Genre : Biopic, film historique
Durée : 158’
Acteurs : Joaquin Phoenix, Vanessa Kirby, Tahar Rahim, Ludivine Sagnier, Ian McNeice, Paul Rhys...
Synopsis :
Le film retrace la conquête acharnée du pouvoir par l’Empereur Napoléon Bonaparte à travers le prisme de ses rapports passionnels et tourmentés avec Joséphine, le grand amour de sa vie.
La critique de Julien
Alors qu’une version longue de quatre heures devrait voir le jour d’ici quelques mois sur AppleTV+ étant donné qu’Appel Studios a coproduit le film, le "Napoléon" de Ridley Scott débarque d’abord dans nos salles de cinéma, lequel dure tout de même plus de deux heures et trente minutes. Pas assez sans doute pour résumer l’ascension fulgurante, la personnalité, l’idylle amoureuse de sa vie, les victoires et la chute de Napoléon Bonaparte, joué ici par Joaquin Phoenix. De plus, bien que la trame de fond et la plupart des événements soient ici bien réels, le film, écrit par David Scarpa ("Tout l’Argent du Monde", déjà de Ridley Scott), présente de nombreux manquements, des inexactitudes, des incohérences, en témoigne, par exemple, la scène d’ouverture où, jeune officier de l’armée française, Napoléon assiste, parmi la foule, à l’exécution de Marie-Antoinette, à la date du 16 octobre 1793. Phoenix, âgé alors de 49 ans, en a 25 de plus que le protagoniste qu’il interprète, au moment des faits, alors qu’il n’était, de plus, pas à Paris, mais bien dans le sud de la France, en train de préparer le siège de Toulon. Aussi, l’acteur oscarisé a ici quatorze ans de plus que sa muse, Joséphine de Beauharnais, jouée par Vanessa Kirby, laquelle, dans la réalité, avait pourtant six ans de plus que lui. Cherchez l’erreur, si ce n’est celle qu’à Hollywood, les hommes de pouvoir doivent systématiquement être plus âgés que leurs conquêtes féminines...
"Napoléon" revient ainsi sur les grandes étapes de la carrière du célèbre personnage, du siège de Toulon jusqu’en Égypte et la bataille des Pyramides, en passant par son couronnement en tant qu’empereur des Français par le pape (bien qu’il saisira lui-même la couronne reposant sur l’autel pour la déposer sur sa tête), sans oublier la bataille d’Austerlitz, celle de la Moskova, son exil sur la principauté de l’île d’Elbe, ou encore la bataille de Waterloo en juin 1815, où il fut battu par les Britanniques, ce qui le mènera définitivement à l’exil sur l’île de Sainte-Hélène, où il mourut en 1821. Le film fait tout de même omission, par exemple, de la loi du 20 mai 1802, où Napoléon rétablit l’esclavage, ou encore de l’œuvre juridique et politique de Bonaparte, comme la promulgation du Code civil, la création de plusieurs institutions de la Banque de France, ou encore du Conseil d’État. D’ailleurs, force est de constater que Ridley Scott s’est plus intéressé ici à l’homme qui se cache sous le couvre-chef plutôt qu’au stratège et conquérant ; les finalités de ses missions militaires n’étant ici que peu exploitées, tout comme peu contextualisées, notamment d’un point de vue géopolitique. Mais le film s’applique surtout à aligner artificiellement les dates (parfois fausses) et événements majeurs, tout en prenant comme point d’ancrage la relation amoureuse, obsessionnelle et tumultueuse de Napoléon avec Joséphine de Beauharnais, laquelle, il est vrai, l’a aidé à gagner du pouvoir, de par son passé, bien qu’ils se heurteront, par contre, dans leur mariage, à leur incapacité d’avoir un héritier...
Avec ses nombreuses ruptures de ton et dialogues, "Napoléon" n’est pas le genre de film qu’il faut regarder tard le soir, sous peine de s’endormir devant. Même si les batailles demeurent impressionnantes, dont celle de Waterloo, l’ensemble est plutôt mou du genou, tout comme l’est le Napoléon de Joaquin Phoenix, apathique, et qu’on a connu plus expressif. Ici, devant la caméra de Ridley Scott, l’Empereur n’est qu’un clown capricieux et bilieux, dont l’ambition n’est, selon nous, pas assez nourrie par le jeu de l’acteur. Vanessa Kirby s’en sort bien mieux, dans la peau de Joséphine de Beauharnais, elle qui l’a trompée aussitôt son absence avérée pour l’Italie, bien qu’il en fera de même par le futur. Par échanges épistolaires, lus en voix-off, à intervalles réguliers, le récit nous fait part alors des difficultés pour les mariés d’entretenir leur relation, à distance, tout comme de l’inéluctabilité stérile de leur relation, devenant une affaire d’État, laquelle mènera à leur divorce, multiplié par les infidélités de Napoléon, lequel souhaite un héritier légitime. Le film fait aussi passer Napoléon pour un meneur de troupes inconscient et meurtrier, étant donné un décompte fantaisiste de morts dans le générique de fin. Mais pourquoi donc exagérer la chose ? Ridley Scott n’a-t-il que faire de son personnage, jusqu’à le négliger ? Une chose est certaine, le "Napoléon" du réalisateur n’a pas l’étoffe ni la carrure de celui qu’il raconte. Reste un film historique XXL avec de gros moyens, romancé au possible ; un film américain modifiant et s’appropriant, à sa guise, l’Histoire, quitte à s’attirer les foudres des historiens...