Genre : Comédie dramatique
Durée : 99’
Acteurs : Jennifer Saunders, Judi Dench, Bally Gill, Russell Tovey, David Bradley, Derek Jacobi...
Synopsis :
Lorsque l’unité gériatrique d’un petit hôpital du Yorkshire est menacée de fermeture, ses dirigeants décident de riposter en mobilisant la communauté locale et invitent une équipe d’information à filmer les préparatifs d’un concert en l’honneur de l’infirmière en chef.
La critique de Julien
"Allelujah", c’est le nouveau film du metteur en scène britannique Richard Eyre, à qui l’on doit notamment "Chronique d’un Scandale" (2006) porté par Cate Blanchett et Judi Dench, et plus récemment "My Lady (The Children Act)" (2008), avec l’exceptionnelle Emma Thompson. Adapté de la pièce du même nom d’Alan Bennett, cette comédie dramatique s’intéresse au National Health Service (NHS), qui est le nom du conglomérat des systèmes de santé financés par l’État du Royaume-Uni. Mais alors que le NHS fête ses 75 ans cette année, tout en étant l’un des premiers services de santé nationaux au monde, qui plus est gratuit, celui-ci est en souffrance depuis une vingtaine d’années, étant donné des délais d’attente excessifs pour les patients, des travailleurs surchargés et mal payés, des équipements insuffisants, une mauvaise gestion, sans compter sur les réductions budgétaires imposées par les différents gouvernements, alors que l’espérance de vie, elle, a augmenté depuis sa création, en 1948, ce qui nécessite donc un refinancement, et non le contraire... Provocation politique douce-amère, "Allelujah" rend hommage à tous ceux qui sont sur la ligne de front du NHS, et qui offrent des soins de santé de qualité aux personnes âgées, tout en étant parfois confrontés à des questions morales et philosophiques très complexes...
L’intrigue suit alors le quotidien de la vie à l’hôpital le Bethléem, surnommé "le Beth", lequel est un petit hôpital gériatrique installé dans la ville de Wakefield, dans le West Yorkshire, et menacé de fermeture en raison de coupes dans le financement du NHS. Évidemment, cela ne sera pas de l’avis des habitants à proximité, du personnel, et surtout des résidents, lesquels sont notamment soignés par le Docteur Valentine (Bally Gill) et par l’infirmière en chef, sœur Alma Gilpin (Jennifer Saunders, l’une des stars de la série "Absolutely Fabulous"), qui doit justement être honorée pour ses services, avec un concert et la remise d’une médaille, alors que le tournage d’une émission de télévision locale est enregistrée en ces murs afin de montrer l’effort mené par l’ensemble des acteurs de l’établissement pour le sauver...
"Allelujah" nous offre alors une mosaïque de profils concernés, dont celui d’un jeune consultant homosexuel (Russell Tovey) auprès du secrétaire à la Santé, alors pro-fermeture de l’établissement, bien que son père acariâtre (David Bradley) y séjourne. Mais ils vont pourtant y renouer, le premier prenant également conscience de l’importance du Beth pour des soins à petite échelle, locaux et personnalisés. Il y est aussi question d’une résidente et bibliothécaire à la retraite, alors réfractaire d’être interviewée (Judi Dench), laquelle va découvrir les fonctionnalités d’un iPad confié par Valentine, afin de documenter elle-même ses propres expériences quotidiennes. Sans oublier les premiers pas d’un étudiant (Louis Ashbourne Serkis), et d’autres vieillards indomptables, mis à mal par leur condition et ce que la société n’attend plus que d’eux. Mais en passant sans cesse d’un profil à l’autre, la mise en scène de Richard Eyre peine à installer et à soulever l’émotion vis-à-vis de chacun des protagonistes du film, alors que certains ont une double épée de Damoclès au-dessus de leur tête...
Avec ses élans de comédies et ses personnages - à la fois principaux et secondaires - au caractère bien trempé, et excentrique, le scénario adapté d’Heidi Thomas regorge de savoureux dialogues, tandis qu’il parvient à pointer du doigt le danger qui rôde autour du NHS, alors que le gouvernement britannique demande constamment plus de rentabilité, d’efficacité et d’économie, et donc des centres d’excellence, à défaut de penser avant tout au bien-être des pensionnaires des établissements de soins de santé, pour lesquels se surpassent les soignants. Ainsi, le film montre toute la servitude, le dévouement du personnel de la NHS, et défend la noble cause de son combat, bien qu’il finisse par en faire et en dire de trop, au regard de l’épilogue du film, un brin démonstratif et moralisateur, et au travers duquel l’un des personnages clefs du métrage brise le quatrième mur, disant des médecins qu’ils sont "l’amour incarné", mais que "l’amour ne s’achète pas". Ici, le choix des mots est donc (très) fort, et dessert malheureusement les propos. Cependant, "Allelujah" respire à la fois ici le jeu de théâtre, et la bonne foi. On ne peut donc pas enlever à ce film ses humbles intentions, Richard Eyre prolongeant ainsi le travail inspirant d’Alan Bennett. Mais dans l’absolu, son film renseigne plus qu’il ne tente de renverser l’opinion établie, tout en s’éparpillant froidement, à l’image d’une grande révélation narrative finale, quant à elle inspirée de cas réels bien attestés, laquelle éloigne un peu plus maladroitement "Allelujah" de ses messages premiers, soit l’histoire d’une communauté se dressant contre les pouvoirs en place. Par ce biais, le film questionne cependant le rôle des travailleurs de la santé et leur place à prendre face aux terribles circonstances auxquelles ils peuvent être parfois confrontés, et des choix cornéliens à prendre, en connaissance de cause, et de conséquences, en conformité aux règles, même si leur instinct leur dit d’agir différemment (et encore plus si la vie d’un patient est en jeu). Mais cette idée tombe ici comme un cheveu dans la soupe, et contredit, en partie, ce que le film avait jusque-là construit, avec tentative d’empathie, pour un mélange des genres donc pas toujours des plus réussis...