Genre : Drame
Durée : 96’
Acteurs : James Norton, Daniel Lamont, Eileen O’Higgins, Valene Kane...
Synopsis :
John, 35 ans, est laveur de vitres en Irlande du Nord. Il élève seul son fils de 4 ans, Michael. John doit faire un choix important car la prunelle de ses yeux va devoir grandir sans parents. Il se lance à la recherche de la famille idéale pour Michael. Il a une idée précise de ce qu’il recherche et est soutenu dans sa démarche par le bureau d’adoption. Mais le foyer idéal semble ne pas exister. John, pourtant, doit prendre une décision. Basé sur une histoire vraie.
La critique de Julien
Présenté début septembre 2020 (!) à la Mostra de Venise, "Nowhere Special" se fraie enfin une place sur nos écrans de cinéma, lui qui est mis en scène par le réalisateur d’origine italienne Uberto Pasolini, installé au Royaume-Uni, lequel a connu son premier grand succès en 1997 en produisant la comédie "The Full Monty", de Peter Cattaneo. Dans un tout autre style, sa troisième réalisation, "Nowhere Special", nous parle d’un père (James Norton), célibataire, laveur de vitres, lequel est en train de chercher, avec les services sociaux, une future famille d’accueil pour son fils de 4 ans (Daniel Lamont), se sachant atteint d’une maladie incurable. Mais alors que son enfant comprendra lentement ce qui est en train de se passer, ce père devra trouver le courage et les mots pour parler à son fils de sa mort prochaine...
Que voilà un drame sans prétention, et d’une grande émotion. Inspiré d’une histoire que le réalisateur a lu dans le Daily Mail, "Nowhere Special" nous invite dans le quotidien d’un homme condamné, lequel s’occupe seul de son petit garçon, étant donné que la mère de ce dernier est retournée vivre en Russie, sans laisser d’adresse. D’emblée, Uberto Pasolini ne cherche pas ici à s’apitoyer sur le sort de ce papa. Non, pas de voyeurisme mal placé ici ; que du contraire. Par le prisme de cette issue inéluctable, le metteur en scène invite plutôt à s’interroger sur notre place dans ce monde, sur la mort et ce que nous laissons dans ce monde après notre départ, sur le rapport entre père-fils, et surtout sur le terrible choix qu’est celui de devoir choisir une famille d’accueil pour son propre fils, sans (avoir le temps de) savoir ce qui sera bon ou non pour lui, ou encore en ayant la sensation de ne pas véritablement le connaître, étant donné que l’enfant en question n’a même pas ici cinq ans. Enfin, on voit indirectement aussi au travers de cette histoire un message de bienveillance envoyé à toutes ces familles qui n’ont pas réussi à avoir d’enfant(s), et qui attendent avec espoir de pouvoir offrir et de donner leur amour à un enfant né d’autrui, en le considérant ainsi comme le leur, et en lui donnant dès lors toutes ses chances dans la vie...
L’écriture du film se construit alors autour de dialogues échangés au cours de rencontres, lesquels s’intéressent avec une justesse infinie à ces thèmes difficiles, mais toujours par de belles métaphores et anecdotes, qu’elles soient racontées sur un divan, ou à côté d’une échelle. Ce sont alors ces discussions avec les familles d’accueil ou des clients qui aideront le personnage principal à faire ce terrible choix, quelque part injuste, étant donné que la vie n’aurait jamais dû le confronter à une telle responsabilité.
Cinématographiquement, "Nowhere Special" n’est donc pas du grand cinéma. C’est plutôt un mélodrame, mais qui se respecte, et s’assume, sans pour autant faire donc pleurer dans les chaumières. Et c’est d’autant plus le cas inverse avec le jeu toute en retenue et complicité de James Norton et du petit Daniel Lamont. En effet, l’acteur anglais de 36 ans joue son rôle avec une pudeur qui ne peut que toucher, soit celui d’un père dépassé par l’injustice de la vie, et la honte qu’est celle d’abandonner son enfant, qu’il ressent alors au plus profond de lui. Beaucoup trop crédité aux seconds-rôles, le comédien nous montre ici toute l’étendue de son jeu, et prouve que le port d’une casquette et d’un training peut être synonyme d’élégance. Car finalement, comme le dit l’adage, "l’habit ne fait pas le moine". Et ce qui est encore plus touchant ici est de voir le regard de ce père, au travers des vitres et vitrines qu’il nettoie, comprenant ainsi qu’il ne pourra jamais offrir à son propre enfant ce qu’il observe de l’autre côté de celles-ci, mais sans curiosité aucune. Face à lui, Daniel Lamont, pour son premier rôle au cinéma, est également remarquable dans la peau d’un enfant docile, timide et bien élevé, lui qui est parfaitement dirigé par Uberto Pasolini, et porté par son partenaire de jeu. Et puis, que dire de leurs échanges, naturels, et de ce plan final, dévastateur, sans être larmoyant ?
Alors certes, ce n’est pas un film que l’on regarde avec le sourire et duquel on ressort avec une grande pêche, ni avec surprise. Mais Uberto Pasolini va ici de l’avant au travers de récit, tandis que le futur de ce petit se dessine, au contraire de celui de son papa, voué à disparaître (corporellement), tout en étant plus en paix avec lui-même, et notamment vis-à-vis du choix cornélien qui lui revient de droit, tout en étant impuissant face à ses conséquences... "Nowhere Special" filme alors un désarroi qui touche inévitablement, mais sans pathos, et avec une grande délicatesse.