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CINECURE
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Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews sur la radio RCF Bruxelles (celle-ci n’est aucunement responsable du site ou de ses contenus et aucun lien contractuel ne les relie). Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques et en devient le principal rédacteur depuis 2022.

James Hawes
Une Vie (One Life)
Sortie du film le 21 février 2024
Article mis en ligne le 29 février 2024

par Julien Brnl

Genre : Drame, biographie

Durée : 110’

Acteurs : Anthony Hopkins, Johnny Flynn, Helena Bonham Carter, Jonathan Pryce, Ziggy Heath, Romola Garai, Lena Olin, Alex Sharp, Samantha Spiro...

Synopsis :
’One Life’ raconte l’histoire vraie de Sir Nicholas Winton. Son action à la veille de la Seconde Guerre mondiale a permis de sauver plus de 600 enfants des mains des nazis. Pendant plusieurs années et avec plusieurs amis, il a oeuvré pour faire venir les enfants au Royaume-Uni pour qu’ils y soient en sécurité. Nombre d’entre eux y ont été adoptés par des familles britanniques. 50 ans plus tard, en 1998, Nicholas se reproche néanmoins de ne pas avoir fait assez pour sauver tous les enfants. Ce n’est que lorsque le programme TV "That’s Life !" de la BBC l’invite à venir en plateau qu’il semble enfin commencer à se distancer de ce sentiment de culpabilité et de la peine qu’il ressent depuis cinq décennies.

La critique de Julien

"Qui sauve une vie, sauve le monde." Adapté de l’ouvrage "If It’s Not Impossible…The Life of Sir Nicholas Winton" (2014) de Barbara Winton, basé sur la vie de son père Sir Nicholas Winton (1909-2015), "Une Vie" nous raconte comment cet ancien courtier britannique a sauvé d’une mort certaine 669 enfants tchécoslovaques (juifs pour la plupart) à la veille de la Seconde Guerre mondiale, depuis la région des Sudètes, cédée par les Alliés à l’Allemagne en septembre 1938 lors des accords de Munich, en en privant ainsi les Juifs de leurs droits. En effet, plutôt que de se rendre en Suisse pour des vacances au ski, Winton a préféré répondre à l’appel à l’aide de Marie Schmolka et Doreen Warriner, travaillant au bureau de Prague du Comité britannique pour les réfugiés de Tchécoslovaquie (BCRC), et d’y rejoindre par la même occasion son ami Martin Blake (maître à la Westminster School), s’y trouvant déjà, en tant qu’associé du Comité. Horrifié par les conditions de vie des familles dans les camps de réfugiés, il n’en fallut pas plus à Winton pour se décider à les aider, malgré la complexité de la démarche, et le danger. Tandis qu’il ne resta que peu de temps à Prague, ce dernier fut notamment aidé au pays par sa propre mère, Barbara, elle-même migrante juive allemande convertie depuis à l’Église anglicane. Winton et ses collaborateurs durent ainsi surmonter bien des obstacles, dont bureaucratiques, mais aussi collecter des dons ou chercher des familles d’accueil anglaises pour les enfants, le tout dans un laps de temps compté, tant que les frontières étaient encore ouvertes, avant l’inévitable invasion nazie. Réalisateur de séries télévisuelles, James Hawes passe ici pour la première fois au cinéma, et rend avec son film un bel hommage à cet homme, dont les agissements sont pourtant restés inconnus durant près de cinquante ans, lequel est campé - à la demande de la fille Barbara Winton - par Sir Anthony Hopkins...

Tandis que cette opération porte aujourd’hui le nom de "Czech Kindertransport", c’est donc seulement en 1988 que celle-ci a été révélée, et cela en direct, sur la BBC, dans l’émission "That’s Life !" (1973-1994), ce qui a dès lors permis à certains enfants - devenus des (grands-)parents - de mettre enfin un visage sur celui qui les a sauvés, et de le rencontrer. James Hawes filme alors ici Anthony Hopkins jouer un homme hanté par la culpabilité et le chagrin n’a avoir pu tous les sauver [1], alors gentiment invité à faire du tri dans ses papiers à la demande de son épouse (Lena Olin). C’est ainsi qui remettra la main sur un album détaillé contenant des listes d’enfants, y compris les noms de leurs parents, et les noms et adresses des familles qui les ont accueillis à l’époque. Touché par le sort des réfugiés, et donc par l’envie de mettre en lumière cette histoire, Winton donnera ledit album à une chercheuse sur l’Holocauste, épouse d’un magnat des médias, jusqu’à ce qu’il atterrisse finalement dans une émission sur la BBC, où la surprise n’en fut que plus grande lorsque Winton découvrit des enfants survivants invités parmi le public...

En jouant fluidement sur deux périodes de temps complémentaires et indissociables de la vie de ce héros de guerre, "One Life" parvient manifestement à émouvoir le spectateur. Sa reconstitution de l’époque, les visages photographiés de ces enfants ou la course contre la montre qu’il met en scène font de son film une œuvre vibrante et inspirante, même si Winton n’a, par exemple, pas accompagné les enfants durant les transports en train, n’a jamais mis les pieds dans la gare principale de Prague (contrairement à ce que le film nous montre et l’affiche officielle du film, tandis qu’une statue de lui y est érigée), n’a jamais rencontré la Gestapo, n’a pas utilisé son propre argent et, plus important encore, n’a jamais agi seul. Sauf qu’au moment de la révélation de cette histoire, la majorité des autres intervenants étaient déjà décédés, sans donc avoir été reconnus. Mais avec sa grande humilité, décence et humanité, Winton n’a jamais cessé de clamer leurs mérites et leurs rôles déterminants à ses côtés. Surnommé "Nicky" ainsi que le "British Schindler" et fait notamment chevalier par la reine Elizabeth II pour "services rendus à l’humanité, en sauvant les enfants juifs de la Tchécoslovaquie occupée par les nazis", Nicholas Winton faisait ainsi partie de ces personnes ayant œuvré dans l’ombre pour sauver des vies en temps de guerre. Or, quand entend lors d’une réplique du film qu’on estime que moins de 200 enfants tchèques et juifs sur les 15 000 faisant partie des listes établies ont survécu, et que Winton et ses collaborateurs en ont sauvé 669, on peut dire qu’il s’agit là d’un véritable miracle, d’un véritable acte de foi.

Comme d’accoutumé, Anthony Hopkins est émouvant et mesuré dans son rôle, tandis que la mise en scène de James Hawes n’en fait pas des tonnes, malgré quelques volontaires déformations de la réalité, notamment vis-à-vis des interventions directes de Nicholas Winton sur place (alors qu’il n’y est pourtant resté que quelques semaines, sans effectuer donc d’aller-retour), tandis que le scénario restent assez flou sur l’envers du décor, notamment lors du transport des enfants vers l’Angleterre. Helena Bonham Carter, charismatique, fait également partie du casting du film, dans le rôle de la mère très persuasive du Monsieur, et cela lorsque l’intrigue se déroule en 1938. Johnny Flynn, dans la peau de Winton "jeune", n’est pas en reste, mais s’avère tout de même bien lisse dans son jeu comparativement à son homologue âgé. Car c’est véritablement lorsque Winton se retrouve (enfin) confronté cinquante ans après les faits aux dizaines d’enfants qu’il a - en partie - sauvés que "One Life" touche en plein cœur. Le film résonne alors particulièrement avec l’actualité, et prône la rédemption, l’espoir, l’égalité des chances qui que l’on soit, où que l’on soit, et qui nous dit bien que toutes les vies méritent ainsi d’être sauvées...



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