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Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews sur la radio RCF Bruxelles (celle-ci n’est aucunement responsable du site ou de ses contenus et aucun lien contractuel ne les relie). Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques et en devient le principal rédacteur depuis 2022.

Alex Garland
Civil War
Sortie du film le 17 avril 2024
Article mis en ligne le 23 avril 2024

par Julien Brnl

Genre : Guerre, drame

Durée : 109’

Acteurs : Kirsten Dunst, Wagner Moura, Cailee Spaeny, Stephen McKinley Henderson, Jesse Plemons, Karl Glusman...

Synopsis :
Une guerre civile a éclaté aux États-Unis. Le pays tout entier est au bord de l’effondrement et dans un chaos total. Dans cette situation intense, un groupe de journalistes courageux est suivi alors qu’ils racontent - probablement - la plus grande histoire de leur vie : la fin inévitable des États-Unis tels que nous les connaissons.

La critique de Julien

Alex Garland est l’un de ces réalisateurs que l’on suit au pied de la lettre depuis ses débuts à la réalisation avec "Ex-Machina" (2014), lequel avait d’ailleurs remporté l’Oscar des meilleurs effets visuels à la 88e cérémonie des Oscars, en 2016. Cinéaste et romancier britannique reconnu, Garland s’était avant tout fait connaître pour avoir notamment écrit le scénario des films "28 Jours Plus Tard" et "Sunshine" (Danny Boyle, 2002 et 2007) ou encore de "Never Let Me Go" (Mark Romanek, 2010). Depuis, on lui doit également l’adaptation cinématographique du roman du même nom de Jeff VanderMeer, intitulé "Annihilation", laquelle était directement sortie chez nous en 2017 sur Netflix, ainsi que le fascinant et désopilant "Men (Eux)" (2022), portée par l’exceptionnelle Jessie Buckley. Or, "Civil War", qui est donc son quatrième long métrage, est sans aucun doute son film le plus urgent et accessible à ce jour, lequel s’inscrit ainsi dans une actualité chargée, soit à l’avant-veille de l’élection présidentielle du 5 novembre prochain, où les Américains, on ne peut plus divisés, ont rendez-vous avec leur avenir politique. Or, que se passerait-il si Trump - actuellement en plein procès - venait à être de nouveau élu après son premier mandat en 2016 (pour succéder ainsi à Joe Biden) ? Réponse métaphorique et musclée avec ce film porté par un casting hétéroclite, dont la très rare Kirsten Dunst (vue pour la dernière fois chez Jane Campion avec "The Power of the Dog" en 2021), par l’acteur brésilien Wagner Moura (Pablo Escobar dans la série Netflix "Narcos") mais également par la méconnaissable Cailee Spaeny, vue en ce début d’année dans la peau de Priscilla Presley dans le film éponyme de Sofia Coppola...

"Civil War" est un film d’action et de guerre dystopique qui plante son drapeau dans un futur indéterminé et vaniteux, alors que les États-Unis d’Amérique sont traversés par une guerre civile sans précédent, et cela entre le gouvernement autoritaire des États-Unis et diverses factions régionales (Ouest, Centre et Est), sans compter sur des pilleurs, nationalistes, loyalistes et autres miliciens, qui en profitent pour faire leur propre loi, sans n’être plus capables de s’arrêter d’appuyer sur la gâchette. Tandis que le Président des États (Nick Offerman) effectue un troisième mandat de suite après l’avoir brigué, tout en déclarant face caméra que "la victoire est proche", la célèbre photographe de guerre Lee Smith (Dunst, dont le nom de personnage fait référence à célèbre photojournaliste de la Seconde Guerre mondiale Lee Miller) sauvera la photojournaliste en herbe Jessie Cullen (Spaeny) d’un attentat-suicide à Brooklyn. Elles feront alors brièvement connaissance, tandis qu’il n’en faudra pas plus pour que Lee se reconnaisse fortement en elle lorsqu’elle était plus jeune. Mais alors que la chute imminente de Washington DC est annoncée, Lee et son collègue Joel auront l’intention de s’y rendre afin d’interviewer et de photographier le président. Une mission-suicide, donc, contre l’avis du mentor de Lee, Sammy (Stephen McKinley Henderson). Le trio embarquera alors au travers d’un périple, en passant par Charlottesville, où se rassemblent les Western Forces du Texas et de Californie. Sauf qu’à l’insu de Lee, la jeune Jessie convaincra Joel de l’emmener également avec eux...

"Allégorie de science-fiction à notre situation difficile actuellement polarisée" (d’après les propos recueillis par interview accordée au Daily Telegraph en mai dernier par son metteur en scène), "Civil War" n’est pas LE film d’action aussi clivant qu’annoncé, dans le sens où l’écriture de Garland est ici nébuleuse vis-à-vis du contexte de la guerre civile qui s’y joue, laquelle a d’ailleurs commencée bien avant le début du générique d’ouverture du film. Le film laisse alors planer le doute, faisant passer une quelconque volonté de message politique en second plan, Alex Garland ne se mouillant finalement que très peu. Ainsi, outre quelques lignes de dialogues et le rôle flou du Président des États-Unis, on ne sait pas vraiment qui sont fondamentalement ici les protagonistes et les antagonistes de cette guerre. Le film est plutôt une photographie de la vie d’hommes et femmes en temps de guerre, au plus près de celle-ci, vécue justement ici par le prisme du métier de photographes de guerre, lesquels risquent leur vie pour immortaliser la vérité, pour tenir responsables les actes de tout en chacun, et raconter aussi l’histoire de celles et ceux qui en seraient les oubliés, malgré leur héroïsme, que sont d’ailleurs ces professionnels, courageux et dévoués.

D’emblée, on a donc vu en "Civil War" une lettre d’amour au métier du journalisme de terrain, Kirsten Dunst campant cette figure avec un déterminisme à toute épreuve, mais au visage fermé, forgé par toutes les horreurs qu’elle a pu voir à travers ses objectifs, bien que l’arrivée de la jeune Jessie la troublera, laquelle lui rappellera ses débuts, alors qu’elle était encore qu’amateure, et peu précautionneuse. Sauf qu’ils ne peuvent ici risquer quoi que ce soit, alors que la dangerosité et la folie de leur mission pourraient les tuer. Notre rapport à l’image est également au centre de ce récit, par ledit métier en question, ses motivations, ces photographes tentant de capturer les moments les plus significatifs, les plus parlants, les plus dangereux et les plus choquants afin, d’une part, que l’Histoire s’en souvienne et, d’autre part, de gagner, à leur façon - très glaçante, leur vie...

Alex Garland nous emmène alors en road-trip où ladite équipe va rencontrer toutes sortes d’hommes armés, à leurs risques et périls, tandis que les reporters occuperont toujours une position politique neutre face à cette guerre, laquelle appuie dès lors ici la vision globale de la situation décrite dans le film, plutôt qu’une prise de position de la part de son metteur en scène. "Civil War" alterne alors entre pures scènes d’action et moments plus introspectifs, où les personnages de Kirsten Dunst et de Cailee Spaeny se révèlent davantage, tandis que le métrage prend la température ressentie dans différentes villes traversées par les photographes à bord de leur voiture, jusqu’au siège nerveux et absolument impressionnant de la Maison Blanche (et le trophée à y récupérer). Une scène qui rappelle d’ailleurs, à bien des égards, la prise du Capitole par les militants trumpistes à la date du 6 janvier 2021, revendiquant les résultats de l’élection présidentielle américaine de 2020...

S’il est donc question d’une guerre frontale, entraînant tout un pays au bord du gouffre, le film d’Alex Garland est également le témoin en images du chaos engendré par l’utilisation des armes, dans un pays où le droit d’en porter une est un droit constitutionnel, explicité dans le deuxième amendement de la Constitution des États-Unis. Car la violence engendre la violence, laquelle se démarque et se ressent ici au travers des événements, notamment lorsque les personnages tentent d’échapper à un tireur fou. Ici, finalement, tout semble possible, même le pire de l’humanité, justement à feu et à sang...

Enfin, "Civil War" s’avère être dans sa démarche de mise en scène une œuvre d’un réalisme confondant, que l’on croirait d’ailleurs parfois issue du documentaire contemplatif. Car ce dernier se vit aussi bien une arme à la main qu’un simple appareil photo, tandis que le montage intègre très souvent des séquences précédemment capturées par Lee, nous donnant ainsi à les vivre à notre tour, comme si ces dernières la hantaient en parallèle de ce qui se joue devant son regard. On se retrouve dès lors happé par cette curieuse et inquiétante histoire, qu’on espère nullement anticipative...



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