Synopsis : Andrew, 19 ans, rêve de devenir l’un des meilleurs batteurs de jazz de sa génération. Mais la concurrence est rude au conservatoire de Manhattan où il s’entraîne avec acharnement. Il a pour objectif d’intégrer le fleuron des orchestres dirigé par Terence Fletcher, professeur féroce et intraitable. Lorsque celui-ci le repère enfin, Andrew se lance, sous sa direction, dans la quête de l’excellence...
Acteurs : Miles Teller, J.K. Simmons, Paul Reiser, Melissa Benoist, Austin Stowell, Kavita Patil, Kofi Siriboe.
Damien Chazelle (30 ans depuis le 19 janvier) réalise ici son deuxième long métrage (après Guy and Madeline on a Park Bench en 2009). Ce dernier se situait déjà dans le milieu du jazz. Nous y découvrions la rencontre entre Guy, trompettiste de jazz, introverti, et Elena, extravertie. Si Guy est doublé pour la trompette par Jason Palmer, le film rassemblait beaucoup d’acteur non professionnels et nous montrait du jazz, de la danse de claquettes et beaucoup de morceaux musicaux.
Il sera encore question de jazz cinq ans plus tard mais Whiplash est beaucoup plus qu’un film sur le jazz. Je dois d’ailleurs avouer qu’en matière de jazz j’atteins un seuil de totale incompétence. Malgré cela le film m’a plu, à tel point qu’il est devenu un coup de coeur. A la base de Whiplash, il y a Whiplash, un court métrage réalisé en 2013 et dont le succès lui permet de fiancer un long.
Tourné en moins de trois semaines, Chazelle qui est encore traumatisé par des expériences de jeunesse avec un chef d’orchestre veut réaliser Whiplash comme un film de gansters : "Pour rendre compte des émotions que je ressentais pendant mes années en tant que batteur, je voulais filmer chaque concert comme s’il s’agissait d’une question de vie ou de mort, une course-poursuite ou disons un braquage de banque. Je voulais capturer tous les détails dont je me souvenais, tous les efforts pour parvenir à l’interprétation d’un morceau de musique. Les boules Quiès, les baguettes cassées, les ampoules, les coupures, le bruit du métronome, la sueur et la fatigue." et encore : "Il existe beaucoup de films sur la joie que procure la musique. Mais en tant que jeune batteur d’un orchestre de jazz dans un conservatoire, je ressentais bien plus souvent de la peur. La peur de rater une mesure, de perdre le tempo. Et surtout, la peur de mon chef d’orchestre. Avec Whiplash, je voulais réaliser un film qui ressemble à un film de guerre ou de gangsters – un film dans lequel les instruments de musique remplacent les armes à feu et où l’action ne se déroule pas sur un champ de bataille, mais dans une salle de répétition ou sur une scène de concert." [1]
Miles Teller âgé de 27 ans (son personnage en a 17) est batteur depuis une douzaine d’années et il a réalisé plus de deux tiers des scènes à la batterie. Il a suivi des cours plusieurs heures par jour, plusieurs fois par semaine durant plusieurs mois, pour se perfectionner et rendre son personnage crédible alors même qu’il a été durant quatre ans dans un conservatoire de jazz (il se serait même retrouvé les mains ensanglantées durant le tournage).
En réalité, plus qu’une histoire de jazz, il s’agit de celle d’un maître et d’un esclave... servile et rebelle ! Esclave est peut-être exagéré mais la relation de l’élève face à son professeur (excellemment interprété par J.K. Simmons... qui rêvait d’être compositeur) est hallucinante. Je n’ai pu m’empêcher de penser (probablement à tort) que la relation de Kechiche avec ses actrices sur le tournage de La vie d’Adèle ou celle d’Hitchcock sur celui des Oiseaux devait être analogue... voire celle de professeurs ou parents japonais avec des enfants pianistes ou violonistes appelés à faire un jour le Reine Elisabeth. En découvrant les images de l’entraînement des SEAL dans le film American Sniper, j’ai également fait des parallèles avec Whiplash : il faut abrutir et quasiment déshumaniser pour arriver à donner le meilleur en performance "technique" !
Damien Bonelli est loin d’encenser le film dans sa critique sur l’excellent site Critikat. Je l’ai lu, ainsi que quelques amis français sur le forum dvdclassik (dont il faut noter cependant que les membres du forum le classent à la quatrième place pour l’année 2014 !). Et tous comptes faits, ayant lu et entendu ces avis divergents, je persiste et signe. J’ai vu et découvert un très grand film. La double relation : celle du l’élève au professeur, élève qui se soumet, se rebelle, se soumet, fuit, s’émancipe ; celle du professeur à l’élève : il discerne les semences d’un génie et une aptitude qui ne demande qu’à être éveillée mais également domptée pour donner plus tard ce qu’il discerne, voit et veut ! A l’image de celui qui cultive - en fait on dit très justement : élève des bonsais doit tordre, torturer ceux-ci pour en faire, au bout de nombreuses années, ce qu’il discernait, voyait, pressentait dès la première mise en pot !
L’un et l’autre acteurs arrivent à rendre cela à l’écran. Nous découvrons aussi les conséquences, voire les dommages collatéraux, notamment sur la relation amoureuse du jeune batteur, la relation avec ses condisciples, et sur la carrière du professeur.
Lorsque l’un et l’autre se seront séparés puis retrouvés, ils se confronteront dans un ultime (?) combat (?) où pourra se déployer au summum ce que l’ainé avait discerné dans le cadet et qui ira jusqu’à écraser de sa puissance celui qui lui a permis de naître !
Le finale du concert et du film - dont je suis sorti KO debout - est ici magistral !