Genre : Drame
Durée : 98’
Acteurs : Isabelle Huppert, Reda Kateb, Naidra Ayadi, Laurent Poitrenaux, Soufiane Guerrab, Hervé Pierre...
Synopsis :
Maire d’une ville du 93, Clémence livre avec Yazid, son directeur de cabinet, une bataille acharnée pour sauver le quartier des Bernardins, une cité minée par l’insalubrité et les "marchands de sommeil". Ce sera son dernier combat, avant de passer la main à la prochaine élection. Mais quand Clémence est approchée pour devenir ministre, son ambition remet en cause tous ses plans. Clémence peut-elle abandonner sa ville, ses proches, et renoncer à ses promesses ?
La critique de Julien
Il y a quatre ans sortait "La Mécanique de l’Ombre", le premier film du prometteur cinéaste français Thomas Kruithof, dans lequel un homme (François Cluzet) était engagé par un autre (Denis Podalydès) afin d’écouter et de retranscrire des appels téléphoniques, avant de se retrouver embarquer dans un complot organisé par les services secrets d’États, et cela à des fins politiques. Force est de constater que le metteur en scène n’abandonne pas le domaine de la politique française avec "Les Promesses", étant donné qu’il y filme les coulisses de la fin du mandat de Clémence Collombet (Isabelle Huppert), maire dévouée et pugnace d’une ville du 93, elle qui, aidée par son directeur de cabinet et fidèle bras droit Yazid (Reda Kateb), va jouer cartes sur table pour un dernier combat, soit celui de sauver une citée minée par l’insalubrité et les "marchands de sommeil", avant de passer la main. Sauf qu’elle sera étrangement approchée pour une toute autre mission, dont rêve tout politicien, ce qui remettra en question ses engagements, et ses promesses...
Même s’il faut s’accrocher pour suivre et comprendre les ressorts de tous les enjeux professionnels et relationnels qui lient ici tous ses personnages, affiliés de près ou de loin à la politique, "Les Promesses" est un thriller haut de gamme, dans lequel Thomas Kruithof nous livre un scénario implacable, écrit avec Jean-Baptiste Delafon (co-créateur de la série "Baron Noir") en trois années, et au travers duquel il confronte le spectateur à toutes sortes de tractations possibles et imaginables dans le milieu politique, et où chacun profite à sa façon de ce qu’il peut en tirer, mais avec en ligne de mire ici un combat social réaliste pour sauver une cité, laissée-pour-compte, étant donné qu’il n’y a pas d’argent à y gagner par l’Etat, sauf pour des "marchands de sommeil", entretenant le mal-logement en abritant un maximum d’étrangers dans de petits appartements.
"Les Promesses" parle alors plus d’argent que d’idées, et nous montre que le combat social - aussi concret soit-il - n’est jamais gagné d’avance, et qu’on est toujours plus fort à plusieurs que seul. C’est un film qui nous parle dès lors de loyauté, d’intimidation et d’instrumentalisation professionnelle, de rapport de force entre individus et entre l’individu et le système, mais également de crise existentielle, de morale et surtout d’une solide amitié, mise pourtant ici à rude épreuve dans un monde de requin, où ambition et perdition riment bien plus que par leur orthographe.
Situé dans l’action, le film de Thomas Kruithof gagne en intensité au fur et à mesure de la course contre la montre qui se joue devant nos yeux, au travers du combat de son personnage central, Clémence Collombet, issue d’un milieu bourgeois, qu’Isabelle Huppert incarne avec beaucoup d’impartialité, d’intuitivité, de poigne, tandis que Reda Kateb est une fois de plus très juste et - en apparence - fidèle dans la peau de son homme de main, lequel va se développer dans son ombre, lui qui est issu des banlieues tout en étant condescendant avec ses pairs, et souhaite ainsi quitter la ville. Leur duo fonctionne avec une grande efficacité, une alchimie qu’on croirait instinctive, alors que leurs personnages sont pourtant chacun à leur place, avec leur part de mystère, d’objectifs à atteindre, tout en restant finalement dans leurs droits, dans leur jeu...
Même s’il est fort dialogué, "Les Promesses" transpire autant que ses protagonistes. On est alors happés par ce tourbillon de retournements de situation, découvrant le fonctionnement de la vie politique et du courage de la politique locale, autour ici d’une maire, occupant une place de liaison entre le peuple et l’Etat, et sur terrain. Le film de Thomas Kruithof est pour toutes ces raisons une pure réussite, passionnante et instructive, sans être rébarbative pour ceux qui n’aiment pas la politique. Que du contraire !