Genre : Comédie dramatique
Durée : 101’
Acteurs : Vincent Lacoste, François Cluzet, Adèle Exarchopoulos, Louise Bourgoin, William Lebghil, Lucie Zhang, Bouli Lanners...
Synopsis :
C’est la rentrée. Une nouvelle année scolaire au collège qui voit se retrouver Pierre, Meriem, Fouad, Sophie, Sandrine, Alix et Sofiane, un groupe d’enseignants engagés et soudés. Ils sont rejoints par Benjamin, jeune professeur remplaçant sans expérience et rapidement confronté aux affres du métier. A leur contact, il va découvrir combien la passion de l’enseignement demeure vivante au sein d’une institution pourtant fragilisée.
La critique de Julien
C’est au cinéaste français Thomas Lilti que l’on doit le film "Hippocrate" (2014), dans lequel un jeune médecin (déjà Vincent Lacoste) découvrait la réalité du métier dans le service de son père, ainsi que la série du même nom diffusé de 2018 à 2021 sur Canal+. Médecin généraliste à la ville, il a ensuite mis en scène "Médecin de Campagne" (2016) qui suivait, tel que son titre l’indique, un médecin (François Cluzet) dévoué entièrement à son métier (malgré la maladie), aidé alors - malgré lui - dans sa tâche par une recrue, et enfin "Première Année" (2018) où deux jeunes étudiants (Lacoste et William Lebghil) s’inscrivaient (dont l’un pour la troisième fois) en première année de médecine, pour en découvrir la compétitivité, loin d’une promenade de santé. Après cette trilogie et le tournage de la première partie de la troisième saison de sa série, le metteur en scène savait que son retour au cinéma se ferait toujours autour de la question de l’engagement envers un métier, tout aussi sérieux (en l’occurrence), soit celui des enseignants, lui qui s’est beaucoup documenté sur le monde de l’école. Film choral quelque peu éclaté, "Un Métier Sérieux" aborde la fiction par le réel, lequel nous immisce dans un métier de vocation, en parallèle aux premiers pas dans un collège d’un jeune professeur remplaçant sans expérience...
C’est avec beaucoup d’intérêt que nous attendions cette nouvelle réalisation, étant donné que la critique qui écrit ces lignes est enseignante. Or, à peine le générique passé, Thomas Lilti ne perd pas une seconde pour nous immerger dans un collège "normal", reconstitué pour l’occasion entre les extérieurs d’un collège à Meudon, les classes d’un collège désaffecté de Vitry-sur-Seine, et enfin la salle des profs et l’administration dans un collège à Pantin. On y suit alors Benjamin (Vincent Lacoste, lequel voyait déjà son personnage se prénommer comme cela dans "Hippocrate"), en pleine thèse de physique, lui qui n’a pas réussi à obtenir de bourse d’études, et a donc besoin d’argent, sous pression de son père médecin généraliste, lui qui acceptera dès lors un poste de professeur de mathématiques dans un collège, malgré son inexpérience. Ce dernier sera alors engagé pour une année dans un établissement de 500 élèves, au sein d’une institution fragilisée, lequel en découvrira dès lors les affres, mais aussi l’amour pour cette profession, dont une équipe de professionnels soudés, malgré leurs soucis personnels. Tout en gardant en ligne de mire le quotidien de son jeune novice dans le métier, le film épingle donc la vie d’autres professeurs, comme Sandrine (Louise Bourgoin), prof de SVT et mère célibataire sans autorité (malgré ses lunettes et ses cheveux coupés pour paraître plus sévère !) pour qui le contact avec son fils adolescent est très difficile, ce qui se reflète dans sa manière trop assistée de donner cours, et sa relation (très) froide avec ses élèves, mais aussi Pierre (François Cluzet), lequel enseigne - d’après lui - ennuyeusement le français et fait lire en classe à ses élèves "L’Assommoir" (1876) d’Émile Zola, tandis qu’il éprouve également des difficultés à dialoguer avec son fils, ayant échoué ses études. Sans oublier Mereim (Adèle Exarchopoulos) qui attend sa mutation depuis des mois alors qu’elle s’occupe de son jeune fils dont elle a la garde partagée, mais aussi Sophie (Lucie Zhang, sous-exploitée) et Fouad (William Lebghil), un professeur d’anglais qui vit sur le campus dans un appartement de fonction, lequel squatte malgré cela souvent chez son collègue Pierre, histoire d’oublier son chagrin d’amour lorsque son ex-compagne vit récupérer ses affaires... Or, malgré leurs pépins, cette bande (très) unie d’enseignants va surmonter les épreuves (dont celle du métier), et manger des hamburgers ensemble après les cours, histoire de refaire le monde (de l’enseignement)...
Dans sa démarche plus humaine que pédagogique, Thomas Lilti nous parle avant tout ici de "l’être" plutôt que de la méthode et de la réalité profonde du terrain, tandis que le collègue qu’il met en scène est de classe moyenne. Le cinéaste rend donc ici hommage à ce beau métier en pleine mutation, laquelle est cependant très peu visible ici. Les enjeux actuels qui s’y jouent ne sont dès lors qu’égratignés (manque de moyens pédagogiques, de temps, de soutien, harcèlement scolaire, pressions, élèves à besoins spécifiques, pénurie enseignante, réformes, etc.), alors que le réalisateur déplace concrètement ici sa caméra pour nous rejouer ce qu’il avait déjà filmé dans son premier film.
Sa vision romancée - bien qu’actuelle dans ses fondements - du métier aborde alors avec autant de légèreté que de gravité ce qui le caractérise (à la grosse louche d’une vision commune) de l’intérieur, entre la manière de donner cours pour se faire respecter (mettre deux doigts - l’index et le majeur - sur le banc face aux élèves, longer les murs et ne jamais tourner le dos aux élèves, violence, etc.) et la distance à prendre, les réunions de parents, les inspections, les conseils de discipline, les corrections, les nouvelles technologies (ici, un programme informatique - "ProNotes" - est juste cité), mais aussi les voyages scolaires (ici classe de surf), les célébrations entre professeurs, les cours d’EPS injustement défavorisés par les élèves et les parents vis-à-vis d’autres, ainsi que les intimidations des élèves et les limites à ne pas franchir, etc. Il y est aussi question d’y trouver sa place, en la personne du personnage de Vincent Lacoste, toujours très juste, et bien entouré ici par une belle brochette d’acteurs, alors au service d’un film qui va de l’avant, mais davantage intéressé à la cohésion, à la solidarité et à la vie personnelle de certains acteurs de l’école plutôt qu’aux élèves, qu’à la transmission en soi, et à l’école de demain.
Plus touchant que pertinent, "Un Métier Sérieux" est une œuvre propre et sincère, bien que passant partiellement à côté de son sujet par ses choix humains, bien qu’il est trèst aussi important de rappeler (aux élèves et aux parents) que derrière un professeur se cache bien une personne comme vous(, eux) et moi, avec ses hauts, et ses bas, pratiquant alors un métier qui (nous) sollicite sans cesse à deux cents pour cent, et sans forcément de considérations.