Genre : Comédie dramatique
Durée : 101’
Acteurs : Nicolas Cage, Julianne Nicholson, Michael Cera, Tim Meadows, Dylan Gelula, Dylan Baker...
Synopsis :
Paul Matthews, professeur ordinaire et loser solitaire, devient une célébrité adulée du jour au lendemain lorsqu’il apparaît soudainement dans les rêves de millions de gens. Il n’a aucune idée du comment ni du pourquoi, mais ça ne le dérange pas le moins du monde. Les étudiants viennent enfin suivre ses cours, des grandes marques lui proposent des contrats et sa relation avec sa femme n’a jamais été aussi bonne. Mais ces apparitions nocturnes deviennent sombres et se transforment en cauchemars épouvantables.
La critique de Julien
C’est l’été dernier que sortait (enfin) sur nos écrans le premier film du cinéaste norvégien Kristoffer Borgli, intitulé "Sick of Myself", après avoir été présenté dans la section Un Certain Regard au Festival de Cannes... 2022 ! Comédie dramatique aussi jouissive, cynique qu’insoutenable, celle-ci traitait de notre soif insatiable de notoriété, d’écoute, et cela peu en importe le prix à payer. Et c’est justement une demoiselle effacée (Kristine Kujath Thorp) qui allait en faire les frais, laquelle se rendait volontairement malade par la prise de médicaments illégaux (aux dangereux effets secondaires), et cela afin qu’on la victimise, qu’on lui porte de l’attention, et qu’elle devienne même célèbre, jusqu’à perdre totalement le contrôle de la situation. Fort du succès de ce film, qui faisait d’ailleurs partie des meilleurs qu’on ait vus l’année passée, le réalisateur a pu tourner à Toronto son second métrage, "Dream Scenario", lequel a même obtenu une nomination pour le Golden Globe du meilleur acteur dans un film musical ou une comédie pour le seul et unique Nicolas Cage. L’acteur caméléon y joue alors un professeur de biologie et père de famille ordinaire (pour ne pas dire insignifiant), lequel va se mettre à apparaître de manière inexpliquée et impassible dans les rêves de personnes aléatoires, ce qui fera de lui une célébrité médiatique, malgré lui, avant d’y goûter... Car celle-ci pourrait bien lui servir de tremplin pour publier son livre. Mais que se passerait-il si lesdits rêves viraient en cauchemars sadiques ?
Décidément, la question de la célébrité taraude et inspire le cinéaste Kristoffer Borgli, confrontant ici un homme lambda aux aspects les plus incontrôlables, impartiaux et opposés des projecteurs. Car ce qu’il arrivera ici à cet honnête homme est un véritable lynchage social illégitime, lequel fait écho à la manière dont notre société vilipende et pointe du doigt à tout-va, que ça soit par soupçon et méfiance, sans prendre le temps de regarder les choses en face, et réalisme. On y établit dès lors un parallèle avec les réseaux sociaux et les médias, où le bashing, la cancel culture ou encore les fake news font beaucoup de dégâts, sans en mesurer les conséquences sur les victimes (dans ce cas-ci innocente). Autrement dit, sans n’avoir rien demandé, cet homme passera rapidement, et sans aucune pitié, du statut de star adulée à celui de persona non grata...
Coproduit par Ari Aster ("Midsommar", "Hérédité", et l’inclassable - et décevant - "Beau Is Afraid"), "Dream Scenario" se veut beaucoup moins incisif et mordant que l’était son premier film, sans doute son metteur en scène ayant eu moins de libertés artistiques quant à son projet, pourtant produit par les studios A24, réputés pour laisser libre recours à ses réalisateurs. Mais "Dream Scenario" se révèle à son avantage plus dramatique, plus empathique dans sa construction. Il en demeure ainsi une œuvre perturbante, pertinente, qui laisse songeuse quant à la tournure du monde dans lequel on vit, et la technologie qui y est sans cesse développée, laquelle fait ici du rêve un terrain de jeu publicitaire... Inquiétant !
Sur base d’un pitch irréaliste, Kristoffer Borgli dresse alors un constat alarmant en plongeant son personnage dans une spirale infernale et processus de destruction de l’individu, l’isolant dès lors du monde comme s’il était la peste incarnée. Mais le pire ici est sans doute la rapidité avec laquelle cette effroyable et lâche folie passagère s’arrêtera, soit aussi vite qu’elle est apparue, tout en ayant détruit au passage la vie de ce pauvre homme, incarné par un exceptionnel Nicolas Cage, aussi délirant qu’émouvant. Quant à la mise en scène hallucinatoire et cauchemardesque de Kristoffer Borgli, elle participe au sentiment d’injustice et d’étouffement qu’y subit son antihéros des temps modernes. Et même s’il ne fait que provoquer son sujet bouillant, "Dream Scenario" prouve une fois de plus tout le bien que l’on place chez son réalisateur à suivre...