Genre : Comédie dramatique
Durée : 67’
Acteurs : Raphaël Quenard, Blanche Gardin, Pio Marmaï, Sébastien Chassagne, Agnès Hurstel...
Synopsis :
En pleine représentation de la pièce "Le Cocu", un très mauvais boulevard, Yannick se lève et interrompt le spectacle pour reprendre la soirée en main...
La critique de Julien
"Au poste !" (2018), "Le Daim" (2019), "Mandibules" (2020), "Incroyable mais Vrai" (2022) et "Fumer fait Tousser" (2022) sont autant de films sortis ces dernières années par le prolifique et singulier Quentin Dupieux, lequel, sur un concept de base toujours assez original, s’amuse à mettre en scène des histoires complètement absurdes, et cela aussi bien dans leur comédie que leur dramaturgie. Avant "Daaaaaali !", qui arrivera l’année prochaine (et présenté hors compétition à la dernière Mostra de Venise), et dans lequel une journaliste française (Anaïs Demoustier) rencontrera Salvador Dalí (interprété par pas moins de cinq acteurs différents, dont Jonathan Cohen) à plusieurs reprises pour un projet de documentaire, le cinéaste, passionné par le processus de création, a une fois de plus réalisé, écrit, photographié et monté son nouveau film, "Yannick". Dans cette comédie douce-amère, c’est la nouvelle coqueluche du cinéma français Raphaël Quenard qui tient le haut de l’affiche (et même celle de l’affiche officielle - gribouillée - du film). Spectateur mécontent de la qualité de la pièce de théâtre intitulée "Le Cocu", jouée devant une salle à moitié vide, Yannick, gardien de nuit vivant à Melun, ayant "posé une nuit" pour assister à celle-ci et espérer ainsi se divertir, va la stopper net, elle qui ne parvient pas à lui faire oublier ses problèmes quotidiens et lui remonter le moral. Face au mécontentement cette fois-ci des comédiens et de certaines (!) personnes du public, Yannick sera agressivement invité à quitter les lieux. Mais suite aux moqueries, entendues alors qu’il était au vestiaire, Yannick y retournera, en colère, mais cette fois-ci armé d’un revolver, prenant dès lors la salle en otage...
Une fois n’est pas coutume, Quentin Dupieux met en scène une courte intrigue (une heure et cinq minutes d’images), mais suffisamment embarrassante pour sortir du lot. Par le biais de son personnage principal, que Raphaël Quenard rend terriblement humain et de vulnérable, "Yannick" nous immerge dans une situation complètement loufoque, et pourtant choquante, résultant, pour Yannick, d’un manque de respect et d’une humiliation, lequel s’est - il est vrai - maladroitement manifesté en pleine représentation. Le spectateur, que nous sommes également, se retrouve alors sur un même siège de théâtre que celui des victimes, face à un Yannick ayant perdu la tête, et désormais prêt à tout - dont écrire en direct - pour voir une pièce de théâtre à hauteur de ses attentes, laquelle pourra le divertir, lui et le public. Fondamentalement pas méchant, mais pas très bien non plus dans sa tête, le gars se mettra alors à sympathiser avec le public pendant que les acteurs apprendront leurs nouveaux textes, remplis de fautes et de mauvaises formulations ! S’ensuivront des échanges pour le moins dérangeants et atypiques (étant donné la situation) entre Yannick et des spectateurs, autour de sujets qui ne regardent qu’eux (angoisse chronique, perversités sexuelles, accouplement dans des endroits farfelus, etc.), tandis que les trois acteurs, quant à eux remontés et anxieux, auront bien du mal à se laisser faire, lesquels sont finalement bien plus psychopathes que le preneur d’otages lui-même...
Tournée en six jours à peine au vieux théâtre Déjazet (situé dans le 3e arrondissement de Paris), "Yannick" n’est pas un film d’une grande importance dans l’histoire du cinéma, lequel n’a d’ailleurs aucunement la prétention de cela, si ce n’est celle de vouloir divertir. Et pour le coup, Quentin Dupieux arrive à ses fins, maîtrisant son métrage, mais ne sachant pas quoi faire avec. Les sujets traités (sincérité d’une œuvre, rapport au spectateur, respect, etc.) ne sont dès lors ici jamais approfondis, tandis qu’on reste constamment dans une sorte de brouillard scénaristique, pas des plus cohérents non plus. Mais rien ne vaut le regard empli de larmes de Raphaël Quenard, recroquevillé dans les coulisses, en train de regarder cette fois-ci la pièce hilare qu’il voulait voir. L’acteur, sans cesse ici dans l’inattendu, parvient à donner chair à cette histoire malaisante, et prouve, une fois de plus, que le cinéma francophone devra compter sur lui. Les César du cinéma devraient d’ailleurs lui rendre rapidement la pareille...