libre à celle de la société, laquelle fut une prison pour eux, jusqu’à leurs délivrances respectives, dont on ne dévoilera rien. Quant à Yvan Attal et Mathieu Kassovitz, ils font ici le job, face au poids du silence qui règne entre leurs personnages, lequel en dit long sur la relation et le passé qui les lient, ce dernier les retenant en arrière, et surtout Patrice...
Le film, s’il est classique dans sa mise en scène et rapidement prévisible, est dès lors un très beau récit de (sur)vie, dédié à tous ces enfants laissés-pour-compte lors de l’après-guerre, lesquels n’ont ainsi découvert que bien plus tard leur véritable identité. C’est une histoire nostalgique de transmission et d’hommage qui laisse revivre le passé jamais retrouvé, alors qu’il n’en reste d’ailleurs aujourd’hui que des souvenirs, au regard du bois de l’enfance de Michel de Robert et de son frère, duquel il ne reste rien. C’est une histoire qui, si elle n’a appartenue qu’aux deux enfants et adultes en question durant plus de trois décennies, est aujourd’hui partagée au plus large des publics, tout en étant très certainement moins inconditionnelle que la vérité supposée des propos qu’elle conte...