Genre : Drame
Durée : 99’
Acteurs : Daniel Auteuil, Emmanuelle Devos, Jeanne Cherhal, Matthieux Galoux, Louise Chevillotte...
Synopsis :
Silencieuse depuis 25 ans, Astrid, la femme d’un célèbre avocat, voit son équilibre familial s’effondrer lorsque ses enfants se mettent en quête de justice...
La critique express de Julien
Et si "Un Silence" était le meilleur film du cinéaste belge Joachim Lafosse ? Après "L’Économie du couple" (2016), "Continuer" (2018) et "Les Intranquilles" (2021), le metteur en scène poursuit son cinéma de l’intime, en s’inspirant ici de l’affaire Hissel, du nom de l’ex-conseil et avocat hyper médiatisé des parties civiles dans l’affaire Dutroux, condamné en octobre 2010 à 10 mois de prison ferme avec sursis de 5 ans pour détention d’images pédopornographiques. Et c’est Daniel Auteuil qui joue ici une libre interprétation de ce dernier, dans la peau de François Schaar, avocat héroïque pour une affaire très médiatisée qu’il défend. Sauf que celle-ci va faire remonter des démons du passé le concernant, en étroit lien avec ladite affaire. Or, c’est par le prisme du regard de son épouse, jouée ici par Emmanuelle Devos, que le réalisateur nous immerge dans ce drame sous tension, ainsi que par l’éclatement de la vérité au sujet du patriarche aux yeux de leurs enfants, dont de leur fils ado (Matthieux Galoux), découvrant la honte familiale cachée sous un silence par ses parents depuis trop d’années...
Joachim Lafosse dissèque donc une fois de plus les tumultes familiaux et la complexité humaine, lesquels sont au cœur de "Un Silence", sans doute son film le plus dosé, et noir. Car en plus d’un lourd secret familial se cache ici une inéluctable histoire de déconstruction filiation, par la découverte de la criminalité d’un père par un fils, lequel l’avait toujours placé sur un piédestal. Mais il est aussi question de vérité étouffée ou dite littéralement en toute transparence, sans en mesurer l’ampleur, par une épouse tue, laquelle va seulement maintenant ouvrir les yeux, et accepter comment elle a pu en arriver là, et s’être refusée durant tout ce temps, par amour ou peur de remettre en question l’ordre établi, d’accepter l’impensable concernant son mari. C’est donc également d’un combat pour la dignité retrouvée dont il est aussi question ici.
Se dévoilant à pas de loup, par fragments et nuances, l’intrigue du film laisse place à d’irréprochables et sombres jeux de lumière, la vérité étant tapissée dans l’ombre d’un homme, se terrant dans sa demeure familiale bourgeoise. Pour sa septième collaboration avec le directeur de la photographie Jean François Hensgens, Joachim Lafosse prime alors sur la puissance et l’évocation du hors-champ plutôt que sur le sensationnel, ce qui fait toute la force et l’horreur sous-jacente, mais terrassante, de son film. Les dialogues, précis, évocateurs et dépouillés de tout artifice sont également au service du déroulé de cette froide et glaçante histoire, alors portée par de formidables acteurs dans la peau de personnages aux apparences trompeuses, alors empreints d’un profond malaise. Bref, un film qui ne laisse pas indifférent, et d’une implacable maîtrise !