Genre : Drame, romance
Durée : 91’
Acteurs : Daisy Ridley, Dave Merheje, Parvesh Cheena, Brittany O’Grady...
Synopsis :
Fran est employée de bureau dans une petite entreprise portuaire de l’Oregon. D’une timidité maladive, cette célibataire mène une existence millimétrée, dénuée de toute fantaisie – exception faite des étranges rêveries auxquelles elle s’abandonne. Mais les choses changent le jour où Robert, nouvelle recrue fantasque et sympathique, fait mine de s’intéresser à elle...
La critique de Julien
Révélée dans la dernière trilogie "Star Wars" dans le rôle principal de Rey, l’actrice britannique Daisy Ridley tente depuis de sortir de la peau de ce personnage qui risque pourtant de la poursuivre, laquelle serait d’ailleurs partante de retourner dans les étoiles si on lui proposait... En attendant, aucun des rôles qu’elle a obtenus depuis ne lui a permis de retrouver la clef du succès, laquelle s’est d’ailleurs rangée du côté cinéma indépendant après l’échec cuisant de "Chaos Walking" (Doug Liman, 2021), un film de science-fiction à gros budget adapté du premier roman de la série littéraire "Le Chaos en Marche" (Patrick Ness, 2008), porté également par Tom - Spider-Man - Holland. Or, avant de la retrouver in extremis dans le thriller "The Marsh King’s Daughter" (de Neil Burger) dès le 19 juin prochain et plus tard dans l’année - on l’espère - dans le drame sportif biographique "The Woman and the Sea" de Joachim Rønning, où elle prêtera ses traits à la nageuse Gertrude Ederle, devenue la première femme à traverser la Manche à la nage, en 1926, l’actrice joue ici dans le drame "Sometimes I Think About Dying" de Rachel Lambert, tourné "en secret" il y a trois ans de ça, à Astoria, dans l’Oregon, lequel a été co-produit par Ridley elle-même, tandis qu’il s’agit d’une libre adaptation de la pièce de théâtre "Killers" (2013) de Kevin Armento, lequel est ici au scénario de ce film, tandis qu’existe déjà un court-métrage adapté de ladite pièce, également intitulé "Sometimes, I Think About Dying" (de Stefanie Abel Horowitz, 2019)... Il y est alors question ici de Fran, une jeune femme en profond retrait social, et à la vie très millimétrée. Tandis qu’elle est employée du bureau, la demoiselle, quand elle s’évade de son quotidien, rêvasse alors de sa propre mort, à l’orée d’un bois, ou sur une plage. Mais l’arrivée d’un nouveau collègue, Robert (Dave Merheje), va alors perturber, ou plutôt réveiller son morne quotidien.
Loin d’être un conte de fées, ce drame aussi sombre que charmant dans sa manière terriblement mélancolique de filmer le quotidien de son anti-héroïne est une œuvre à part entière. La cinéaste Rachel Lambert y filme alors la dépression de cette femme dont personne ne sait grand-chose, si ce n’est qu’elle aime son job, les silences pesants et le fromage blanc, laquelle semble alors ne s’intéresser à rien. Sa rencontre avec un collègue va alors la mettre au pied du mur, et lui permettre de briser la glace entre elle et... la vie. "Regrettes-tu de me connaître ?", s’en ira-t-elle face Robert, après plusieurs rendez-vous stériles, lequel lui répondra "Je ne te connais pas". Une réponse qui en dit long sur la difficulté pour Fran de se livrer, de sortir de sa bulle, de trouver sa place dans le monde, laquelle préfère plutôt s’imaginer en échapper, avec fantaisie et onirisme morbide. La musique originale et orchestrale de Dabney Morris, laquelle on dirait, elle, sortit d’un conte de fées, permet alors de contrebalancer avec cynisme la terne imagerie de la ville d’Astoria, où l’on peut d’ailleurs y voir le pont en treillis et à poutres cantilever Astoria-Megler, visible ainsi depuis le bureau de Fran. Avec ses houles de harpes, ses notes d’altos, ses basses JUNO-60, ou encore des percussions très ésotériques d’un lujon, la musique du film est un ingrédient indispensable à l’étrange atmosphère de ce film, que l’on regarde et écoute alors avec la même distance avec laquelle son personnage principal, de tous les plans, écoute le monde qui l’entoure, c’est-à-dire en retrait. Toutes les discussions professionnelles entourant dès lors Fran s’entendent ici en fond, étant donné qu’elle n’y prête aucun intérêt. "Sometimes I Think About Dying" laisse alors entrevoir quelques touches d’espoir à mesure que son personnage trouvera la force de s’ouvrir à l’autre, et ici à celui qui lui tendra patiemment la main, malgré leurs maladresses respectives.
Intitulé "La Vie Rêvée de Miss Fran" chez nos voisins français, le film de Rachel Lambert est une œuvre qui nécessite alors de plonger dedans, de s’y laisser abandonner pour en apprécier l’amère saveur de sa douce solitude, empreinte de poésie, de surréalisme et d’humanité désespérée, alors portée par une Daisy Ridley profondément effacée, retirée, discrète, et donc parfaitement habitée par son rôle. Un film comme nul autre, aussi douloureux que timidement libérateur, lequel ne fera pas l’unanimité, mais propose une parenthèse fantasmagorique, une ode à ceux pour qui il est difficile d’établir des liens, pour qui il est difficile de se sentir vivant, de partager des choses, dans un monde où tout va très vite, et où il est (parfois) difficile de s’évader au quotidien...