Genre : Comédie
Durée : 97’
Acteurs : Ramzy Bedia, Noémie Lvovsky, Melha Bedia, Oussama Kheddam, Abbes Zahmani, Tassadit Mandi, Lyes Salem, Vimala Pons...
Synopsis :
Youssef Salem, 45 ans, a toujours réussi à rater sa carrière d’écrivain. Mais les ennuis commencent lorsque son nouveau roman rencontre le succès car Youssef n’a pas pu s’empêcher de s’inspirer des siens, pour le meilleur, et surtout pour le pire. Il doit maintenant éviter à tout prix que son livre ne tombe entre les mains de sa famille...
La critique de Julien
Réalisatrice, actrice et scénariste, Baya Kasmi n’est autre que la compagne du réalisateur Michel Leclerc, avec lequel a elle reçu le César du meilleur scénario original pour le film de ce dernier, "Le Nom des Gens", en 2011. Après son premier film "Je Suis à Vous Tout de Suite" (2015), inspiré par son histoire, la cinéaste raconte aujourd’hui celle fictive de Youssef Salem, 45 ans, originaire d’une famille d’immigrés algériens, lequel habite à Paris, dans une chambre de bonne au-dessus du Relais de Belleville, où il se consacre à l’écriture. Alors qu’il a reçu une éducation stricte, lui ayant appris que le sexe est un sujet tabou, que le plaisir est un châtiment, dès lors dangereux hors des sentiers du mariage, et qu’il risque "la punition divine", celui-ci n’a pourtant jamais cessé de rechercher le plaisir et à ressentir la honte, dans le dos de ses parents, et donc de leurs croyances, alors persuadé de ne jamais épouser une bonne mère musulmane, loyale et cuisinière, ni de devenir l’arabe modèle, cultivé, gardien des traditions et de la République. Youssef Salem décidera alors d’écrire un roman autobiographique (plein de coquilles), mais qu’il défendra comme une fiction, intitulé "Le Choc Toxique", lequel sera en soi un double choc, avec d’une part celui du succès littéraire malgré la critique, et la lecture qu’en fera sa famille, dont ses frères et sœurs, en espérant que ses parents ne tombent pas dessus...
Une famille est-elle foutue lorsqu’un écrivain naît en son sein ? Telle est l’une des premières questions que se pose cette comédie douce-amère, portée par un étonnant et introverti Ramzy Bedia. Divisé tel un livre en plusieurs chapitres (Youssef Salem a du succès ; Youssef piégé ; Youssef exhibé, Youssef libéré), le film de Baya Kasmi nous parle du microcosme de l’édition parisienne (en la personne de Noémie Lvovsky, déchaînée), de la critique (ciblée, mais gratuite), pointant notamment du doigt qu’un Arabe racisé ne peut écorcher sa communauté à moins de s’auto-détester ou de chercher à se faire valoir auprès de "l’élite blanche". Mais il est également question de la légitimité de se raconter sans devoir se justifier (et dès lors de parler librement de ses origines, ce qui engage les autres, les siens), de la clef du succès lié ou non à l’identité (tout en nous en éloignant), allant de polémiques jusqu’au Prix Goncourt, ou encore du regard méprisant de ceux qui le regardent de haut.
Alors que la caméra de la réalisatrice reste au plus près de son personnage principal, celle-ci épouse chaque scène comme une tragi-comédie tendre et satirique, où la famille reste soudée, malgré les vérités qui font mal. Parsemé de seconds-rôles attach(i)ants, burlesques, et bercé par la bande-originale orientale et ensoleillée d’Alexandre Saaga, "Youssef Salem a du Succès" est un sympathique petit film, auquel il manque cependant des éclats de mise en scène.