Genre : Biopic
Durée : 122’
Acteurs : Marisa Abela, Jack O’Connell, Eddie Marsan, Lesley Manville...
Synopsis :
"Back to Black" retrace la vie et la musique d’Amy Winehouse, à travers la création de l’un des albums les plus iconiques de notre temps, inspiré par son histoire d’amour passionnée et tourmentée avec Blake Fielder-Civil.
La critique de Julien
Attendu depuis longtemps, "Back to Black" est une biographie sur la chanteuse, autrice et compositrice Amy Winehouse, ayant tristement rejoint depuis le 23 juillet 2011 le célèbre "Club des 27", composé de figures de la musique mortes à l’âge de 27 ans, dont Jimi Hendrix, Janis Joplin, Jim Morrison ou encore Kurt Cobain. Alors que le documentaire "Amy" (2015) de Asif Kapadia s’était admirablement consacré à sa vie, lequel avait d’ailleurs remporté l’Oscar du meilleur documentaire, le film de la cinéaste britannique Sam Taylor-Johnson ("Cinquante Nuances de Grey", 2015), se concentre davantage sur la relation amoureuse toxique de la chanteuse avec son ex-mari Blake Fielder-Civil, celle-ci ayant été épinglée, à l’époque, par tous les tabloïds, tandis que le film revient évidemment sur ses problèmes de toxicomanie, d’alcoolisme et de boulimie, elle qui connu un succès mondial retentissant avec son second album "Back to Black" (2006), produit par Mark Ronson et Salaam Remi...
Si cela faisait des années que plusieurs cinéastes avaient tenté de s’emparer de la vie de la chanteuse, c’est seulement en 2018 que sa succession - que sont ses parents - a signé un accord pour un film sur Amy Winehouse, écrit alors par Matt Greenhalgh, lequel était déjà aux commandes du scénario du premier film "Nowhere Boy" (2009) de la réalisatrice. Or, on n’est pas certain que l’angle sentimental et amoureux entrepris par le film rende pleinement hommage au talent de l’artiste, ainsi qu’à la réalité des tragiques événements qu’elle a vécus, dont sa maladie et ses dépendances, lesquels annonçaient, à l’époque, imminemment sa mort. "Back to Black" broie dès lors bien plus de noir qu’il n’offre, d’une part, de projecteur à l’enregistrement de l’un des albums les plus vendus du début des années 2000, et d’autre part, qu’il ne sensibilise sur les déboires de l’interprète autrement donc qu’au travers de la relation amoureuse dévastatrice avec son ex-mari cocaïnomane, de plus ici d’un terrible ennui. Car le film pose en large responsable de sa chute leur séparation, alors que celle-ci souffrait déjà bien avant leur rencontre. D’ailleurs, en plus de mettre du temps à démarrer, on peine durant presque une heure à identifier (la carrière de) la chanteuse, dans ce qui s’apparente alors à un épisode secondaire des "Faux de l’Amour" (William Joseph Bell et Lee Phillip Bell, 1973), Amy Winehouse étant en proie à la relation tumultueuse qui la lie à Blake Fielder-Civil (Jack O’Connell, dans la peau d’un camé beaucoup trop gentil), lequel ira même jusqu’à retrouver son ex, face au comportement irritable d’Amy. Et le film ne fera la part des choses qu’à partir du décès de sa grand-mère paternelle, Cynthia, fortement considérée par la chanteuse, quitte à tatouer sur son bras une pin-up nommée Cynthia, au moment où elle trouvera alors l’inspiration d’enregistrer son album "Back to Black", à New York...
C’est donc seulement durant la seconde partie du film qu’on peut véritablement entendre ici la voix de la chanteuse, au son de celle de l’actrice Marisa Abela, et son joli minois, laquelle ressemble énormément de profil à la personnalité qu’elle interprète, avec beaucoup de force, mais aussi de faiblesse, relative à celle Amy Winehouse. Le film de Sam Taylor-Johnson, trop lisse, pardonne alors beaucoup aux comportements édulcorés de la chanteuse, tandis qu’il ne montre aucunement le rôle et l’implication de ses parents (et surtout de son père, Mitchell Winehouse, accusé pourtant d’avoir exploité sa fille et de ne pas l’avoir encouragée à suivre une cure de désintoxication) dans la chute de leur fille. Le film fait l’impasse sur le combat que ses beaux-parents ont mené à l’encontre des jeunes drogués mariés sur un coup de tête, alors que les premiers, à l’époque, appelaient au boycott de la musique de l’artiste, inquiétés par les craintes du suicide de l’un des deux époux, qui entraînerait indéniablement celui de l’autre. Difficile aussi de ne voir ici qu’une pipe à crack, quand on sait tout ce qu’a consommé Amy Winehouse, et quelques bouteilles, tandis que le métrage, à la limite du voyeurisme, invente même certaines crises de couple, photographiées ici par la presse people à scandale, laquelle avait pris possession des lieux où Amy Winehouse résidait, à Camden, attendant dès lors que l’oiseau sorte de son nid...
Mais là où "Back to Black" manque littéralement de sincérité, c’est dans son manque de musicalité. Ainsi, on reste durablement sur notre fin quant au talent musical d’Amy Winehouse, qui peine ici à sortir la tête hors de l’eau, elle qui n’écrivait - tel qu’on l’apprend ici - pas pour autrui, mais bien pour chasser ses démons. Mais trop peu de musique résonne dans ce biopic. Enfin, si la prestation de son actrice principale est sincère et appliquée, quelque chose nous dit qu’elle est sans doute trop éloignée de la véritable Amy Winehouse et ses nombreux comportements tant décriés à l’époque. Bref, "Back to Black" n’offre pas la lumière que méritait sans doute l’artiste partie trop tôt, laquelle retourne ici dans le noir...