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Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews sur la radio RCF Bruxelles (celle-ci n’est aucunement responsable du site ou de ses contenus et aucun lien contractuel ne les relie). Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques et en devient le principal rédacteur depuis 2022.

Jessica Hausner
Club Zero : Tout ce qui est (bonne) chère est rare
Sortie : le 29 mai 2024
Article mis en ligne le 28 mai 2024

par Delphine Freyssinet

Synopsis : Miss Novak rejoint un lycée privé où elle initie un cours de nutrition avec un concept innovant, bousculant les habitudes alimentaires. Sans qu’elle éveille les soupçons des professeurs et des parents, certains élèves tombent sous son emprise et intègrent le cercle très fermé du mystérieux Club Zéro.

Casting : Mia Wasikowska (Miss Novak), Sidse Babett Knudsen (Madame Dorset), Ksenia Devriendt (Elsa), Elsa Zylberstein (la mère d’Elsa), Matthieu Demy (le père d’Elsa), Luke Barker (Fred), Florence Baker (Ragna), Samuel D. Anderson (Ben), Amanda Lawrence (la mère de Ben)

Points particuliers :

  • En compétition officielle du festival de Cannes 2023
  • Markus Binder, le compositeur, a remporté le prix de la meilleure musique aux European Film Awards.

On ne la voit pas venir, cette Mademoiselle Novak - Mia Wasikowska, parfaitement insondable, intrigante : est-elle réellement illuminée ou manipulatrice cynique ? - qui se présente toute timide, docilement mielleuse, mais déterminée, à la directrice de cette école privée huppée pour donner des cours sur l’alimentation consciente à des ados.

Dans son petit groupe, 7 au départ, des élèves qui ont des raisons différentes de suivre ces cours très “in” : volonté de maigrir, par conviction écologique, pour la santé, viser une bonne note pour obtenir une bourse...

On ne quitte le cadre très policé de l’école que pour découvrir le cadre presque aseptisé, pour beaucoup, de leur cadre familial.

C’est au détour d’un cours de trampoline ou de danse qu’on sent une pulsation de vie chez ces ados assez paumés, angoissés, dont l’avenir semble déjà sur des rails, que les cours d’alimentation consciente vont faire dévier.

Apprendre à manger moins vite, à manger moins, de moins en moins, en coupant une pomme de terre en minuscules morceaux, donner l’illusion de s’alimenter à la cantine comme à la maison par mille stratagèmes…

Bien sûr que moins manger, et prendre le temps, c’est mieux pour lutter contre le stress, préserver sa santé, sa ligne, l’environnement mais où mettre les limites ?

Avec ses cadrages très composés à la Wes Anderson, sa photo très travaillée, ses couleurs très tranchées, ses décors très hygiénistes - on se croirait dans un numéro du Elle déco spécial Ikea pour intérieurs luxueux, adeptes du “less is more” , Jessica Hausner propose
une réalisation très “control freak”, en accord avec l’orthorexie de son héroïne, qui nous tient à distance de l’émotion mais pas de la réflexion.

Car c’est bien le phénomène d’emprise sectaire que Jessica Hausner dénonce, à travers le mode alimentaire prôné par cette prof gourou, s’appuyant sur les “modes” de dernières années (régime paléo, jeûne, régime sans sucre, sans gluten, vegan…)

On pourrait être dans un épisode de Black Mirror, avec un côté décalé, mais tout aussi anxiogène, ambigu, qui instaure le malaise (notamment avec une scène qui nous soulève l’estomac et nous fait fermer les yeux)

C’est grinçant, on rit parfois jaune devant le désarroi des parents riches, éduqués, très égoïstes et totalement déconnectés de la réalité. La mère d’Elsa - jouée par Elsa Zylberstein - est peut-être le personnage qui suscite le plus le malaise par son obsession de sa propre image et son admiration pour le comportement anorexique de sa fille.

Oui, “Club zero” est aussi un film qui dépeint, de façon assez caricaturale, le désintérêt et l’égoïsme parental : on fait un enfant pour le standing social, on l’inscrit dans une bonne école et on ne se préoccupe pas de ses doutes, ses chagrins, ses joies.

Caricature accentuée par l’action d’un personnage : la seule personne qui n’appartient pas à un milieu aisé, va tirer la sonnette d’alarme sur les pratiques douteuses de Miss Novak et son influence néfaste sur ce petit groupe d’ados. Comme si seuls “les prolos” étaient attentifs à leurs enfants.

Un film mi-figue - mi-raisin pour sa description implacable du phénomène d’emprise et des dérives sectaires mais la mise en scène trop figée peine à faire évoluer les personnages.

Un mot de la musique, parfaite, qui utilise le gong pour passer d’une scène à l’autre comme pour annoncer la fin d’une séance de yoga ou de méditation.

Maintenant, ce film c’est comme pour un légume : pour savoir si on aime ou pas, il faut goûter.
A vous de voir si “Club Zero” vous laisse sur votre faim ou pas.



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