Synopsis : Priscilla a 14 ans lorsqu’elle rencontre Elvis, 24 ans, sur une base militaire en Allemagne. Celui qui est déjà une star internationale du rock’n’roll et la jeune collégienne tombent follement amoureux. Mais leurs vies sont trop éloignées pour envisager un avenir commun. Jusqu’à ce qu’Elvis invite Priscilla à Graceland, sa luxueuse propriété. Mais la vie auprès d’Elvis est-elle un conte de fées ?
Points particuliers :
- Caylee Spaeny a remporté la Coupe Volpi de la Meilleure actrice au Festival de Venise 2023.
- Pour écrire le scénario, Sofia Coppola s’est principalement appuyée sur les mémoires “Elvis et moi” de Priscilla Presley, publiées en 1985
- Sofia Coppola n’a pas eu le droit d’utiliser les chansons du King pour un film retraçant la vie de son épouse et son point de vue sur leur histoire d’amour.
- C’est le groupe Phoenix (de son mari, Thomas Mars) - qui collabore sur tous ses films depuis “Virgin Suicides” en 1999 - qui a travaillé sur plusieurs versions de la chanson “Venus”, de Frankie Avalon, chanson de la rencontre de Priscilla et Elvis.
- Elvis a fait complètement rénover Graceland au milieu des années 70, après le départ de Priscilla. Le manoir actuel est donc très différent de celui montré dans le film.
Dès le premier plan - orteils étincelants de vernis rouge, marchant nonchalamment sur une épaisse moquette blanche - on se dit “ah ! quelle joie de retrouver l’univers de Sofia Coppola”.
La réalisatrice américaine ne pouvait qu’être fascinée et intéressée par le fait de filmer une adolescente timide et effacée, vivant ce qui semble être un enchantement : vivre une histoire d’amour - car c’en est une, quels qu’en aient été les ressorts - avec son idole et partager son quotidien dans son château. Ne me dites pas que Graceland n’a jamais évoqué pour vous le nom d’un château de contes de fées !
Il y a dans la vie de Priscilla, tous les thèmes chers à Sofia Coppola : l’ennui, la solitude, le passage délicat à l’âge adulte.
Comment grandir, comment s’affirmer, comment se construire quand votre premier amour est le King ?
Un King profondément affecté par la mort de sa mère au moment où il rencontre Priscilla.
C’est peut-être parce que l’image omniprésente et sainte de sa mère se superpose à celle de cette jeune fille, mature pour son âge, mais innocente et vulnérable, que leur relation amoureuse débute vraiment sur un pied d’égalité : il la respecte, l’écoute attentivement, elle comprend parfaitement sa détresse et sa solitude.
C’est la partie la plus touchante du film.
Ensuite, l’idylle toujours cachée s’épanouit dans ce qui a tout d’un décor de contes de fées, sans en avoir pour autant la nature.
Et Sofia Coppola n’a pas son pareil pour filmer l’ennui, la vacuité, le vide, la prison dorée dans laquelle évolue Priscilla, façonnée petit à petit par les exigences d’Elvis - ses tenues, sa coiffure, son maquillage…il choisit tout, et la coupe de tout contact extérieur - tout en y apportant des touches d’humour : les revolvers que le King lui offre sont assortis à la couleur de ses robes, les religieuses si strictes de l’école catholique de la jeune fille, remercient le Seigneur pour le jeu de hanches d’Elvis, venu chercher son amoureuse à sa remise de diplômes.
Oui, le déséquilibre qui s’installe subrepticement dans leur relation, le phénomène d’emprise sont bien montrés, et pourtant il manque quelque chose.
Ce qui aurait été vraiment intéressant, puisqu’il s’agit autant d’un film sur une méprise, celle du conte de fées qui n’en est pas un, que d’un film sur l’emprise, c’est de suivre Priscilla au moment où elle quitte Elvis.
De voir comment elle devient enfin Priscilla, après avoir été Priscilla Beaulieu, fille de, et Priscilla Presley, femme de.
Or, le film s’arrête là.
Et comme on connaît le talent de Sofia Coppola à filmer l’éclosion d’une identité, l’affirmation d’une personnalité, on peut être un peu frustrés de ne pas avoir eu ce moment clé, cette bascule cruciale dans une vie.
Il est important de dire que les acteurs sont absolument remarquables : mention toute particulière à Cailee Spaney, fabuleuse, impressionnante, stupéfiante, qui incarne aussi parfaitement Priscilla à 14 ans qu’à 27 ans, avec un naturel renversant.
Et si Jacob Elordi ne ressemble pas spécialement, physiquement, au King, il en a les mimiques, les regards, les gestes et compose un Elvis totalement bluffant. On ne se pose pas une seule fois la question si c’est bien lui ou non, tellement il est le King. Un King loin de l’idole, mais plus proche de l’homme avec ses failles, ses vulnérabilités, ses doutes.
C’est d’ailleurs là, l’autre point faible : le portrait peu flatteur d’Elvis. Le scénario charge vraiment la barque !
Même s’il ne faut pas oublier que c’est le point de vue d’une femme amoureuse qui a souffert de son comportement, le film ne nous montre que les mauvais côtés : possessif, violent, frustré, autoritaire, capricieux, manipulateur.
Lisa Marie, sa fille décédée l’an dernier, avait eu le temps de lire le scénario et s’était montrée assez critique sur cette vision trop réductrice d’Elvis, son père qu’elle a tout de même connu jusqu’à ses 9 ans.
Malgré ces bémols, il faut souligner que Sofia Coppola sait merveilleusement capter et filmer, par mille petits détails (le vanity beauté de Priscilla à son arrivée à Graceland) ce délicat passage, presque impalpable de petite jeune fille à jeune femme qui grandit, ose maladroitement affirmer son désir face à son homme.
Et pour ses portraits de jeunes filles, elle sera toujours une Queen.