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Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews sur la radio RCF Bruxelles (celle-ci n’est aucunement responsable du site ou de ses contenus et aucun lien contractuel ne les relie). Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques et en devient le principal rédacteur depuis 2022.

Danny et Michael Philippou
La Main (Talk to Me)
Sortie du film le 30 août 2023
Article mis en ligne le 30 août 2023

par Julien Brnl

Genre : Horreur

Durée : 95’

Acteurs : Sophie Wilde, Alexandra Jensen, Joe Bird, Miranda Otto...

Synopsis :
Lorsqu’un groupe d’amis découvre comment conjurer les esprits à l’aide d’une mystérieuse main hantée, ils deviennent accros à ce nouveau frisson, et l’expérience fait le tour des réseaux sociaux. Une seule règle à respecter : ils ne doivent pas tenir la main plus de 90 secondes. Lorsque l’un d’entre eux l’enfreint, ils vont être rattrapés par les esprits, les obligeant à choisir : à qui se fier, aux morts ou aux vivants ?

La critique de Julien

Tout droit venu d’Australie, "La Main" (ou "Talk to Me" en version originale) est le nouveau phénomène indé horrifique auquel on serre bien volontiers la main, d’autant plus qu’il s’agit là d’un premier film, réalisé alors par les frères jumeaux Philippou, originaires d’Adélaïde. Inconnus dans nos contrées, c’est en 2013 qu’ils ont lancé leur chaîne YouTube "RackaRacka" (plus de 6 millions d’abonnés), lesquels sont célèbres pour leurs intenses vidéos et courts métrages d’horreur comiques, brouillant alors les pistes, entre effets gores et polémiques, ce qui leur aura valu d’être démonétisés en 2018. Mais les frangins ont depuis participé au film "The Babadook" (2014) de Jennifer Kent (l’un en tant qu’assistant éclairagiste, et l’autre assistant de production). Les désormais réalisateurs ont d’ailleurs travaillé pour leur premier film en étroite collaboration avec la productrice Samantha Jennings, l’une des co-fondatrices de la société de production Causeway Films, laquelle a justement co-produit le film de Jennifer Kent. Et autant dire qu’il s’agit là d’un gros coup pour le distributeur belge O’Brother Distribution, étant donné que le film des frères Philippou est précédé d’une très bonne réputation, lui qui a été distribué par A24 aux États-Unis (on leur doit les excellents films d’Ari Aster ou encore de Robert Eggers, pour ne citer qu’eux), et cela après une bataille acharnée avec Universal Pictures et d’autres grosses majors. Succès à la fois critique et commercial, c’était donc énormément d’impatience qu’on attendait de découvrir ce film d’horreur, dont la promotion est devenue rapidement virale, grâce notamment à sa bande-annonce, très prometteuse... Tient-on entre nos mains une nouvelle pépite horrifique ?

"La Main" met en scène un groupe d’adolescents qui conjurent les esprits grâce à une étrange main coupée en céramique, et gravée d’inscriptions (elle dont l’origine sera dévoilée dans l’intrigue), en effectuant pour cela une sorte de rituel, qu’ils filment, pour s’amuser. Sauf qu’il ne faut jamais jouer avec les esprits. Ou, le cas échéant, il faut au moins s’en tenir aux règles, c’est-à-dire ici allumer une bougie, tenir ladite main, prononcer les phrases "Talk to Me/Parle-moi" et "I Let You In/Je te laisse entrer", et surtout la lâcher dans un délai de 90 secondes et souffler instantanément la bougie en question, afin de "refermer la porte", au risque que de mauvais esprits restent, et s’emparent ainsi du vivant. Mais l’expérience tournera vite au vinaigre pour Mia (Sophie Wilde), 17 ans, elle qui a perdu tragiquement sa mère il y a deux années, et qui entretient depuis une relation émotionnellement distance avec son père, Max (Marcus Johnson), trouvant alors du réconfort dans la famille de sa meilleure amie Jade (Alexandra Jensen), composée de la mère de Jade (jouée par l’actrice Miranda Otto, connue notamment pour avoir joué Éowyn dans la série de films "Le Seigneur des Anneaux" de Peter Jackson), et de son petit frère mineur Riley (Joe Bird). En effet, la demoiselle libérera de terrifiantes forces surnaturelles pas très commodes...

Ce qui s’apparente souvent à un jeu sur les réseaux sociaux n’en est pas un, et encore moins quand il convoite l’utilisation d’une main démoniaque ! "La Main" s’inspire alors directement des dangereux challenges qui pullulent sur les réseaux, et qui coûtent parfois la vie de jeunes gens. Ainsi, par le biais d’une mystérieuse main, les frères Philippou réussissent à jouer astucieusement des codes du cinéma horrifique (séance de spiritisme qui tourne mal, héroïne hantée, possession, tours de passe-passe démoniaques, etc.), tout en ne sautant pas sur ses artifices habituels, mais plutôt sur une ambiance assez terrifiante, malsaine, et parsemée de moments aussi bien touchants que très éprouvants. On sent d’ailleurs que les cinéastes en herbe ont une tendance à vouloir déstabiliser, choquer le spectateur, étant donné quelques scènes qui risquent d’en dégoûter plus d’un. À vrai dire, le scénario de Danny Philippou et de Bill Hinzman se développe dans une atmosphère où la mort rôde constamment, et où l’acceptation de la disparition suspecte d’un proche - toujours en quête de réponses quant à celle-ci - n’a pas encore été faite. Qui faut-il donc croire ? Les esprits, ou les vivants ? Si la réponse nous semble logique, on comprend qu’elle le soit moins pour le personnage de Sophie Wilde (la révélation du film), étant donné la manipulation psychologique que les esprits vous lui faire subir, afin d’obtenir leur dû, elle qui va être tourmentée par des visions qui vont lui jouer plus d’un mauvais tour, à elle et à ses proches, et avec cruauté. Or, on se prend d’empathie pour cette adolescente, en pleine souffrance psychologique et abandon, et donc en quête d’attention, de même que pour l’acteur Joe Bird qui, malgré son petit rôle, accuse également le coup, et joue le jeu avec talents, jusqu’à, tout simplement, effrayer.

Dans l’économie d’effets spéciaux, "La Main" se veut ainsi plus traditionnel dans l’exploitation qu’il se fait du cinéma de genre, étant donné ici des cascades réalisées physiquement, et de vrais maquillages, c’est-à-dire de ceux qui donnent une impression de troublant réalisme. Les cas de possession (pendant le rite ou non) sont également impressionnants, eux qui n’abusent pourtant pas des stéréotypes, quitte à jouer sur la réserve, sans donc en faire de trop, mais suffisamment pour nous interpeller, nous mettre mal à l’aise. Le doublage incarné des personnages possédés est d’ailleurs une belle réussite, et appuie le caractère insidieux des entités qui attendent ici qu’on leur serve la main plus d’une minute et trente secondes. Mais dans l’absolu, le travail sonore participe ici à créer en nous une certaine tension, qui ne se dissipera qu’après le générique final. Il y a aussi une part de mysticisme qui se dégage de la manière avec laquelle les jumeaux Philippou filment l’une des scènes d’ouverture, autour d’un kangourou agonisant sur la route, face auquel Mia devra faire un choix ; cette idée revenant plus tard dans le récit par l’utilisation d’un pay-in pay-off, qui la confrontera, une fois de plus, à un tel dilemme, mais dans un tout autre sens...

Sans révolutionner le cinéma qu’il caresse, "La Main" tire ainsi son épingle du jeu, bien qu’en tant que premier film, celui-ci manque sans doute de force de frappe, d’ambition, tandis que ses réalisateurs ne maîtrisent pas encore l’utilisation de l’espace, des décors, alors que leur mise en scène, plutôt ici classique, n’est pas la claque attendue. Qu’en est-il également du montage final, alors qu’une scène insensée s’y déroule - au trois quarts du film - devant nos yeux, laquelle ne concorde pas avec une qui l’a suivra ? À moins qu’on soit là dans la pure imagination de son héroïne, qui nous trompe dès lors à l’image des forces qui l’accaparent ? Qu’importe, puisqu’on frisonne ici du début à la fin de ce film, au sein d’une ambiance résolument cauchemardesque, alors que l’écriture, même si elle se fait prendre la main dans le sac quant à ses manquements ou emprunts, pousse les curseurs de l’horreur à un niveau suffisamment plaisant pour jouer, à son tour, avec notre esprit. Vivement la suite !



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