Synopsis : Paul a 43 ans. Il est détective privé et célibataire. Dorothy a presque 16 ans. Elle est en pleine crise identitaire. Il vit en marge de la société bien-pensante bruxelloise, elle a grandi en plein dedans. La seule chose qui les lie est le fait que Paul sait qu’il est le père biologique de Dorothy. Au fil des années, il a vécu avec le secret, et, avec affection, a regardé Dorothy grandir de loin, sans jamais oser s’approcher… Ils ne se seraient sans doute jamais parlé si Dorothy n’avait pas décidé, un jour, de venir sonner à sa porte. Elle a entendu parler de ses activités de détective et elle aimerait bien l’utiliser pour trouver son père biologique.
Acteurs : Bouli Lanners, Manon Capelle, Anne Coesens
Il s’agit du premier long métrage de la réalisatrice qui signe également le scénario. Elle avait réalisé trois courts en 2002 (Ready), 2004 (Strange Little Girl) et en 2009, un court-métrage portant le même titre (ébauche probable du long métrage). Elle a également collaboré à la réalisation de Guilty Hearts en 2006.
Un film "belge" avec des acteurs et des lieux (parfois des quartiers très huppés) que les Belges reconnaîtront pour la plupart. Premier long métrage qui sans être exempt de défauts, mais qui sont largement compensés par une intrigue et un scénario intéressants et intelligents.
Difficile d’ajouter plus d’informations que ne donne le scénario pour ne pas dévoiler l’intrigue. Il s’agit en gros d’une double quête, de filiation et de paternité. Comment être père ? S’agit-il d’une paternité biologique ou d’une paternité adoptive ? Qui est mon enfant ? Comment m’a-t-il échappé, a-t-il acquis son autonomie ? Quand n’a-t-il (et ce peut bien entendu être "elle") plus été "mon" enfant, mais soi-même, autonome, indépendant, mais aussi en relation avec d’autres que moi ?
Qui est mon père ? Celui qui m’élève ou celui qui a eu un jour une relation avec ma mère et dont je suis le fruit "biologique" ? S’agit-il d’une question d’ADN ou d’autre chose ? La question se pose avec acuité en ces temps où l’on voudrait résumer l’humain à l’ADN et où les recherches génétiques en quête de recherche d’un père ou de vérification de paternité. Un procès récent en France a éclairé cela d’un jour nouveau ; il s’agissait d’une affaire d’échange de bébés à la naissance. Le cinéma s’était emparé de ce sujet depuis longtemps : souvenons-nous de La vie est un long fleuve tranquille en 1988, il y a plus de vingt-cinq ans. Et tout récemment Tel père, tel fils (Hirokazu Koreeda, 2013).
Ici aussi, nous sommes dans un drame même si la densité dramatique n’écrase pas et que, par certains côtés, nous pouvons approcher du style "comédie dramatique" où Bouli Lanners arrive avec tendresse et émotion à habiter ce personnage de détective en marge en quête de sa fille. Celle-ci est interprétée avec beaucoup de justesse par Manon Capelle dont c’est ici le premier rôle.
Le film aborde également la crise adolescente et les relations difficiles, voire conflictuelle avec les parents (et vice-versa). Comment échanger avec ses enfants/ses parents. Quelles expériences peut-on se permettre à l’adolescence quelles liberté et marge de manœuvre sont permises ?
Le premier plan du film est énigmatique et ne pourra se comprendre qu’après 1h05 environ. De même, dix minutes plus tard dans le film et plus de 15 ans après le premier, une situation et un lieu analogues seront évoqués dans le film. Après plusieurs quêtes de père, de paternité et d’ADN et un aveu d’impuissance, le film se conclura de façon surprenante sur une véritable "reconnaissance de paternité" (on comprendra l’allusion, double, à la vue du film !) qui permettra de relire la vie des protagonistes avec un tout autre regard sur ce binôme paternité/filiation. En définitive : de qui suis-je la fille, ou encore, qui est mon père pour moi ?