Genre : Animation, familial
Durée : 99’
Acteurs : Seth Rogen, Rose Byrne, Jackie Chan, Paul Rudd, Ice Cube, Micah Abbey...
Synopsis :
Après des années passées loin du monde des humains, les frères Tortues entreprennent de gagner le cœur des New-Yorkais et d’être acceptés comme des adolescents normaux grâce à des actes héroïques. Leur nouvelle amie April O’Neil les aide à s’attaquer à un mystérieux syndicat du crime mais ils se retrouvent dépassés par les événements lorsqu’une armée de mutants se déploie contre eux.
La critique de Julien
La dernière fois qu’on avait croisé les célèbres "Tortues Ninja" au cinéma, c’était en 2014, en live-action, dans le film de Jonathan Liebesman, puis deux ans plus tard, dans sa désastreuse suite, signée Dave Green. Mais depuis l’échec commercial et critique fulgurant de ce dernier, c’était silence radio. Mais cowabunga ! Le succès de "Spider-Man : Across the Spider-Verse / Spider-Man : New Generation" a donné des idées à Nickelodeon Animation Studio pour Paramount Pictures, motivé par les co-producteurs et acolytes Seth Rogen et Evan Goldberg, amoureux depuis leur enfance de l’univers de ces tortues, créées en 1984 par Kevin Eastman et Peter Laird, pour leurs comics. Depuis, on ne les présente plus, elles qu’on a pu découvrir sous différents types de produits dérivés (jouets, série télévisée, jeu de rôle, jeux vidéo, etc.), dont un premier film entièrement réalisé en images de synthèse, "TMNT : les Tortues Ninja" (2007), réalisé par Kevin Munroe. Co-réalisé par Jeff Rowe, lequel avait déjà co-réalisé le surprenant "Les Mitchell contre les Machines" (2021) pour Netflix, ce nouveau film d’animation qui débarque ainsi dans nos salles avait pour ambition, comme son titre l’indique, de s’intéresser à l’adolescence de ces personnages emblématiques (tout en revenant également sur leur origine), confrontés alors à leur fascination pour le monde - interdit - des humains, et leur soif d’être acceptés par ces derniers, au grand désarroi de leur père adoptif, Splinter. Inspiré des dessins du réalisateur Jeff Rowe qu’il griffonnait quand il était adolescent dans les marges de ses cahiers scolaires, ce film d’animation tient-il ses promesses ?
Après une introduction qui nous en dit plus sur la création d’un mutagène par un scientifique exclu de la société (visant alors à se créer sa propre famille d’animaux mutants domestiques), et ceux qui étaient à ses trousses (le Techno Cosmic Research Institute - TCRI), "Ninja Turtles : Teenage Years" prend ainsi place dans les égouts de New York, ainsi que sur ses toits, à l’abri des regards, où, quinze ans après la disparition dudit mutagène, les frères tortues - qui tirent leurs prénoms de peintres de la Renaissance - Michelangelo (et son improvisation), Leonardo (et sa voix de leader), Raphaël (et sa rage) et Donatello (et son intelligence) respectent, à la lettre, le proverbe "pour vivre heureux vivons cachés", dicté par leur père, après avoir vécu, jadis, une mauvaise expérience en surface, à la suite de laquelle il leur a enseigné l’art du ninjutsu. Mais les adolescents se sentent en prison dans les égouts, lesquels aspirent ainsi à vivre au grand jour, à être des ados "normaux", et gagner le cœur des New-Yorkais. Mais alors qui étaient en train de s’amuser sur un toit, les frères vont engendrer, malgré eux, le vol du cyclomoteur d’une demoiselle par des malfrats, et cela devant leurs yeux... Or, en tant que journaliste en herbe, April O’Neil, qui lutte contre un incident viral qui a entaché sa crédibilité, était en train d’enquêter sur une série de vols de la technologie TCRI, et cela par un criminel qui se fait connaître sous le nom de Superfly. Sans se concerter, et en agissant par instinct, et béguin, les tortues verront là une occasion en or aux multiples possibilités pour sortir enfin (de) leurs carapaces, en agissant comme des héros, au grand jour...
C’est bien par son animation sombre aux allures de croquis, de graffitis dessinés à la main, et à tendance punk, que "Ninja Turtles : Teenage Years" tire son épingle du jeu. Formé à l’aide de traits exagérés, bruts et d’effets aléatoires, et cela jusqu’aux détails visibles sur les visages, ou de nuits, autour des lumières, l’aspect visuel plus que réussit du film, qui rappelle celui de la série d’animation Netflix "Arcane" (prenant place dans l’univers du jeu vidéo "League of Legends"), offre une nouvelle vie dynamique aux aventures des "Tortues Ninja", tandis que Jeff Rowe et Kyler Spears surfent sur leur maladresse et manque de maturité pour les mettre délicieusement en situation de porte-à-faux, desquelles découle une bonne dose d’humour, et de réactions finalement propres à l’adolescence, les frères ne sachant, par exemple, pas mentir. L’action, très graphique, est également au rendez-vous, avec quelques séquences de combat assez impressionnantes, sur des rythmes hip-hop des eighties et nineties, malgré la laideur de certains plans et personnages secondaires, alors que les tortues pensaient être les seuls mutants sur Terre. Mais ça, on savait déjà que ça n’était pas le cas. En effet, on connaît l’univers des "Tortues Ninja", d’où la question de se demander pourquoi les studios recyclent toujours les mêmes histoires. Pourtant, la réponse, on la connaît, jusqu’à l’épuisement...
Pourtant, ce film transpire de vitalité, de fraîcheur, et de l’amour de ses créateurs envers ces personnages qui ont bercé leur enfance, bien que truffé de références populaires. "Ninja Turtles : Teenage Years" possède alors une âme, une espièglerie propre à ses producteurs (quelques dialogues font... mouche), et prône même de jolis messages, autour de l’idée du passage à l’âge adulte de ses adolescents, étant donné l’expérience qu’ils vont acquérir, et de l’acceptation, ici par leur père, lequel va les libérer de sa surprotection, alors qu’il n’agissait pourtant que pour les protéger, et cela du pire de l’humanité, après en avoir été rejeté. Aussi, il est question de confiance en soi, de pardon, tandis que via l’antagoniste principal du film, dont le mal-être est fondamentalement lié à celui des tortues, les scénaristes nous disent aussi que la vengeance et la domination ne rendent pas meilleures que ceux qui nous ont fait du mal ; bien au contraire. Dommage cependant que la tolérance humaine n’est jamais remise en question, laquelle, dans les grandes lignes, repousse la différence, puis l’accepte une fois qu’elle a fait ses preuves. Certes, l’humanité est compliquée, mais l’image qu’elle renvoie ici est assez réductrice.
On n’ira donc pas jusqu’à dire qu’on a préféré "Ninja Turtles : Teenage Years" à une vraie bonne pizza, mais ce film d’animation, qui connaîtra une suite (restez bien dans votre siège jusqu’à la fin du pré-générique), est un sympathique moment de cinéma d’animation, à vivre entre père et fils (de préférence ado), lesquels pourront (re)plonger, chacun à leur manière, dans cet univers singulier assez crasseux, et de bandanas, où des tortues armées de ninjatōs, de saïs, d’un bō et de nunchakus combattent le crime, la menace, depuis leurs égouts, tout en ne souhaitant plus, ici, dissimuler leur existence...