Genre : Comédie, policier
Durée : 98’
Acteurs : Sam Rockwell, Saoirse Ronan, Adrien Brody, Ruth Wilson, Reece Shearsmith, Harris Dickinson, David Oyelowo, Shirley Henderson...
Synopsis :
Dans le West End des années 50 à Londres, la préparation de l’adaptation cinématographique d’une pièce à succès est brutalement interrompue par le meurtre de son réalisateur hollywoodien. En charge de l’enquête, l’inspecteur Stoppard - blasé et revenu de tout - et l’agent Stalker - une jeune recrue du genre zélée - se retrouvent plongés au cœur d’une enquête dans les coulisses à la fois glamour et sordides du théâtre. A leurs risques et périls, ils vont tenter d’élucider ce crime bien mystérieux...
La critique de Julien
Décidément, le "whodunit" est à la mode, ou inversement. Après le triomphe du film "À Couteaux Tirés" (2019) de Rian Johnson (dont la suite "Glass Onion" débarquera directement sur Netflix le 23 décembre prochain), mais également du "Crime de l’Orient Express" (2017) de Kenneth Branagh et, dans une moindre mesure, de "Mort sur le Nil" du même réalisateur sorti cette année-ci (après bien des soucis de post-production), le film à énigme est un genre à part entière, lequel fait recette, même si, d’après la voix-off du narrateur du film, "quand on en a vu un, on les a tous vus"... S’il n’échappe pas à la règle du jeu, "Coup de Théâtre" en joue beaucoup, et propose ainsi une enquête mystérieuse autour du meurtre d’un réalisateur américain (Adrien Brody) alors en passe de porter à l’écran la pièce de théâtre "The Mousetrap" ("La Souricière" en VF) d’Agatha Christie, assassiné dans les coulisses de celle-ci, le soir-même de la centième représentation de la pièce, à Londres, en 1953... Et Tom George, qui a remporté un BAFTA pour le sitcom fictif britannique "This Country" (2017-2020), met ici en scène son premier film, dont l’originalité réside à la fois dans le ton de sa narration, impertinente et désabusée, mais surtout dans les coulisses de sa création, plutôt très intéressante...
Au départ, "The Mousetrap", c’est véritablement une pièce de théâtre d’Agatha Christie, laquelle compte le plus grand nombre de représentations consécutives au monde depuis sa création dans le West End de Londres en 1952, jouée durant 21 ans à l’Ambassadors Theatre, et depuis 1974 au St Martin’s Theatre. Jamais déprogrammée, cette célèbre pièce est en fait l’adaptation d’un mystère radiophonique écrit en 1947 pour les 80 ans de la reine Mary (veuve de George V), alors célèbre pour son dénouement, que le spectateur est toujours prié de ne pas révéler, comme le demande la dernière réplique de la pièce donnée par le policier, au même titre ici que le commissaire (Sam Rockwell) enquêtant sur ladite affaire, brisant le quatrième mur en s’adressant directement aux spectateurs, à l’issue du film. Or, pour la petite histoire, le producteur de cinéma Damian Jones recherchait pour son film une pièce à l’affiche depuis plusieurs années dans le West End londonien qui soit susceptible d’être adaptée au cinéma. Et si "The Mousetrap" ne l’est pas vraiment ici, sa découverte n’en a été que plus pertinente. Sous clause de contrat stipulant qu’aucune adaptation pour le cinéma ne peut en être faite tant que le spectacle n’aurait pas cessé d’être joué depuis au moins six mois (sans compter l’arrêt forcé pour cause de pandémie), le scénariste Mark Chappell a alors, pour contourner le problème, imaginé une histoire méta d’un "whodunit" autour du "whodunit" d’Agatha Christie...
On y suit donc l’inspecteur Stoppard (Rockwell) et sa nouvelle recrue Stalker (Saoirse Ronan). Le premier, boiteux et fatigué par son métier, et la seconde, zélée au possible et tirant des conclusions trop hâtives, vont alors enquêter ensemble sur la mort du réalisateur Leo Köpernick (Brody), tout en sortant des murs du théâtre. "See How They Run" n’est donc pas un huit clos à proprement parler, et se permet donc quelques sorties dans le Londres des années 50, reconstitué à merveille, tandis que l’équipe de tournage a pu planter ses décors et poser sa caméra dans des endroits londoniens prestigieux, tels qu’à l’Old Vic, à l’Hoxton Hall ou encore au Dominion Theater. La photographie et les couleurs chaudes d’époque de ces endroits de divertissement régalent alors nos rétines. Aussi, Tom George fait preuve dans sa mise en scène d’amusants split-screen, donnant à voir plusieurs perspectives différentes d’une même scène, suivant différents personnages, notamment lors de courses-poursuites (le titre original prend donc ici tout son sens), tandis que l’écriture des personnages - burlesques - nous rappelle que celle du film joue sans cesse entre réalité et théâtralité, où la frontière est ici on ne peut plus mince... Enfin, petite note pour la bande-originale d’époque et instrumentale de Daniel Pemberton, qui swingue bien plus que l’ensemble. En effet, malgré toutes ses qualités, "Coup de Théâtre" ne renouvelle aucunement le "whodunit" (sous-prétexte que nous n’en sommes plus dupes), malgré un côté vintage très plaisant, tandis que son intrigue s’avère être beaucoup trop dialoguée que pour s’apprécier sur la longueur. Et si nous n’aurions aucunement pu prédire son dénouement, celui-ci ne nous a cependant guère retourné, la faute peut-être à son côté brouillon et rapidement emballé, ainsi qu’aux éternelles fausses pistes diffuses qui chapeautent l’intrigue...