Genre : Drame
Durée : 93’
Acteurs : Fabrice Luchini, Mara Taquin, Maud Wyler, Veerle Baetens...
Synopsis :
Joseph apprend que son fils et le compagnon de celui-ci viennent de périr dans un accident. Ils attendaient un enfant via une mère porteuse en Belgique. Que va devenir leur futur bébé ? Joseph en est-il le grand-père légitime ? Porté par la promesse de cette naissance qui va prolonger l’existence de son fils, le sexagénaire part à la rencontre de la jeune flamande au caractère farouche et indomptable...
La critique de Julien
La dernière fois que nous avons découvert sur grand écran un film de Guillaume Nicloux, c’était en 2018, avec "Les Confins du Monde", porté par le regretté Gaspard Ulliel. Or, depuis, le réalisateur, scénariste et romancier a mis en scène deux autres films restés inédits chez nous ("Thalasso" en 2019 et "La Tour" l’année dernière). Avec sa filmographie éclectique, le cinéaste s’était déjà essayé à - plus au moins - tous les genres, lequel revient ici à celui du drame, plus conventionnel, avec "La Petite", lequel est librement adapté du roman "Le Berceau" (2019) de Fanny Chesnel, dans lequel un ébéniste taciturne et chauvin, déjà éprouvé par la disparition de son épouse, va perdre à son tour son fils, dans un accident d’avion, abîmé en mer, alors qu’il était accompagné de son gendre. Sauf que les deux hommes allaient devenir pères, par GPA (Gestation Par Autrui), pourtant interdite en France. C’est alors en Belgique, où la GPA est éthiquement acceptée (mais sans cadre juridique), que les deux hommes se sont lancés dans cette aventure. Le sexagénaire se mettra alors à rechercher la mère porteuse (flamande) qui attendait cet enfant, lequel prolongera, quelque part, l’existence de son fils, dont le corps n’a pas été retrouvé...
Deuil, filiation, résilience : "La Petite" est un drame au travers duquel un père ayant l’impression d’avoir été transparent aux yeux de son fils (de par son métier) va tenter de renouer avec ce dernier par la naissance prochaine de son petit-enfant. Sauf que cet homme ne sait presque rien de celle qui le porte, tout comme il ne sait si elle va vouloir le garder. Exit donc le Canada du livre de Fanny Chesnel, et bienvenue à Anvers, où Joseph tentera de trouver cette demoiselle, à l’aide - à distance - de sa fille dévouée (Maud Wyler), laquelle a pu accéder aux mails de son frère disparu, bien que frustrée quant à elle d’avoir été moins considérée dans sa fratrie. C’est là-bas qu’il rencontrera alors Rita (l’actrice belge Mara Taquin), elle qui est déjà la mère d’une petite fille, et qui espérait alors réaliser ses projets avec l’argent (en noir) qu’elle allait recevoir du couple. En colère, cette dernière sera dès lors très réticente à la venue de cet homme, lequel n’a, en plus, pas de lien juridique établi avec cet enfant...
"La Petite" traite alors de la GPA, que beaucoup voient comme une marchandisation du corps de la femme, au même titre que la prostitution, alors que d’autres la voient plutôt comme une chance pour des parents "d’intention" de le devenir. Technique de procréation médicalement assistée, le film de Guillaume Nicloux ne se positionne ni pour ni contre celle-ci, alors que le spectateur, lui, ne sait pas trop où se mettre entre cet homme de 68 ans qui agit par intuition et filiation, et cette jeune mère irresponsable confrontée aujourd’hui à une situation embarrassante, sans avoir pu prévoir ce qui lui arrive. Le film nous montre alors le combat d’un homme qui n’a d’autre choix éthique que de prendre à bras-le-corps l’arrivée prochaine de sa descendance (même si c’est plus compliqué que ça), sans qu’il ne soit question de l’abandonner, mais bien de lui offrir un berceau, au contraire des parents du compagnon de son fils, hostiles à accueillir le fruit d’une GPA, allant contre la volonté qui guide leurs croyances chrétiennes. L’intrigue se construit dès lors autour de la nécessité de créer un double lien (d’abord avec la génitrice), visant au futur sécurisé de cet enfant, que personne n’a voulu, si ce ne sont les garçons décédés...
Le duo Luchini/Taquin fait ici des étincelles, tandis qu’on comprend rapidement que leurs personnages ne feront jamais route ensemble, bien qu’ils sachent tous deux ce qui est le mieux pour cet enfant. Fabrice Luchini, inlassablement bougon, touche alors dans la détresse et détermination de son personnage, Nicloux le filmant souvent en gros plan, avec une douce musique émouvante derrière lui. D’ailleurs, si vous voulez le voir danser la farandole, parler à son épouse décédée via une photo d’elle ou tenter de se débrouiller en néerlandais, alors "La Petite" est pour vous. Quant à notre compatriote belge, son écriture reste malheureusement assez sommaire, et ne nous immerge pas assez dans la vie de cette jeune femme, ce qu’elle vit, doit accepter, et assumer pour son bien, mais aussi celui de l’enfant qu’elle porte, sans qu’il ne soit "le sien". Mais cela ne se ressent pas assez ici, elle qui ne parvient pas à émouvoir.
Si "La Petite" reste un beau petit film qui se vit plus dans la luminosité qu’il le laisse croire, son scénario, signé Guillaume Nicloux et Fanny Chesnel en personne, ne tient pas toutes ses promesses, passant à côté des questions floues qu’il soulève. Cette rencontre, balisée, se regarde dès lors de manière toute tracée, mélodramatique, sans que de véritables obstacles ne viennent bousculer le cheminement - superficiel - d’un homme que rien ne pourra finalement arrêter. Tout cela est, en effet, beaucoup trop facile et prévisible au vu de la complexité de la situation en question. Dommage...