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CINECURE
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Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews sur la radio RCF Bruxelles (celle-ci n’est aucunement responsable du site ou de ses contenus et aucun lien contractuel ne les relie). Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques et en devient le principal rédacteur depuis 2022.

Denis Imbert
Sur les Chemins Noirs
Sortie du film le 22 mars 2023
Article mis en ligne le 22 avril 2023

par Julien Brnl

Genre : Drame

Durée : 95’

Acteurs : Jean Dujardin, Izïa Higelin, Anny Duperey, Jonathan Zaccaï, Joséphine Japy, Dylan Robert...

Synopsis :
Un soir d’ivresse, Pierre, écrivain explorateur, fait une chute de plusieurs étages. Cet accident le plonge dans un coma profond. Sur son lit d’hôpital, revenu à la vie, il se fait la promesse de traverser la France à pied du Mercantour au Cotentin. Un voyage unique et hors du temps à la rencontre de l’hyper-ruralité, de la beauté de la France et de la renaissance de soi.

La critique de Julien

Après "Dans les Forêts des Sibérie" (2016) de Safy Nebbou et le splendide, intense et important documentaire "La Panthère des Neiges" (2022) de Vincent Meunier et Marie Amiguet, c’est la troisième fois qu’un récit autobiographique du philosophe et aventurier Sylvain Tesson est adapté au cinéma, lequel participait d’ailleurs à l’aventure dudit film documentaire. Publié en 2016 aux Éditions Gallimard, "Sur les Chemins Noirs" raconte le voyage de réappropriation de son propre corps, qu’il avait entrepris du 24 août au 8 novembre 2015 au travers de la diagonale sud-est/nord-ouest de la France, à pied, du Mercantour aux côtes du Cotentin, et cela un an après avoir été victime d’une chute de plusieurs mètres alors qu’il escaladait, ivre, la façade du chalet d’un ami. Le titre de son roman fait alors directement référence aux chemins oubliés de l’ancienne France rurale et piétonne (sentiers, pistes, traces historiques, etc.), à l’écart des zones urbaines, des routes et des circuits de randonnée balisés, encore visibles sur les cartes IGN par de fins liserés, et sur lesquels il a donc entamé sa résurrection, loin de ce qu’il appelle ’l’âge du flux", c’est-à-dire la société mondialisée. Réalisé par Denis Imbert, à qui l’on doit la comédie "Vicky" (2016) et le film familial "Mystère" (2021) qui racontait l’histoire vraie d’une petite fille qui s’était vue offert un chiot alors qu’il s’agissait en réalité d’un loup, le cinéaste français adapte ici librement l’histoire de Sylvain Tesson, porté à l’écran par Jean Dujardin, marchant sur la "diagonale du vide", après qu’une chute du "rebord de la nuit" l’ait laissé sur "un tas d’os", voyant ici son personnage d’écrivain célèbre (et alcoolique) prendre "50 ans en 8 mètres"...

Malgré ses séquelles et l’avis contraire des médecins et de son entourage, Sylvain Tesson a donc entrepris son périple, lequel l’a amené à écrire son roman. Et pour mettre en scène celui-ci, Denis Imbert filme Jean Dujardin au travers de la traversée de son personnage, Pierre, mais également de flash-back incessants sur sa vie, jusqu’au terrible (et prévisible) événement, montré dès lors ici en point d’orgue du film, en parallèle à l’aboutissement de son voyage, à proximité des petites grèves de la baie du mont Saint-Michel, au moment où il obtient ainsi réparation, lui qui s’était dit "presque qu’à voix haute", dans son lit d’hôpital, qu’il effectuerait ce voyage s’il survivait à sa chute, tout en écrivant en chemin. Des rencontres diverses (population rurale, famille, ami, etc.) rythment alors les monologues philosophiques et psychanalytiques en voix-off que se raconte de manière monocorde et superficielle Jean Dujardin, dont le destin de son personnage est - tenez-vous bien - de "prendre l’air", tandis qu’il retrouve ici "la fiancée qui ne vous déçoit jamais ; la liberté". Et peu importe ici la durée du trajet, car "l’escargot ne recule jamais" ! Malgré toutes ces belles paroles, le chemin s’avère fatiguant, et trop bien pensant que pour convaincre. On doute également ici de la manière avec laquelle Denis Imbert représente cette histoire, au risque de faire passer Sylvain Tesson pour un imposteur, et poseur...

Certes, il est question ici d’un homme qui s’interroge sur le sens de la vie, l’évolution du monde et la place de la nature dans celui-ci, mais "Sur les Chemins Noirs" se vit essentiellement comme un récit autocentré, autour du défi que s’est donné un homme blanc d’un certain rang social, quelque peu arrogant, se prouvant à lui-même qu’il est (encore) capable de déplacer des montagnes, malgré les conséquences de sa chute. La remise en question n’est ainsi que bien maigre (au contraire de Dujardin, trop en chair pour le rôle), même si Pierre gagne ici en humilité en cours de balade, pour laquelle il n’est cependant pas très bien chaussé ni habillé... Pourtant, Sylvain Tesson porte bien, en randonnée, une chemise blanche aux manches retroussées, ainsi qu’un petit gilet de flanelle, sans oublier un foulard. Tout un style ! Aussi, les autochtones semblent ici être totalement déconnectés du monde vivant, au regard notamment d’une jeune femme vivant (seule ?) dans une fermette située sur une crête, vendant ainsi à Pierre son fromage pour la modique somme de 5€ (!), tandis qu’elle semble également être en manque affectif, étant donné qu’elle essaie très distinctement de le draguer, bien qu’il poursuivra son chemin. Si ça, ce n’est pas faire l’éloge de la modestie nouvellement acquise par l’égocentrisme pur, alors on ne comprend pas !

De la vallée de la Roya à l’Abbaye Notre-Dame-de-Ganagobie, en passant par la Truyère, puis proche d’Ardentes et par-dessus la Loire, "Sur les Chemins Noirs" nous offre heureusement des paysages à couper le souffle, qui devraient (énormément) plaire aux bourlingueurs, routards et autres amoureux des grands espaces. On aurait cependant préféré en voir davantage de la cartographie desdits chemins noirs. Mais on se contentera des noms des différents lieux traversés et d’un kilométrage apparaissant à l’écran à chaque grande étape de l’itinéraire. Mais il n’en faudra pas plus pour que le spectateur intéressé apprécie le film de Denis Imbert, et se laisser emporter par sa beauté, tandis que Jean Dujardin, lui, joue dans la retenue et introspection, bien l’image renvoyée par son personnage - de tous les plans - dérange. Tous ses bons mots ne sentent d’ailleurs pas le vécu, eux qui peinent à nous parler au-delà de la personne qu’il campe, et dès lors à nous transperser d’émotions. De magnifiques images et une soif de liberté partagée ne suffisent donc pas à faire de "Sur les Chemins Noirs" une œuvre qui nous donne envie d’en lire celle qu’elle adapte, évoluant de plus ici au sein d’un mécanisme répétitif de mise en scène, et dont on a très vite compris l’arrivée...



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