Genre : Drame
Durée : 141’
Acteurs : Aunjanue Ellis, Jon Bernthal, Vera Farmiga, Niecy Nash, Nick Offerman, Connie Nielsen, Blair Underwood, Finn Wittrock...
Synopsis :
L’auteure Isabel Wilkerson écrit son livre fondateur "Caste : The Origins of Our Discontents" tout en faisant face à une tragédie personnelle.
La critique express de Julien
Le nom d’Isabel Wilkerson ne vous dit peut-être rien, et pourtant... Journaliste américaine, celle-ci a été la première femme d’origine afro-américaine à remporter le prix Pulitzer (en 1994) de journalisme, alors qu’elle était chef du bureau de Chicago du New York Times, laquelle a dès lors continué sur sa lancée, et signé deux best-sellers, dont son premier livre "The Warmth of Other Suns : The Epic Story of America’s Great Migration", publié en 2010, pour lequel elle a interviewé plus de mille Afro-Américains sur plus de quinze années, et au travers duquel elle documentait les trois routes géographiques couramment empruntées par les Afro-Américains quittant les États du Sud pour se rendre alors vers ceux du Nord et/ou de l’Ouest, et cela entre 1915 et les années 1970. C’est en 2020 qu’elle publia ensuite "Caste : The Origins of Our Discontents", décrivant le racisme systématique aux États-Unis comme un aspect d’un système hiérarchique de stratification sociale par castes (différent selon l’auteure de la construction sociale de race ; "La caste est l’ossature. La race est la peau.") à l’échelle de la société, alors caractérisé par des notions telles que la hiérarchie, l’inclusion et l’exclusion, ou encore la pureté (huit piliers de caste au total), et comparables alors à ceux de l’Inde ou de l’Allemagne nazie. Réalisé par la cinéaste afro-américaine Ava Duvernay, à qui l’on doit notamment "Selma" (2014) ou encore le faux pas chez Disney avec "A Wrinkle in Time" (2018), "Origin" est justement l’adaptation de ce récit non fictionnel, conçu à la suite de drames personnels vécus par Isabel Wilkerson, dont le décès de son second mari. Injustement boudé aux États-Unis par toute l’industrie hollywoodienne [1], faute notamment de sa stratégie limitée de distribution (au plus sur 664 cinémas, par Neon), mais sans doute encore plus par la mainmise du racisme d’état qui sévit toujours aux États-Unis...
D’emblée, "Origin" est un film avec un intérêt sociétal évident, lequel nous invite à se questionner sur le sectarisme qui sévit toujours dans nos sociétés, dont en Inde, et principalement ici aux États-Unis, et cela afin de mieux comprendre nos agissements humains quant aux injustices qui régissent nos vies en société et entre individus, pour ainsi ne plus les reproduire. Le film d’Ava Duvernay se regarde alors à la fois comme un drame intense et une reconstitution semi-biographique, un peu à la façon d’un faux documentaire. Interpellant et pédagogique dans sa manière de faire écho aux recherches menées par Isabel Wilkerson, et l’ayant ainsi mené à écrire son second ouvrage multirécompensé, "Origin" met en évidence le racisme systémique américain comme l’une des résultantes d’un système de castes, qu’elle distingue de la "race". Entre intimité, concepts théoriques et collectif, on y suit alors une multitude de rencontres et faits divers (parfois sous forme de flash-back scolaires) ayant contribué à édifier son récit, établissant, par exemple, un lien pour le moins inquiétant - et de prime abord insensé - entre l’extermination des Amérindiens par les Américains et l’Allemagne nazie d’Hitler dans sa propre extermination du peuple juif...
Bien que sa démarche soit on ne peut plus pertinente et nécessaire, la cinéaste Ava Duvernay a pourtant du mal à trouver sa propre voix face à cet ambitieux projet cinématographique (et initialement littéraire), et surtout à approfondir son sujet, à le faire véritablement peser dans la balance, à le faire vivre autant qu’entre les lignes du bouquin d’Isabel Wilkerson, ou autrement que par l’évocation, telle une clef de solution d’une équation impossible, et de plus sans éviter la corde sensible. Film hybride, expérimental, son récit est alors alourdi par le point de vue trop personnel du scénario, au travers des allers-retours et drames familiaux vécus à l’époque par Isabel Wilkerson, qu’Aunjanue Ellis-Taylor interprète avec énormément d’inspiration et d’émotion. On ressort alors de la vision du film avec la curieuse sensation d’avoir vu une œuvre bien plus fondamentalement importante dans ce qu’elle essaie de nous dire que par sa manière diluée de nous le dire...