Genre : Drame, film historique
Durée : 105’
Acteurs : Philipp Hochmair, Fabian Busch, Jakob Diehl, Maximilian Brückner, Godehard Giese...
Synopsis :
Le 20 janvier 1942, dans une banlieue calme de Berlin, sont réunis quatorze des plus hauts dignitaires nazis, dont Heydrich, alors considéré comme le possible successeur d’Hitler, Eichmann, chef du Département des Affaires Juives de la Gestapo, Hoffman, représentant du Bureau de la Race et du Peuplement, deux ministres du Reich et des responsables des différents territoires occupés. L’alcool aidant, l’atmosphère est détendue et même joyeuse. A l’ordre du jour, l’extermination des millions de juifs recensés de par le monde, la fameuse Solution Finale...
La critique de Julien
Sans peut-être le savoir, le 20 janvier 1942 restera gravé dans l’Histoire comme l’un de ses jours les plus sombres. C’est en effet à cette date que quinze représentants de haut rang du gouvernement du Reich national-socialiste et des autorités SS s’étaient réunis, présidés par le SS Obergruppenfuhrer Reinhard Heydrich, en sa qualité de chef de la police de sécurité et le Service de sécurité du Reichsführer SS. Le but de cette rencontre ? Discuter de la "solution finale à la question juive", c’est-à-dire l’organisation et la coordination (avec les autorités concernées) en détail de l’Holocauste, notamment autour de la déportation des Juifs, du calendrier des massacres, de l’élargissement des groupes de victimes...
Alors que le terme "Conférence Wannsee" n’a été donné à cette réunion - top secrète - qu’après la Seconde Guerre mondiale, et cela en référence à l’endroit où elle s’est déroulée, c’est-à-dire dans l’ancienne Villa Marlier, située sur les rives du Wannsee à Berlin, aujourd’hui devenue un mémorial de l’Holocauste, et rebaptisée "Haus der Wannseekonferenz", le film allemand "Die Wannsee Konferenz" revient sur ces moins de cent-vingt minutes décisives, ayant définitivement entraîné la mort de millions de Juifs en Europe...
Scrupuleusement basé sur la copie du seul exemplaire retrouvé du procès-verbal de ladite conférence, ainsi que sur des sources authentiques, ce film se veut être une retranscription en temps réel de cette conférence, autour de la table, alors que le spectateur assiste, horrifié, aux propos de cette galerie de monstres, autour d’un acte bureaucratique pragmatique, parlé dans un langage voilé, rendant la chose encore plus inhumaine, tandis que Reinhard Heydrich y jouait ses ambitions professionnelles, dans un exercice de pouvoir et d’ignobles intérêts. Ce qui choque alors dans ce film, c’est évidemment la technocratisme déconcertante des décisions et du langage nazi, méprisant, banalisant le meurtre, étouffant toute empathie, sous couverture de bénéfices industriels et économiques, de la santé de l’Allemagne pure, ainsi que d’euphémismes et de chiffres, offrant ainsi la satisfaction à ses auteurs de se sentir comme des "Allemands respectables"...
Dans ce qui semble être un film tourné en un seul plan-séquence, sans en être le cas, les acteurs épatent par la maîtrise de leur texte et la désinhibition de leur jeu, eux qui ont dû se convaincre de leur monstrueux personnage, en amont, afin de nous convaincre en retour, alors qu’aucune faille n’était ici de mise. Or, force est de constater qu’on y croit, et qu’on assiste, médusé, à un tribunal humain aussi exécutif qu’il est, finalement, inhumain... Avec "Die Wannsee Konferenz", Matti Geschonneck filme ainsi une œuvre parlée extrêmement exigeante, sans pitié, et rébarbative dans la forme, et pourtant très réussie, car indirectement passionnante dans son genre, unique et audacieux. Il n’en demeure pas moins un film à réserver à un public (très) averti.